Arrivé deuxième aux élections législatives de 2016 avec 20,95 % des voix (1.216.552) et avec 102 sièges au Parlement, le Parti Authenticité et Modernité vit une crise sans précédent. Il ne serait pas exagéré de dire qu’il est au bord de la scission malgré les tentatives de son secrétaire général, Hakim Benchamach, de sauver ce qui peut encore l’être.
D’ailleurs il s’est fendu le 18 juin d’une longue lettre dans laquelle il évoque « une bataille entre deux volontés : Celle de faire la main mise sur les structures du parti (allusion faite à ses détracteurs qui ont lancé « L’appel pour l’avenir et la volonté légitime ». Il y dénonce un ennemi tentaculaire motivé ou instrumentalisé par « certains milliardaires du parti avides et qui se sont ligués dans une alliance ». La réponse derrière cette « association » est à chercher selon les termes de la lettre de Benchamach du côté du département des transactions du Conseil régional de Marrakech-Safi et d’autres collectivités territoriales ou encore par des calculs électoralistes. Le SG du PAM promet de dévoiler d’autres « preuves » en temps opportun.
Des propos d’une extrême gravité et qui n’excluent personne, même des plumes que le SG accuse de rouler pour le camp adverse. Il semble même sortir de ses gonds pour un président de la chambre des conseillers, quatrième personnalité politique du Maroc. Dans sa lettre il adopte la politique de la main tendue et lance un appel aux militants de «revenir», après s’être laissés « éconduire » par la partie adverse.
Serait-ce une tentative désespérée d’éviter l’inéluctable ?
Il semble difficile de colmater les brèches au point où se trouve actuellement le parti, notamment au lendemain de la réunion du comité préparatoire du 4e congrès national du parti, le 15 juin 2019, malgré tous les efforts de Benchamach de la faire capoter, notamment en saisissant la Justice.
Le Secrétaire général du PAM va même jusqu’à envoyer une missive en date du 17 juin au directeur de la deuxième chaîne 2M pour avoir assuré une couverture médiatique de la réunion d’Agadir.
D’ailleurs à l’issue de cette réunion à laquelle ont pris part plusieurs figures du parti, l’on sait que la date et le lieu de la tenue du quatrième congrès national du Parti Authenticité et Modernité seront dévoilés cette semaine, comme nous le confirme Zouhir Laalyoui, membre du comité préparatoire du 4ème congrès du PAM et secrétaire régional du parti dans la région Fès-Meknès.
Chronologie d’une débandade
Zouhir Laalyoui, avocat et membre du Comité préparatoire du 4ème congrès national du PAM, livre à Ecoactu.ma un récit détaillé de la chronologie des faits :
« La 22ème session du Congrès national du parti avait validé cette liste et avait donné au Secrétaire général du parti la liberté d’ajouter 25 autres membres au comité préparatoire du 4ème congrès ( 9 à désigner par le secrétaire général, 8 à désigner par la présidente du Conseil national Fatima-Zahra Mansouri, et 8 par le président du bureau fédéral Mohamed Hamouti). Cette liste a été publiée sur le site du parti.
Juste après, lors de la tenue de la réunion préparatoire début mai, on est surpris de constater que le SG du PAM a ajouté six autres noms à cette liste sans concerter avec aucun organe au sein du parti. C’est ce qui a incité aussi bien la présidente du Conseil national du parti que le président du bureau fédéral d’ajouter chacun quatre noms à la liste.
Il a été décidé, comme ces membres ont été ajoutés sans concertation, qu’ils pouvaient assister à la réunion mais sans pouvoir voter.
Aussi, le SG a proposé l’idée de constituer un comité de sages pour désigner qui présidera le comité préparatoire, une idée acceptée unanimement. Cette commission s’est réunie et a élu la militante Milouda Hazib comme présidente du comité préparatoire et Samir Goudar en qualité de vice-président ainsi que deux rapporteurs, Mohamed Soloh et Abdelmouttalib Amiar.
Quand l’information a circulé, Hassan Taiki, qui est fonctionnaire du groupe du PAM à la Chambre des Conseillers a contesté le nom de Samir Goudar en tant que vice-président et a contesté même que ce dernier figure comme membre du comité préparatoire.
Face à cela, Benchamach est revenu sur sa position alors que c’est lui qui a proposé la mise en place du comité de sage et avait approuvé les membres qu’elle a élus.
Face à cette impasse il a été décidé de désigner le président du comité préparatoire par le vote de la salle. Au moment de proposer les candidats, deux courants se distinguaient : ceux qui étaient pour le militant Benhamou et ceux qui soutenaient la candidature de Goudar à la présidence du comité préparatoire du 4ème congrès. Benhamou s’est retiré et restait Goudar comme candidat unique. Interviendra alors une deuxième fois Hassan Taiki pour rejeter la candidature de Samir Goudar.
