Le Centre Monétique Interbancaire joue un rôle primordial en assurant une fin sécurisée et heureuse aux transactions commerciales ou autres. Son intermédiation mérite rémunération. Le mode de calcul de cette dernière et la partie qui en est redevable n’obéissent pas à des règles standards. Le CMI se permet de les changer à la tête du client.
Le CMI en chiffres
Dans son rapport d’activité de l’année 2018, le centre monétique interbancaire ne cache pas sa satisfaction quant à l’évolution des paiements via internet. Ceux-ci ont réalisé entre 2015 et 2018, une évolution de 235% nombre et 146% montant.
périodes | Cartes Marocaines & Etrangéres | |
Nombre | Montant | |
2015 | 2 466 622 | 1 330 333 737 |
2016 | 3 620 145 | 1 755 045 362 |
2017 | 6 592 058 | 2 637 273 174 |
2018 | 8 568 598 | 3 280 218 159 |
Variation 18/17 | 25,4% | 24,4% |
Variation 18/15 | 247% | 147% |
Source : CMI
L’évolution exponentielle de ce mode de paiement n’a pas laissé indifférent l’Etat, ses établissements et entreprises et a nourri leur fascination. Pour être de la fête, l’Etat était dans l’obligation d’amender son dispositif légal en l’occurrence le décret royal sur la comptabilité publique. Ainsi le paiement par carte bancaire a pris place parmi les autres modes agrées par l’article 27 dudit décret royal.
Les résultats ne se sont pas faits attendre et l’effet hypnotiseur des cartes bancaires a porté bénéfice aux affaires de l’Etat. Ainsi, au terme de l’année 2018, les paiements via internet au profit de l’Etat et de ses établissements ont représenté au moins 40% du volume traité par le CMI.
Paiement par carte bancaire : Les contraintes
Ce mode s’est attiré l’attention de l’Etat, non seulement en raison de son effet hypnotiseur qui favorise la dépense chez les redevables, mais également suite à la sécurité et aux économies d’échelle qu’il procure. En effet, le paiement par carte bancaire épargne les risques attachés aux paiements en monnaie fiduciaire ou scripturale et élimine du revers de la main toutes les dépenses : fonctionnement ou investissement attachées aux opérations de paiement : locaux, personnel, consommable…
La formule proposée par le CMI en matière de paiement par carte bancaire prévoit la retenue à la source d’une commission en rémunération de son intermédiation. Ce prélèvement constitue aux yeux de la comptabilité publique une contraction entre une recette et une dépense. L’article 21 dudit décret royal ne tolérera en aucun une telle retenue.
En outre, le modèle opératoire du CMI prévoit que la commission soit prélevée sur la recette du vendeur. Cette option ne peut en aucun cas être admise en présence des dispositions de l’article 95 du décret royal sur la comptabilité publique. En effet, les frais entraînés par le règlement ne sont à la charge de l’Etat que dans des cas très limités. Celui afférent au paiement par carte bancaire n’y figure pas.
Les ambitions de l’Etat se trouvent donc ralenties par des textes qui commencent à dater. Mais rien ne l’arrêta. Il trouvera une solution qui lui permettra de respecter l’intangibilité des textes, aussi sacrés que la chapelle, profiter de la sécurité absolue et dans la foulée tirer avantage des économies d’échelle attachées à ce mode de paiement.
Paiement par carte : c’est le citoyen qui paie en attendant la régulation
La solution retenue est de mettre la commission du CMI à la charge du redevable. Pour faire avaler la pilule au citoyen, l’Etat ne manquera pas d’arguments. D’ailleurs, quand on veut justifier une mauvaise action, on trouvera toujours de bons arguments. Le citoyen est contraint à accepter de payer, en chauffant sa carte bancaire, pour s’épargner les conditions ô combien inhumaines entourant le service public associé aux opérations du paiement. Eh oui le luxe ça se paie semble dire l’Etat à ses gouvernés.
L’exécution du contrat révèle l’existence d’une partie faible en l’occurrence le citoyen. Il n’a pas participé à la fixation des clauses et n’a qu’à y adhérer. Dans une telle situation, un régulateur devrait intervenir pour mettre tout son poids dans la balance et protéger la partie jugée faible lors de la formation du contrat. Le citoyen n’a ni à subir la défaillance des services publics ni à prendre en charge sans cause la rémunération du CMI.
Le CMI, en facturant sa rémunération au citoyen, est taxé d’une dualité de traitement qui ne rime pas avec justice et égalité. En effet, pour les opérations entre privés, il prélève sa rémunération au vendeur qui voit sa recette diminuée alors que pour les opérations public-privé, la commission est supportée par le privé. Cette dualité de traitement doit interpeller les opérateurs économiques qui doivent militer pour la levée de cette injustice. Le CMI doit rompre avec cette pratique de deux poids deux mesures.