Depuis que le Maroc a décrété l’Etat d’Urgence Sanitaire, suite à l’apparition des premiers cas positifs au Coronavirus, les entreprises marocaines ont vécu une période de cessation de fonctionnement sans précédent. En effet, plusieurs sociétés, industrielles et commerciales, étaient dans l’obligation de rompre leur activité, et par conséquent leurs cycles d’exploitation et de financement ont été profondément impactés par cette crise sanitaire.
Si le nombre de défaillances d’entreprises à fin 2019 frôlait les 10 000 défaillances, à cause des retards de paiement et le faible carnet de commandes, les déchéances et faillites au titre de l’exercice en cours seront dévastatrices pour l’économie marocaine. Selon moi, j’estime au mieux 20 000 défaillances si et seulement si des actions concrètes seront entreprises avant la fin de l’année en cours, afin de sauver une partie des entreprises en difficulté. Au cas contraire, le chiffre de l’année 2019 risquerait de tripler.
Dans le même sillage, les financements mis en place pendant et après confinement n’étaient pas adapter au tissu économique marocain, formé essentiellement des très petites entreprises (TPE), petites entreprises (PE) et moyennes entreprises (ME), et qui forment plus de 95% du tissu entrepreneurial marocain. Encore pire, les garanties supplémentaires, outre que la garantie donnée d’office par l’Etat, demandées par certaines banques de la place entravaient le financement desdites entreprises, telles que le nantissement sur fonds de commerce ou l’hypothèque sur biens personnels, et qui se retrouvaient déjà en difficultés économique, financière et monétaire.
Dans le même ordre d’idées, seules certaines entreprises « Grands Comptes » qui ont pu bénéficier desdites facilités de trésorerie, moyennant les produits « Daman Oxygène » et « Daman Relance ». Malheureusement, les autres entreprises se sont livrées à elles-mêmes en ces circonstances particulières, à tel point qu’elles étaient incapables d’honorer les salaires des ouvriers&agents et se sont vu cumuler les redevances locatives, de télécommunications et même d’eau et d’électricité.
Par conséquent, le financement à lui seul ne résout pas la problématique des défaillances des entreprises marocaines. Le faible carnet de commandes, la difficulté d’accéder aux commandes publiques, la non compétitivité technologique, la qualité modeste et la faible ouverture à l’international, sont, entre autres, des raisons qui empêchent la survie, le bon fonctionnement et le développement des entreprises marocaines.
D’autre part, la classe moyenne marocaine a été fortement touchée par cette crise sanitaire. Ceci dit, la majorité des TPE-PME ont constaté un recul significatif du chiffre d’affaires pour les deux mois suivants le déconfinement, soit en moyenne 50% selon plusieurs entrepreneurs sondés. De ce fait, le soutien du pouvoir d’achat du consommateur demeure inéluctable pour pouvoir relancer la machine économique. En effet, bon nombres de consommateurs et d’acheteurs se sont vu baisser leurs salaires significativement, ce qui a impacté leurs décisions d’achats, voire les produits des entreprises locales.
A l’exception des secteurs de l’alimentaire, des télécommunications et des énergies domestiques, qui ont pu réaliser de la croissance en ces circonstances particulières, suite à la hausse de la consommation domestique des ménages en confinement, tous les autres secteurs économiques sont profondément touchés et en décroissance continue. Ce qui démontre l’ampleur de cette crise sanitaire sur l’entreprise marocaine.
Par Youssef Guerraoui Filali, Directeur du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management