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Le Policy Center for the New South a consacré la session du 23 novembre de son programme hebdomadaire ‘‘Les Mardis du PCNS’’ à l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2022 : Enjeux sociaux et développement économique, avec la participation de Hicham Attouch, enseignant chercheur à la Faculté des sciences économiques, juridiques et sociales Souissi de l’Université Mohammed V de Rabat. En voici l’essentiel.
PCNS : Quelles sont les grandes lignes du PLF 2022 et quels en sont les objectifs ? Quelles sont les caractéristiques de ce projet de loi à l’aune de la situation actuelle de l’économie marocaine et mondiale ? S’agit-il d’un projet d’expansion ou d’austérité ?
Hicham Attouch : Le PLF 2022 compte mettre en œuvre un ensemble de lois-cadres telles que la loi-cadre n° 69.19 sur la réforme fiscale et la loi-cadre n° 51.17 sur la réforme du système de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Le projet de loi de finances 2022 est encadré par la loi organique 130-13 dont l’une de ses principales conditions est de préserver les équilibres macro-économiques. Il est également encadré par la note d’orientation n° 14.20.21 du Chef de gouvernement et doit, en troisième lieu, prendre en considération les élections législatives et le programme gouvernemental qui en a découlé.
Le Maroc a choisi d’être leader sur le continent africain ; il cherche à se repositionner auprès de ses partenaires en optant pour une approche anglo-saxonne. Par conséquent, ce projet de loi de finances doit traduire cette volonté. Ce projet se distingue aussi par la détermination de sortir du goulot d’étranglement de la crise consécutive à la pandémie de Covid.
Tout projet de loi de finances repose sur des hypothèses, c’est-à-dire sur des prévisions portant sur des facteurs essentiels tel le prix du gaz butane, la possibilité d’une hausse du produit intérieur brut au Maroc, les résultats attendus de la saison agricole, etc.
Les nouveautés du PLF 2022 sont de façon générale : tout d’abord, activation du Fonds Mohammed VI pour l’investissement avec un volume de 45 milliards de dirhams dont 15 milliards seront déboursés cette année. Ce fonds viendra soutenir des projets stratégiques principalement en plus des petits projets. Par ailleurs, l’Agence nationale de gestion stratégique des investissements et participations de l’Etat sera elle aussi activée. Parmi les objectifs de ce projet, on retrouve également la généralisation de la protection sociale. 22 millions de Marocains vont ainsi pouvoir bénéficier de la couverture médicale. A cet effet, 9 milliards de dirhams seront alloués en plus au secteur de la santé et de la protection sociale, ainsi qu’au secteur de l’éducation, de la formation, des sports et de l’enseignement préscolaire.
Ce projet de loi de finances est à la fois un projet d’expansion et d’austérité : un projet de loi d’expansion au regard des investissements prévus, car il vise à augmenter les dépenses d’investissement à titre d’exemple, et un projet de loi d’austérité car il ne comporte pas beaucoup de mesures pour soutenir la demande, alors qu’il prévoit de nombreuses mesures fiscales.
On sait que tout projet de loi de finances comporte souvent de nouvelles mesures en matière de financement, notamment par le biais des impôts. Quelles sont donc les principaux changements et mesures qui vont concerner en même temps l’impôt sur les sociétés et certaines taxes liées à la consommation ? Ces actions s’inscrivent-elles dans la perspective de la réforme fiscale escomptée, qui a donné lieu à des assises de la réforme fiscale ainsi qu’à la loi-cadre relative à ce domaine, ou alors ces changements ne servent-ils qu’au maintien des équilibres macro-économiques ?
Les ressources fiscales de l’Etat sont constituées des recettes provenant des contributions de l’Etat et de la dette, en plus des ressources exceptionnelles telles que la privatisation et les dons. Les dépenses au titre du projet de loi se situent dans la limite de 520 milliards de dirhams, dont 230 milliards proviendront des impôts (40%) et 105 milliards seront financés par la dette intérieure et extérieure. Les contributions de l’Etat, quant à elles, ne dépasseront pas 18 milliards. On voit donc que la principale source est l’imposition : comment seront répartis les 230 milliards ? Les impôts indirects augmenteront de 11%, alors que les impôts directs vont croître de 20% et les recettes douanières de 10%.
A noter que certaines mesures avaient été prévues dans la loi-cadre sur la réforme fiscale n° 69.19, telle l’unification du taux de l’impôt sur les sociétés afin de se conformer à l’article 4 de cette loi-cadre. Mais l’impôt n’a pas uniquement une fonction fiscale, il a aussi une fonction économique, sociale, culturelle et environnementale. Par conséquent, je pense qu’aujourd’hui, ce qui est attendu du projet de loi de finances 2022 ne s’inscrit pas entièrement dans un cadre fiscal global. Un tel cadre nécessite de nouvelles assises fiscales après la crise de Covid.
Parmi les domaines ou les objectifs généraux inscrits dans le projet de loi de finances figure l’emploi. A ce propos, un ensemble d’initiatives et de postes budgétaires seront consacrés à des départements ministériels. Est-ce suffisant pour combler les besoins en emplois, surtout après la crise de Covid et les effets qu’elle a produits et qu’elle continue de générer ?
Le PLF 2022 n’est pas suffisamment clair en qui concerne les 250 000 opportunités d’emploi qui seront offertes sans condition de qualification et qui devront être mises en œuvre sur une période de deux ans, avec un financement de 2,25 milliards de dirhams. Le projet de loi parle de postes d’emploi alors qu’il s’agit d’opportunités d’emploi. Lorsqu’on parle de postes d’emploi, on parle de leur pérennité, de la nature du secteur employeur et des compétences requises.
Parmi les questions essentielles qui ont été inscrites dans le PLF en guise de quatrième objectif, figurent le réaménagement et la restructuration de la gouvernance des institutions du secteur public, notamment les entreprises et les établissements publics. Pouvez-vous éclairer l’opinion publique à ce sujet ?
Je pense qu’il est de grande importance de mettre en œuvre l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat et de suivi des performances des établissements et entreprises publics, car pour aller de l’avant l’Etat doit aujourd’hui accorder davantage de marge au marché intérieur et extérieur. Les secteurs de l’eau, de l’électricité et des transports, étant liés à la sécurité stratégique du pays, nécessitent des réformes profondes : efficacité, efficience, suivi, contrôle judiciaire et mise en œuvre du rôle d’institutions de poids telles que la Cour des comptes.