Les autres membres du comité ont interpellé alors le SG du PAM, H. Benchamach qui n’a cessé de répété s’il y avait un autre candidat, et comme personne ne s’est présenté face à Samir Goudar, de désigner ce dernier président du comité. Là encore, Hassan Taiki, Farid Amghar, Aïcha Al Az et Abdelmouttalib Amiar pour protester contre Samir Goudar et ont appelé à ouvrir le débat sans donner plus d’explications. Alors que le reste de la salle n’a pas souhaité tergiverser sur cette candidature et approuver Samir Goudar comme président du Comité préparatoire. Normalement en démocratie, la minorité, ces quatre voix, doit se conformer à la majorité.
Embarrassé, Hakim Benchamach est sommé par Hassan Taiki et Farid Amghar de lever la séance, il s’est exécuté !
C’est une manœuvre désespérée pour faire croire que la séance était levée sans vote et sans désignation du président du comité alors que toute la salle avait applaudi la candidature de Samir Goudar comme président du comité en présence même du SG Benchamach.
Malgré toutes ces perturbations la réunion s’est poursuivie et le président du bureau fédéral, Mohamed Hamouti, a appelé Samir Goudar, désormais élu président du Comité à poursuivre les travaux.
Mais c’était sans compter le communiqué diffusé par Benchamach annonçant que toutes les décisions prises après la levée de la séance étaient nullent et il a transféré le dossier à la commission disciplinaire. Benchamach a également appelé à une réunion d’urgence le lendemain, à savoir le 20 mai, du bureau politique du parti durant lequelle il a pris un nombre de décisions sans concertation, en relevant le président du bureau fédéral de ses fonctions, Mohamed Hamouti de ses fonctions. Juste après, le 26 mai, Hakim Benchamach limoge Ahmed Akhchichen, Vice-secrétaire général de ses fonctions.
Le cas Goudar n’échappe pas à la foudre de Benchamach puisqu’il est expulsé du parti, lors de la réunion le 11 juin du bureau fédéral désormais présidé par Benchamach.
C’est bien le secrétaire général qui s’est retourné contre la légitimité du parti en revenant sur tous ses engagements pris…
Face à ces décisions j’ai pris position en ma qualité de membre du comité préparatoire et non pas en ma qualité de secrétaire régional du parti, pour dire que Hakim Benchamach n’est plus en mesure de gérer les différences au sein du parti et que ce n’est pas lui qui dirige le parti mais une poignée de personnes qui ne dépassent pas les doigts d’une main pour continuer à profiter du parti. J’ai dénoncé que les décisions improvisées auront de lourdes conséquences sur le parti et sur le secrétariat général du parti. Ce qui m’a attiré les foudres de ces personnes et j’ai refusé leur invitation à s’asseoir autour d’une même table. Ces personnes ont décidé de « me renverser » de mon poste de secrétaire régional du parti en infraction du règlement interne du parti. Elles ont appelé à une réunion du secrétariat régional du parti dans la région Fès-Meknès pour m’isoler dans la nuit du 9 au 10 juin. Ce que je considère comme décision nulle par la force de la loi, d’ailleurs je lui ai fait parvenir par huissier de Justice une lettre dans laquelle j’énumère pourquoi cette réunion est illégale et ses décisions nulles. D’ailleurs, le SG avait déjà tenté de s’opposer à la rencontre que j’ai organisée le 2 juin à Ifrane, en préparation de la réunion du 15 juin, à Agadir, en vain !
Le Secrétaire général est actuellement déboussolé et prend des décisions sans légitimité. Et après m’avoir isolé de ma fonction de secrétaire régional, décision d’ailleurs illégitime, il a donné ses instructions pour m’expulser du parti. Cette politique ségrégationniste du SG est condamnable sur tous les plans ! »
La majorité des membres du comité étaient présents à Agadir
Tout ce qui précède n’a pas empêché les auteurs de l’Appel pour l’avenir de faire fi des décisions qu’ils qualifient d’arbitraires de poursuivre leur élan en tenant la deuxième réunion du comité préparatoire du 4ème congrès national, samedi dernier à Agadir, qui a réuni selon ses organisateurs 97 membres alors que 14 n’ont pas pu assister pour diverses raisons notamment des missions à l’étranger. Tandis que 3.000 à 4.000 personnes ont assisté à la rencontre qui a précédé cette réunion !
Les prochains jours seront certainement apporteurs de nouveau rebondissement dans ce feuilleton politique !