Ecrit par Imane Bouhrara |
Il faut croire que la crise « sourde » entre le Maroc et la France sous Macron est plus profonde que sous l’ère de Hollande. La posture de Rabat reste, elle, inchangée face aux « provocations » de Paris.
Il était très difficile de se prononcer sur la qualité des relations entre le Maroc et la France sous le 1e mandat d’Emmanuel Macron. Un topo plutôt « gris », mi-figue, mi-raisin d’un jeune président sans appartenance à un courant politique qui permette d’établir une grille d’analyse de ses faits et gestes et de pouvoir les contextualiser sur le plan purement politique.
Pour ce deuxième mandat, la posture de Paris est bien plus claire et tacitement plus hostile en multipliant les gestes d’inimitié à l’égard du Maroc, à commencer par le quota de visas à l’encontre des Marocains.
Sur ce dernier point, on argue l’épineuse question en suspens du refus du Maroc de rapatrier ses ressortissants en situation irrégulière en France, ce qui n’est pas totalement vrai. Dans une interview d’Hélène Le Gal accordée à Médi1 radio, la dernière en sa qualité d’ambassadrice de la France au Maroc, les a estimés à plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Elle a reconnu que « nous suivons les instructions de notre gouvernement », mettant le droit de mobilité des Marocains sur la balance du rapatriement des irréguliers marocains en France.
L’Hexagone a ainsi fait jouer la carte des visas pour faire pression sur le Maroc et par la même occasion a eu un retour de bâton avec la recrudescence d’un sentiment anti-français au sein de la société marocaine.
En effet, un appel sur les réseaux sociaux a été lancé pour que le Maroc active la réciprocité des visas. D’autres appellent à adopter l’anglais comme première langue étrangère au Maroc.
Bref, le mécontentement est très palpable de la part des Marocains d’un geste jugé arrogant à l’égard de citoyens d’un autre pays souverain. Sans oublier ceux qui estiment être les amis de la France qui ont eu un réveil plutôt difficile.
Tant mieux d’ailleurs, car soyons réalistes, les sentiments, c’est personnel, n’ont véritablement aucune place dans les relations entre Etats où c’est l’intérêt qui prime.
Dans cette interview l’ancienne ambassadrice est revenue sur la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc. Il faut rappeler à juste titre et dès son retour d’Algérie, le Président français, avait été questionné sur le sujet alors qu’il était à un festival de musique électronique et il avait avancé la date de fin d’octobre.
Une annonce largement commentée sur le fond que la forme. Sur les ondes de Médi1radio, Hélène Le Gal a assuré que le président français souhaite répondre positivement à l’invitation d’une visite d’Etat au Maroc, laquelle était initialement programmée en 2020 mais qui finalement n’a pas eu lieu en raison de la pandémie et de la fermeture des frontières.
Elle a ajouté qu’Emmanuel Macron a toujours ce souhait de pouvoir réaliser cette visite. « Cependant, préparer une telle visite ça nécessite du temps, ça nécessite de la préparation et donc je ne suis pas en mesure de vous dire à quel moment elle aura lieu », tout en précisant « et bien sûr, elle aura lieu au moment où les autorités marocaines et en particulier Sa Majesté le Roi, le décideront ».
Il est clair que cette interview a été l’occasion pour la diplomate de passer des messages à la partie marocaine, jetant ainsi la balle de la tenue d’une telle visite dans le camp marocain.
Une visite qui, selon Hélène Le Gal devrait être l’occasion de faire évoluer la position de la France sur le dossier du Sahara marocain.
En effet, interpellée par le journaliste sur ce sujet, elle a souligné que « la France est ravie de voir nombre de ses partenaires européens adopter une position sur le Sahara proche de la sienne. Parce que depuis 2007 et la présentation du plan d’autonomie par le Maroc, nous avons adopté une position positive et nous étions bien seuls ». Et elle a bien précisé que c’est lors de cette visite d’Etat qu’il appartient aux deux chefs d’Etat de faire évoluer cette position.
Voilà qui nous fait une liste de conditions, pour une relation bilatérale dite historiquement profonde et ce au moment où le message royal a été clair sur l’intégralité territoriale du Maroc et sa souveraineté sur son Sahara.
Le Maroc n’attend pas moins de la France que d’emboîter le pas à l’Espagne en prônant une position claire sur le dossier du Sahara marocain.
N’est-ce pas la France et l’Espagne qui avaient mené conjointement l’Opération Ecouvillon, le 10 février 1958, où l’armée française prêtait main forte à l’armée espagnole sur le sol du Sahara occupé par l’Espagne, face à un Maroc intransigeant sur l’indépendance de l’Algérie et refusant de négocier et de reconnaître la compétence de la France sur le contentieux frontalier entre le Maroc et l’Algérie occupée.
Ces faits historiques sont avérés et nul ne peut pervertir l’histoire. Mais, contrairement à d’autres pays, le Maroc ne s’est pas arrêté dans le siècle dernier ni ressasse le passé, il travaille et avance à pas sûrs avec ceux qui croient en un avenir commun basé sur les intérêts mutuels.