A l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de One Health ce 3 novembre, Ouafaa Fassi Fihri, Professeure de virologie, immunologie et maladies virales, et Présidente de l’association One Health Maroc nous éclaire sur comment l’application de la One Health pourrait potentiellement améliorer de façon significative la gouvernance des maladies infectieuses en général et de la COVID-19 en particulier.
EcoActu.ma : Le 3 novembre est le jour de célébration de la journée mondiale One Health. La célébration de cette année se fait sous le prisme de la Covid-19 qui confirme davantage l’interdépendance entre la santé humaine et la santé animale. Quel commentaire pouvez-vous nous faire à ce sujet ?
Ouafaa Fassi Fihri : Le choix du thème est venu naturellement par la situation de la crise sanitaire actuelle. Les conséquences sanitaires, sociales, économiques et environnementales, à court et à moyen terme, apparaissent incommensurables. Toutes les composantes de la société à l’échelle mondiale se trouvent, volontairement et solidairement, engagées, selon leurs attributions et leurs compétences, dans la lutte contre une infection inconnue jusque là, spécifiquement humaine, hautement contagieuse et hautement pathogène chez les personnes vulnérables.
Les grandes lignes de la table ronde tenue aujourd’hui sont de débattre du concept One Health selon les différentes instances impliquées pour développer et adopter cette approche dans la lutte contre la Covid19 et pour prévenir d’éventuelles futures épidémies.
Pouvez-vous nous présenter l’approche One Health et comment s’est-elle adaptée depuis sa création aux différentes mutations ? (Une présentation succincte de One Health, ses membres, les pays d’implantation…)
One Health ou Une Seule santé est une approche intégrée de la santé face à la mondialisation des risques sanitaires. La sécurité sanitaire doit être appréhendée à l’échelle de la planète, et la santé humaine n’est pas séparable de la santé animale ni de celle des écosystèmes. L’approche est multidisciplinaire basée sur le renforcement des collaborations entre les différents acteurs pour améliorer LA SANTÉ. Au niveau mondial, et suite à quelques constats chiffrés sur les pathologies émergentes et zoonotiques (qui se transmettent de l’animal à l’homme et vice-versa) ayant mené́ à la formalisation du concept One Health dans les années 2000, il a été rappelé le principe d’une approche de la santé à la triple interface Homme-animal-environnement, qui fonde les stratégies globales du One Health. Il est précisé que les aspects sanitaires, appuyés particulièrement par l’alliance tripartite FAO-OIE-OMS, ne sont pas les seules dimensions de One Health, qui incluent aussi la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les connexions avec la biodiversité, les écosystèmes et les impacts sur l’économie et les revenus de subsistance des populations défavorisées et marginalisées.
En 2010, les mêmes associés, OMS-FAO-OIE, signent un memorandum tripartite en vue du partage des responsabilités et de la coordination des actions orientées vers les menaces à l’interface animal-homme-écosystème. La même année, ils adoptent un nouveau memorandum tripartite pour la lutte contre la Rage, l’Influenza zoonotique et la résistance aux anti-infectieux. En 2014, l’OIE et l’OMS s’accordent sur le cadre opérationnel d’une bonne gouvernance à l’interface homme-animal et mise en commun des moyens de l’OMS et de l’OIE en vue de l’évaluation des compétences nationales. Enfin, le réseau de laboratoires et instituts de recherche européens qui ont développé les principes du concept One Health en Europe par le biais d’actions communes portant sur la lutte contre les risques infectieux et zoonoses d’origine alimentaire et la résistance aux antibiotiques.
L’association One Health Maroc a vu le jour il y a une année, suite à plusieurs travaux entrepris sur le terrain par chacune des membres fondatrices. Nous avons réunis nos efforts chacune dans son domaine pour créer cette association. Les membres de cette association sont des femmes dynamiques, volontaires et expérimentées. Le parcours de chacune est différent mais elles se rejoignent sur l’approche une seule santé. Ce n’est pas une association féminine, c’est une coincidence, elle est ouverte à toutes personnes intéressées par notre démarche.
Face à cette crise sanitaire inédite, quelle est l’approche adoptée par One Health ? A-t-elle servi d’appui à l’OMS ?
Quatre domaines où l’application de la One Health pourrait potentiellement améliorer de façon significative la gouvernance des maladies infectieuses en général et de la COVID-19 en particulier. Premièrement, l’intégration de systèmes de surveillance et de suivi tant humain qu’animal peut faciliter la détection de nouveaux agents infectieux dont les génotypes sont similaires, et le suivi de la distribution spatio-temporelle des cas d’infections. De tels systèmes intégrés permettent aux instances de santé humaine et animale de mieux planifier leur réponse sanitaire. Deuxièmement, l’application de l’approche peut faciliter la collaboration entre des parties prenantes qui, à première vue, œuvrent dans des domaines incompatibles. Troisièmement, l’approche souligne la nécessité pour une structure institutionnelle efficace permettant la mise en place de réglementation adéquate pour contrer la transmission ponctuelle d’agents infectieux parmi les animaux et les humains, comme par exemple dans le cas de marchés d’animaux vivants. Finalement, la pensée One Health souligne le besoin pour des solutions équitables aux défis que posent les maladies infectieuses, et donc pour des mécanismes de réponses politiques.
Cela fait un an que l’association One Health existe au Maroc. Quels sont les défis et les enjeux de l’approche dans ce contexte marqué par la Covid ?
Les enjeux et les défis sont multiples entre autres :
- La conservation des écosystèmes menacés et de la biodiversité ;
- L’amélioration de la santé humaine, animale et environnementale dans les écosystèmes menacés ;
- Le développement socio-économique des populations vulnérables ;
- La promotion, la communication et la formation à l’approche One Heath en lien avec la conservation de la biodiversité ;
- Le plaidoyer en faveur de l’intégration de l’approche One Heath et biodiversité dans les actions multisectorielles.
Quelles sont vos perspectives à l’aune de la pandémie tout en se basant sur les enseignements tirés ?
Si l’approche One Health est considérée comme cruciale pour relever les défis de gouvernance des maladies zoonotiques et qu’elle est largement soutenue en théorie, sa mise en œuvre dans la pratique reste assez limitée. Notre association entend faciliter une prise de conscience plus large et la mise en œuvre d’une approche One Health de la gouvernance des maladies infectieuses à travers de nouvelles recherches et études de cas comparatives, et un effort pour assurer la transversalité dans toutes ses activités. Nos souhaits sont directement liés aux prises de décision par les politiques et les scientifiques.
Nous encourageons les autres spécialistes dans les domaines de la sociologie, de l’écologie et de l’économie, à collaborer avec nous dans de nouvelles initiatives de recherche, dans cette nouvelle entreprise de santé publique.