L’édification d’un nouveau modèle de développement socio-économique ne peut réussir sans intégration de l’économie informelle. En effet, en se référant à de récentes études, l’économie du « noir » représente environ 30% de la richesse nationale, soit approximativement une valeur monétaire de 300 Milliards de Dirhams par année budgétaire, ce qui fait perdre des points de croissance importants à l’économie marocaine.
Les récents événements survenus à Tanger nous rappellent la nécessité d’entamer une réforme transverse du secteur informel, tant au niveau national que local. De ce fait, l’approche répressive, basée sur la suspension de l’activité et le déclenchement des poursuites judiciaires, ne permettrait de résorber la problématique de l’informel, puisque plusieurs unités soupçons disparaissent et donnent naissance en effet à de nouvelles entités clandestines.
Par conséquent, il va falloir mettre en place une véritable politique publique d’insertion des unités informelles dans le tissu entrepreneurial marocain. A travers une approche horizontale, ladite politique devrait être orientée vers les entités clandestines ou illégales, en ayant pour objectif leur intégration dans la valeur ajoutée nationale et le circuit économique.
De ce fait, la consolidation de l’économie informelle dans le tissu économique devrait s’effectuer à travers une approche inclusive basée sur la détection, la sensibilisation et l’orientation juridique et fiscale. Par conséquent, il incombe aux pouvoirs publics locaux, en l’occurrence les autorités locales du Ministère de l’Intérieur, de jouer pleinement leur rôle de renseignement et d’identification des usines et entités illégales.
Dans cet ordre d’idées, la mise en place d’un système d’information intégré demeure nécessaire, afin d’assurer le renseignement des informations et le suivi des cas détectés, ainsi que le sort des dossiers en temps réel. Outre le Ministère de l’Intérieur, ledit système doit être accessible à toutes les parties prenantes concernées, entre autres, la Direction Générale des Impôts, le Ministère de l’Emploi, les Tribunaux Compétents de Commerce, le Ministère Public et l’Administration des Douanes et des Impôts Indirects.
Dans le même sillage, l’intégration de l’économie informelle dans le circuit économique marocain facilitera en effet la mise en œuvre du projet de généralisation de la couverture sociale, et améliorera par conséquent les taux de chômage aux niveaux local, régional et national. Encore mieux, ladite intégration est susceptible de renforcer les recettes fiscales ordinaires du Maroc, à travers la consolidation de nouvelles déclarations fiscales, en vue de parvenir à améliorer le déficit budgétaire structurel de l’Etat.
Par conséquent, une batterie de mesures devrait être mise en place afin d’encourager l’intégration du secteur formel. A titre d’exemple, il peut s’agir d’une contribution libératoire pour la première déclaration fiscale ou d’un abattement d’impôts pour les trois premiers exercices comptables formels, mais dans le cadre d’une approche inclusive en parfaite corrélation avec les objectifs du nouveau projet de modèle de développement du Royaume.
Youssef GUERRAOUI FILALI, Président du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management