En l’espace de deux semaines deux journalistes marocains ont été licenciés en raison de leur activité syndicale, qui est pourtant un droit garanti par l’article 29 de la Constitution. Pour ce qui est du Code du travail, il n’assure pas la protection juridique nécessaire aux représentants syndicaux des travailleurs.
Ces licenciements interviennent dans un contexte très difficile pour la profession, première chair à canon face à l’impact économique du Coronavirus sur les entreprises de presse. Voire même sacrifiés dès le mois de mars avant même que les répercussions de la crise ne se font sentir. Et dans ce lot sacrifié, sous couvert de la crise, on retrouve souvent des journalistes syndiqués.
Les journalistes, leaders d’opinion qui ont fait un travail formidable d’information et de sensibilisation lors de la crise sanitaire, eux-mêmes qui défendent les droits des autres pans de la société, sont atteints dans leur droit à une liberté syndicale.
Ces mêmes plumes qui dénoncent les maux de la société et les conditions de travail dans différents secteurs devraient-ils être acculés au silence lorsqu’il s’agit de mettre à nu les difficultés rencontrées au sein même de leurs entreprises ?
La question est très délicate et renvoie un très mauvais signal à la communauté des journalistes, car la liberté syndicale est indissociable de la liberté d’informer et les priver de ce droit d’expression au sein même des médias où ils travaillent c’est les réduire à de simples salariés, pis, à des eunuques à la merci du bon vouloir du patron de presse. Ce n’est ni plus ni moins qu’une omerta.
Et ce n’est malheureusement là que la partie visible de l’iceberg. Les maux dont souffre le secteur de la presse sont légion malgré toutes les avancées réalisées ces dernières années, notamment en matière de salaire minimum dans le cadre de la convention collective signée en 2005, censée améliorer les conditions de travail des journalistes (sic).
En effet, toutes les dispositions contenues dans la convention collective ne sont pas respectées, puisque certaines entreprises signataires de la convention collective ne respectent pas le nombre d’heures travaillées, ne rémunèrent pas les heures supplémentaires et les jours fériés ou congés travaillés, octroient des frais de déplacement dérisoires, privent les journalistes du 13ème mois, des rédactions en sous-effectif… en toute impunité.
Ces dépassements ne sont connus que grâce au courage des représentants des travailleurs, les premiers au front face à des entreprises qui tentent de les faire taire en miroitant la menace du licenciement.
Les efforts du syndicat depuis des années n’y font rien, et le Conseil national de la presse n’a pas, à quelques mois de la fin de ce premier mandat, fait de réalisations notables dans le sens de l’amélioration des conditions d’exercice du métier au sein des entreprises de presse. Résultats des courses, des procès à la pelle !
Pourtant, le journaliste est la pierre angulaire d’une entreprise de presse, il est l’unique source du « produit commercialisé ». Ce que beaucoup semblent oublier, il ne doit aucunement être le maillon faible d’un écosystème appelé à opérer sa mue. Il est nécessaire de rétablir une relation équilibrée entre journalistes et rédactions, autrement les vœux pieux de mise à niveau de ce secteur, demeureront justement pieux… à l’image d’autres secteurs où il est exigé un sérieux toilettage pour faire régner le droit au service de la dignité !