Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Le ministre de l’Industrie MHE appelle au déblocage de l’ouverture du réseau à la moyenne tension aux énergies renouvelables pour accélérer la décarbonation de l’industrie. Sauf que cette ouverture engendrera des pertes lourdes aussi bien à l’ONEE qu’aux distributeurs privés et aux régies communales.
Le compte à rebours pour la décarbonation de l’industrie marocaine a commencé. Plus qu’un an et demi pour verdir l’industrie et garantir un accès au marché européen sans taxe supplémentaire. Une taxe dont on ignore toujours le coup.
L’enjeu est de taille tenant compte que 65% de nos exportations vont vers l’Europe soit un volume de 188,15 Mds de DH (chiffres de 2019 soit avant la crise sanitaire). La compétitivité de nos produits risque donc de prendre un sérieux coût.
Intervenant devant la commission des secteurs productifs à la Chambre des représentants, le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, a mis en garde contre les freins qui risquent de retarder la décarbonation de l’industrie. Il est surtout question selon MHE de tirer profit des avancées réalisées par le Maroc en matière des énergies renouvelables.
« Si d’ici 2023 nous ne relevons pas le défi de la décarbonation de notre industrie, nous serons dans l’incapacité d’exporter les voitures que nous fabriquons et de réaliser les 80 Mds de DH de CA à l’export », a précisé le ministre.
En effet, aujourd’hui le problème ne se pose pas pour les clients de la très haute et haute tension qui sont déjà connectés aux ER, mais plutôt aux PME et TPE qui sont connectées aux moyens tensions. Le ministre a dénoncé le fait de gâcher une énergie verte qui vaut de l’or dans de la consommation domestique ou administrative au lieu de l’orienter vers le secteur industriel qui en a le plus besoin.
MHE a surtout mis l’accent sur le retard qu’accuse l’accordement de la moyenne tension aux énergies renouvelables. « Ça fait 2 ans que je me bats pour faire avancer ce dossier mais je ne suis toujours pas parvenu», a-t-il souligné.
Rappelons que la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables précise dans son article 5 que « l’application des dispositions de la présente loi aux installations de production d’électricité, à partir de sources d’énergies renouvelables, au réseau électrique national de moyenne tension, notamment celles relatives à l’accès audit réseau, est subordonnée à des conditions et modalités fixées par voie réglementaire ».
Sauf que ladite règlementation n’est toujours pas adoptée pour la production hors site ce qui empêche les industriels connectés à la moyenne tension de consommer de l’énergie verte. Du coup, l’autoproduction d’électricité est limitée au strict besoin du client.
C’est pourquoi, le ministre a appelé à l’impératif de dépasser ce blocage le plus rapidement possible. Or, l’ouverture de la moyenne et basse tension aux énergies renouvelables est bien plus compliquée qu’il n’y paraît.
Et pour cause, c’est ouverture engendrait des pertes inestimables non seulement à l’ONEE mais aussi aux distributeurs privés et aux régies communales. C’est la face cachée de l’iceberg. Pour donner un ordre de grandeur, l’ouverture de la très-haute et la haute tension aux énergies renouvelables aurait engendrée à l’ONEE des pertes du chiffre d’affaires des ventes entre 30 à 40% .
Nous apprenons d’un expert en la matière que l’ONEE, les distributeurs privés et régies communales font blocus pour retarder le plus longtemps possible la libéralisation de la production privée d’électricité verte. Un choix que le Maroc a fait certes mais qui n’arrange pas les opérateurs du secteur. Du moins pas dans l’immédiat. Un manque à gagner plus important pour les opérateurs puisque le prix du KWh payé par les clients de la moyenne tension est plus important que ceux de la haute tension soit 1,6 DH/kWh contre 0,8 centimes/KWh. D’autant plus que les clients de la moyenne tension sont beaucoup plus importants que ceux de la très haute et haute tension.
Cette ouverture fragiliserait davantage la situation financière de l’ONEE qui cumule des dettes de 60 Mds de DH. Sans oublier les engagements de l’Office, et par ricochet, du pays avec les producteurs d’électricité à l’horizon 2044 pour ne citer que les contrats de Jorf Lasfar et Safiec.
Rappelons que les contrats d’achat scellés entre l’ONEE et les producteurs d’électricité prévoient un achat total d’électricité durant envions 30 ans. Des contrats où c’est l’Etat qui se porte garant. En d’autres termes, si l’ONEE n’honore pas ses engagements, c’est le gouvernement marocain qui devra payer l’électricité même si elle n’est pas consommée. La rupture d’un tel contrat engendrera des pénalités colossales.
C’est d’ailleurs ce que cache le blocage de l’ouverture du réseau de la moyenne et baisse tension aux énergies renouvelables. La question est de savoir si ce blocage risque de compromettre la décarbonation de l’industrie comme l’a fait constater MHE ? Non selon une source proche du dossier. Pour accélérer cette décarbonation, l’Etat a accordé des autorisations pour l’installation de 100 MW d’énergie renouvelable pour alimenter la Zone industrielle de Kénitra. Une capacité qui selon notre source couvrira largement les besoins en énergie de la zone.
Cela dit, le constat aujourd’hui est que la préservation des intérêts des producteurs/distributeurs freine l’élan du développement des énergies renouvelables dans notre pays.