Dans une période marquée par une forte inflation, les préoccupations économiques progressent encore alors que les préoccupations environnementales stagnent à l’échelle mondiale, selon Obs’COP 2022 (Observatoire international Climat et Opinions publiques). A noter également que le climato-scepticisme progresse de manière continue depuis 3 ans.
La hausse du coût de la vie est le premier sujet de préoccupation au niveau mondial (62%) et il progresse encore fortement cette année (+10 pts depuis 2021, +15 pts depuis 2020). La pauvreté et les inégalités restent aussi en haut du classement (46%), suivies par les enjeux de santé (42%), relève d’une étude d’opinion d’ampleur inédite présenté ce 8 décembre par EDF et menée pour la 4ème année consécutive par Ipsos dans 30 pays sur les cinq continents, comptant les deux tiers de la population mondiale et parmi lesquels figurent les plus importants émetteurs de CO2.
L’une des premières tendances donc est que dans une période marquée par une forte inflation, les préoccupations économiques progressent encore alors que les préoccupations environnementales stagnent à l’échelle mondiale.
En effet selon l’étude, si l’inflation est l’inquiétude qui domine tous les continents, les priorités divergent ensuite : la santé mobilise l’Europe et l’Amérique du Nord, tandis que l’Amérique du Sud craint plus que partout ailleurs la criminalité et la délinquance ; l’Asie reste mobilisée par le Coronavirus (2e priorité) ; le chômage continue d’inquiéter l’Afrique et l’Amérique du Sud tandis qu’il a disparu des inquiétudes en Europe et en Amérique du Nord.
En 4ème position, l’environnement reste une préoccupation importante, à un niveau stable par rapport à 2021 (40%, -1 pt) et figure parmi les cinq premières préoccupations des habitants sur presque tous les continents, à l’exception des pays d’Afrique et du Moyen-Orient.
On note également que l’environnement reste une priorité des CSP + : s’il figure en 2ème position (44%) chez les ménages les plus aisés, juste après l’augmentation du coût de la vie, il n’apparaît qu’en 6ème position chez les plus modestes (36%), devancé par la pauvreté et les inégalités (49%), le chômage (44%), le système de santé (41%) mais aussi la corruption (39%).
Confrontés ensuite à la question du choix de société à privilégier à l’avenir, entre la priorité environnementale et la priorité à la croissance et aux emplois, une majorité de répondants choisissent toujours l’environnement.
Mais cette majorité, qui était de 53% pour l’environnement en 2019 contre 34% pour la croissance, se réduit petit à petit : elle est en 2022 de 48% vs 38%, signe que les difficultés économiques freinent le virage environnemental de nos économies.
La deuxième tendance à retenir de cette étude, est que le sentiment d’être témoin du changement climatique progresse dans les zones confrontées aux fortes chaleurs et sécheresses de 2022. En effet l’année a été marquée par des événements climatiques majeurs : très fortes chaleurs, sècheresse et incendies hors normes en Europe pendant l’été, inondations en Australie, fortes chaleurs en Inde et au Japon ou encore sècheresse au Chili plus tôt dans l’année…
Pourtant à l’échelle mondiale, le sentiment d’être confronté « tout à fait » ou « plutôt » au changement climatique n’a pas progressé depuis 2019, même s’il est certes très élevé (77%), notamment en Amérique du Sud (89%), en Afrique / Moyen-Orient (80%) et en Asie (82%), relève l’étude.
En revanche, dans les zones confrontées à ces évènements en 2022, dont une partie de l’Europe, les populations ont bien davantage qu’en 2021 le sentiment de voir les effets du changement : +9 pts en Chine, +8 en Allemagne, en Pologne et au Royaume -Uni, +5 en France et en Espagne, +11 pts en Inde.
On note également que la réaction des populations n’est pas la même partout. Les Australiens, à 55% (+24 pts vs 2021), mentionnent les inondations qui ont frappé leur pays cette année. Pour autant, leur sentiment d’être confrontés au changement climatique reste plus faible qu’ailleurs et ne progresse pas.
La troisième idée phare qui émerge de cette étude est que bien que classé en tête des priorités environnementales, le changement climatique ne suscite pas plus d’inquiétude et le climato-scepticisme progresse.
En effet, bien que le changement climatique (46%, +2 vs 2021) et les événements climatiques extrêmes (43%, +2 vs 2021) deviennent bien cette année les premiers motifs de préoccupation environnementale au niveau mondial, même s’ils le doivent aussi à la décrue de la question des déchets et du plastique (41%, -5 vs 2021) et de la pollution de l’air (37%, -3 vs 2021). Tout de même, si on cumule la préoccupation pour le changement climatique et les évènements climatiques extrêmes, c’est 66% de la population mondiale qui considère le climat comme l’enjeu prioritaire (60% en 2019).
Toutefois, le changement climatique ne suscite pas plus d’inquiétude cette année et le climato-scepticisme progresse ainsi le niveau d’inquiétude à l’égard du changement climatique reste élevé (69%) mais tend à diminuer (-3 pts à l’échelle mondiale et -6 pts en France par rapport à l’année dernière).
De façon inattendue, le climato-scepticisme progresse de manière continue depuis 3 ans (37%, +6 points en 3 ans), et de façon particulièrement marquée en France cette année (37%, +8 points en un an) alors que la préoccupation environnementale y est particulièrement forte.
