A la veille des élections législatives au Maroc, le vote électronique pourrait être idéal pour le bon déroulement des opérations, surtout en cette période de COVID-19.
Alors que le monde professionnel commence à s’adapter à la pandémie, la vague de la digitalisation se transforme en tsunami avec ce contexte.
Là où on appréhendait la numérisation comme un luxe, on y voit maintenant une nécessité, même en politique. Car si les tentatives précédentes de révolutionner les procédés démocratiques se sont souvent soldées par un échec, il y a dans ce contexte une chance d’implémenter la digitalisation une fois pour toutes.
Et quel meilleur moyen de rendre la démocratie accessible à tous que le vote électronique, ou tout du moins sa forme à distance.
Comme pour le télétravail, c’est loin d’être une idée nouvelle, car elle été appliquée dans bon nombre de pays. Seulement, le vote électronique se présente sous plusieurs formes.
La plus commune et ayant enregistré des résultats mitigés est celle de la borne placée dans le bureau de vote. Le déplacement de l’électeur est primordial dans ce cas-ci. Ce qui nous ramène aux procédés de vote utilisant Internet.
Ces procédés utilisent des processus similaires à ceux des bornes de votes spécialisées, sauf que ces moyens sont accessibles depuis n’importe quel périphérique connecté à Internet.
Les électeurs votent ainsi quel que soit leur emplacement, qu’ils soient chez eux, au travail, dans un aéroport ou un cybercafé. Il suffit de se connecter sur le site officiel de vote, lequel est hébergé sur un serveur spécialisé, remplir les formulaires de connexion avec les identifiants fournis par l’organisateur des élections, puis faire son choix sur la page dédiée au vote.
L’opération se déroule plus ou moins comme si c’était fait sur une borne spécialisée dans un bureau de vote. L’élément commun à ces procédés de vote (Appel téléphonique, SMS, site internet) est que tout le processus électoral est géré par un serveur spécialisé, et ne nécessite aucun déplacement.
A la veille des élections législatives au Maroc, cette approche pourrait être idéale pour le bon déroulement des opérations, surtout en cette période de COVID-19, et constitue peut-être l’opportunité de généraliser ce processus pour tout type de suffrage. Bien sûr, il faut toujours modérer ses attentes.
Car si cette solution existe depuis déjà deux décennies sans toutefois faire preuves d’une efficacité sans faille, son potentiel reste toujours très prometteur.
On peut néanmoins s’interroger sur la capacité du Maroc à implémenter une telle logistique sur l’ensemble des processus électoraux. Quand on regarde toutes les facettes du polygone, on s’aperçoit que c’est beaucoup plus évident que ça n’en a l’air.
Premier élément à considérer, le processus de digitalisation initié par le Maroc depuis 2017. La Stratégie Maroc Digital 2020, s’appuie sur trois piliers essentiels : la transformation numérique de l’économie nationale, l’amélioration de l’écosystème numérique national et le positionnement du Maroc en tant que hub régional et leader africain dans le domaine.
Cette stratégie a pour but d’encourager la diffusion des outils numériques et la promotion de leur utilisation auprès de la population, même pour des prestations administratives.
Dans cette perspective, l’administration marocaine est appelée à se moderniser pour offrir aux utilisateurs de meilleures prestations. Ce qui implique un passage plus que nécessaire aux plateformes numériques, permettant de fluidifier les processus administratifs.
Cette fluidité permettra au citoyen de mieux gérer sa situation administrative, sans avoir besoin d’effectuer des déplacements souvent couteux et inutiles (et risqués en cette période de pandémie). Le pilier E-GOV de la stratégie Maroc Digital prévoit de rendre les services administratifs numériques à plus de 50 %.
L’intégration du vote électronique ou plus précisément du vote en ligne devrait donc se faire avec une certaine fluidité, sans rencontrer de problèmes techniques majeurs.
En évoquant de problèmes majeurs, c’est plutôt la politique qui risque d’être un obstacle de taille. Car si tous les paramètres techniques sont disponibles, il y aura toujours des opposants au progrès prêts à plomber un projet rien que pour un peu de visibilité. Il y a certes des arguments aux allures convaincantes pour appuyer leurs points de vue.
Certains diront qu’avec un taux d’analphabétisme plus ou moins égal à 43%, on a déjà du mal à voter avec les méthodes classiques, alors que d’autres diront que si certaines classes populaires n’ont pas accès à l’électricité ou à l’eau potable, auront-ils accès à Internet le jour du vote ? À supposer qu’ils y aient accès, sauront-ils comment voter en ligne ?
Autant d’arguments réfutables uniquement par les faits.
Selon les données de l’ANRT, le parc global de la téléphonie mobile s’est établi à 46.667.000 à fin décembre 2019, soit un taux de pénétration de 131,14%.
Sur la même période, le parc des abonnés Internet (fixe et mobile) a atteint près de 25.385.000, soit taux de pénétration de 71,33%, dont l’Internet mobile représente 23.677.000 abonnés.
Si la pandémie a eu un impact quelconque sur le secteur de la technologie, il n’est que positif. Il suffit de se rendre chez les revendeurs spécialisés pour constater les ruptures de stock de plusieurs types d’appareils connectés.
Peu importe les chiffres actuels, ils doivent être bien supérieurs aux données de 2019. Et puis le vote électronique n’exclut pas les bureaux de vote physiques, mis justement à la disposition des gens dans l’incapacité de voter via un appareil connecté.
Même en ce contexte de pandémie, cette stratégie garantirait non seulement un taux élevé de participation, mais réduirait considérablement l’affluence sur les bureaux de vote, ce qui ne présente que des avantages.
A propos des avantages justement, celui des coûts arrive en tête. La logistique technologique nécessaire a un coût beaucoup moins élevé que celle d’un vote physique, aussi bien monétaire que temporel.
L’argent économisé pourrait être réinvesti dans d’autres projets.
Il reste cependant à convaincre les différents acteurs politiques, principalement les partis de la pertinence d’un tel choix.
Hypothétiquement, leurs mises en doute se limiteraient en plaidoirie à l’encontre de l’exploitation du vote électronique pour influencer les résultats des élections, que ce soit par les pouvoirs publics ou par les entreprises fournissant l’accès au vote.
A chaque problème sa solution, cette dernière consiste en la création d’une commission indépendante de gestion des élections avec un accès exclusif aux serveurs et systèmes dédiés au vote.
Sur ce point, il semblerait qu’on a fait le tour de la question.
Si la digitalisation est inévitable, alors tôt ou tard les processus électoraux seront affectés. La transformation a déjà commencé dans plusieurs pays à travers le monde, et vu la direction que souhaite prendre le Maroc avec la digitalisation, on devrait tôt ou tard pouvoir voter sans bouger de chez soi, ce qui en ce temps de crise sanitaire, serait l’idéal.