Le ministre de l’Economie et des Finances, Mohammed Boussaid a déjà transmis au Secrétariat général du gouvernement (SGG) le projet d’amendement de la loi relative aux contrats partenariats public privé (PPP). L’objectif: lever l’amalgame sur certains aspects juridiques, de gouvernance et de renforcer des capacités.
3 ans après son entrée en vigueur, la loi n° 86-12 relative aux contrats de PPP a été sous la loupe du ministère de l’Economie et des Finances. Ce dernier était penché sur l’élaboration d’un projet d’amendement du dispositif légal et réglementaire des contrats de PPP. Adoptée pour combler le vide juridique qui régissait ce mode de gestion, cette loi présente aujourd’hui certaines limites notamment d’ordre juridique, de gouvernance et de renforcement des capacités. D’après une source proche du dossier, la mouture de ce projet est fin prête. Le ministre de l’Economie et des Finances, Mohammed Boussaid l’a déjà transmis au Secrétariat général du gouvernement (SGG) qui devra engager une large concertation avec les différents départements ministériels concernés. Après concertation, le projet sera soumis au Conseil de gouvernement avant de le soumettre aux deux chambres pour discussions.
Quels sont les changements qui seront apportés à la loi ? Quels sont les garde-fous à mettre en place pour une meilleure gestion des PPP ?
Il est utile de rappeler, tout d’abord, que les PPP, lorsqu’ils sont utilisés à bon escient, sont considérés comme un vecteur de renouveau de l’action publique et l’un des modes de collaboration public-privé les plus prometteurs, notamment en temps de sévérité économique.
Pour mener les réformes et inscrire le pays dans un processus de développement économique, le Maroc a recouru à ce mode de gestion depuis plus d’un siècle. Plusieurs projets d’envergure ont d’ailleurs été lancés et concrétisés grâce à ce mode de gouvernance. En 2015 et afin de mieux encadrer les contrats PPP et accélérer le rythme des projets réalisés dans ce cadre, le gouvernement avait renforcé le cadre juridique et réglementaire par la promulgation de la loi n°86-12. Aujourd’hui, cette loi présente des lacunes que le ministère des Finances cherche à combler à travers ce projet d’amendement.
Il s’agit en premier lieu du volet juridique. L’adoption du cadre juridique des partenariats public-privé (loi 86-12) n’a pas abrogé les autres textes concernant les collectivités locales ou des concessions sectorielles spécifiques qui sont toujours applicables. « En effet, au fil des années, ces secteurs ont disposé de leurs propres réglementations qui autorisent des partenariats avec le secteur privé, soit sous forme de concessions multisectorielles susmentionnées, ou de gestion déléguée (loi n°54-05) applicable particulièrement par les collectivités territoriales sur la base de procédures d’attribution, de cahiers des charges et de conventions spécifiques à chaque opération. Or, aucune de ces formules ne peut être assimilée au partenariat public-privé au sens introduit par la loi n°86-12 relative au contrat de PPP et son décret d’application n°2-15-45 », nous explique Benahmed Mohammed, Directeur des grands projets au Fonds d’équipement communal (FEC) dans une interview plus détaillée (Lire l’intégralité de l’interview).
Ce qui sème le flou autour des conflits juridiques avec les textes sectoriels existants ainsi qu’un amalgame entre partenariats des établissements publics de l’Etat et opérateurs privés et ces contrats.
Le deuxième point à surmonter, celui de la gouvernance des PPP. Garantir le succès des projets lancés dans le cadre des PPP requiert un renouvellement de la gouvernance, en rehaussant le positionnement hiérarchique de l’entité en charge du pilotage stratégique des PPP au niveau du chef du gouvernement, précise Mohammed Benahmed. C’est même une condition sine qua non eu égard au caractère multi-sectoriel et multi-acteurs ainsi que l’importance des enjeux socio-politiques et économiques des contrats de partenariat.
Troisième axe et pas des moindres, celui du renforcement des capacités principalement au niveau du secteur public. Toujours d’après le directeur des grands projets au FEC « les contrats de PPP ne doivent pas conduire à un renoncement par la personne publique à sa compétence de maîtrise d’ouvrage, voire à un abandon de services publics ».
En d’autres termes, le recours à ce mode de gouvernance ne doit pas impliquer un désengagement total du maître d’ouvrage du projet.
« Le développement concomitant des PPP dans des secteurs multiples doit être opéré avec prudence, une progression trop rapide, conjuguée à l’inexpérience relative des acteurs publics en matière de pilotage de contrats de partenariat comporte le risque de ne pas fournir les services attendus avec les performances escomptées et/ou de conduire à une trop forte dépendance du secteur privé, notamment international, au détriment des entreprises locales », met en garde Mohammed Benahmed.
Cela dit, la balle est désormais dans le camp des différents départements ministériels qui devront discuter le projet d’amendement et se mettre d’accord sur les prérequis à prévoir dans la loi pour plus d’efficience des PPP.