Plus précisément, l’idée qui progresse le plus n’est pas la négation du changement, mais le fait qu’il est « principalement dû à un phénomène naturel comme la Terre en a toujours connu dans son histoire ». On trouve donc moins de personnes qu’avant estimant qu’il est dû à l’activité humaine : 63% en 2022 contre 69% en 2019.
L’âge n’apparaît pas comme un critère clivant sur ce sujet : le taux de climato-scepticisme est très proche dans toutes les catégories d’âge. La sympathie politique est en revanche plus déterminante : dans les sept pays où cette question politique a été posée, 28% des sympathisants de gauche se révèlent climatosceptiques pour 50% des sympathisants de droite.
Il semblerait donc, selon la même source, que les populations enregistrent la survenue d’évènements climatiques extrêmes et les placent en tête des problèmes environnementaux actuels, mais que dans le même temps, cela ne les inquiète pas davantage ni ne les convainc des origines humaines du phénomène, comme si « la nature » semblait de plus en plus la cause de son propre dérèglement.
La 4ème tendance cette année est que les citoyens sont moins certains de la nécessité d’agir à l’échelle individuelle et s’en remettent aux décideurs publics et privés, qu’ils jugent moins sévèrement. Pourtant, certaines pratiques quotidiennes des consommateurs évoluent Des citoyens plus réticents à agir et à modifier leur mode de vie…
Les citoyens ont, davantage que par le passé, le sentiment que les responsables politiques et économiques se mobilisent contre le changement climatique. C’est le cas des gouvernements (54%, +6 pts en 3 ans) mais surtout des autorités et collectivité locales (48%, +12 en 3 ans).
C’est aussi le cas des entreprises (45%, +6 en 3 ans).
Les populations font ce constat alors qu’ils sont moins enclins à agir à l’échelle individuelle : il y a un an, 45% considéraient que c’était à eux d’agir, ils sont 42% aujourd’hui. En France, la chute du devoir individuel est très forte en 2022 (de 61% à 49%) après avoir progressé régulièrement les trois années précédentes. Ce sont les ouvriers et les moins de 25 ans qui sont les moins enclins à attribuer un devoir d’agir au consommateur.
Pour résoudre l’équation climatique, faut-il modifier nos modes de vie ou faire confiance à la technologie ? Ou est-il de toute façon trop tard ? Seuls 11% se montrent effectivement fatalistes. La majorité des répondants se distribue en deux camps inégaux : 50% pensent qu’il faut changer de mode de vie tandis que 31% s’en remettent à la technologie.
Mais là encore, la réponse « mode de vie » décline plutôt en quatre ans (de 53% à 50%), et particulièrement en France, bien que toujours supérieure à la moyenne mondiale (de 64% à 57%). …mais qui agissent malgré tout pour l’environnement
Par ailleurs, les populations affirment que leurs comportements ont évolué. C’est sur l’utilisation des transports individuels que le phénomène est le plus marqué : ceux qui disent éviter de prendre leur voiture au moins de temps en temps sont passés de 49% à 61% entre 2019 et 2022 et ceux qui évitent l’avion de 41% à 52%. On retrouve une évolution importante sur l’utilisation des énergies renouvelables pour se chauffer : de 34% à 44%.
De façon moins forte, les consommateurs semblent plus attentifs à la provenance lointaine des produits : 57% disent les éviter (+5 points vs 2019). Les autres éco-gestes déjà pratiqués largement sont ceux qui n’ont pas l’impact le plus fort sur le réchauffement climatique (tri des déchets, évitement du suremballage, fruits de saison).
En revanche, la consommation de viande qui est très impactante sur le climat, ne semble pas diminuer selon les interviewés. L’agriculture et le numérique sont d’ailleurs sous-estimés par rapport à leurs émissions de CO2.
Sur un autre plan, le niveau d’acceptabilité des mesures contraignantes (incitations, interdictions ou taxes) varie peu, et reste plus faible en Europe et en Amérique du Nord. Seules 3 mesures convainquent au moins 6 répondants sur 10 dans le monde : l’interdiction des vols courts quand il est possible de prendre le train (64%), la taxation de l’achat d’un véhicule polluant (61%) et l’obligation pour les propriétaires de bien isoler leur logement (61%).
Enfin, l’Obs’COP 2022 relève une forte préoccupation pour les prix d’électricité, plus que pour la consommation et production d’électricité.
Six mois après le début de la guerre en Ukraine et dans un contexte de tension sur l’approvisionnement énergétique, la flambée des prix est très durement ressentie, et ce partout dans le monde pour les différentes sources d’énergie.
48% des foyers déclarent être impactés par une forte hausse des prix de l’électricité (37% en France), 51% par la hausse des prix de l’essence (53% en France) et 40% par la hausse des prix du gaz (seulement 22% en France).
Et face à une menace de pénurie d’électricité, l’acceptabilité des énergies « non renouvelables » progresse assez nettement, surtout en Europe. Ainsi, la proportion de répondants favorables au nucléaire progresse au niveau mondial (+7 points vs 2021) et dans de nombreux pays européens (+10 pts en France, +15 pts en Allemagne, +13 pts en Espagne, +17 pts en Italie, +13 pts au Royaume-Uni). Mais l’acceptabilité des centrales au gaz (+4 points vs 2021) et des centrales au charbon (+6 points vs 2021) progresse également, particulièrement en Europe.