Le PLF 2021 renferme une foultitude de mesures permettant de mobiliser les fonds pour tenter de contenir les effets drastiques de la crise économique. Le gouvernement semble pédaler dans la semoule et il ne se gène de ponctionner les crédits budgétaires de l’année 2022.
Tous les moyens sont bons, lorsqu’ils sont efficaces, pour venir la rescousse de l’économie marocaine, frappée, à l’instar des autres économies, de plein fouet par la crise économique induite par la crise sanitaire. Le PLF 2021 renferme une foultitude de mesures permettant de mobiliser les fonds à même de venir à bout des pierres d’achoppement enracinées dans le cœur de l’économie. Le gouvernement suit les sentiers battus et en sort pour éviter de mettre la clé sous la porte. Augmenter les impôts, contracter des dettes et dilater la masse des contribuables, autant de mesures qui ont asséché toutes les sources de financement.
Mais le gouvernement n’a pas saturé toutes ses voies de recours, il a plusieurs cordes à son arc. En effet, pour la deuxième année consécutive et pour la troisième fois depuis l’entrée en vigueur de la loi organique des finances, en juillet 2015, le gouvernement active les dispositions de l’article 7 de la loi N°130-13. Aux termes de cet article, le gouvernent est en mesure d’engager par anticipation sur les crédits à ouvrir au titre de l’année budgétaire suivante.
Cette option non-ouverte aux dépenses de fonctionnement, à croire les dispositions de l’article 16 de la loi 130-13, profite par contre aux comptes spéciaux du Trésor et ce selon les termes de l’article 26 de la même loi. Le PLF 2021 prévoit des engagements par anticipation sur les crédits à ouvrir au titre de l’année 2022 au profit des fonds suivants :
Fonds | Montant en DH |
Fonds de soutien à l’INDH | 1.000.000.000,00 |
Fonds de soutien à la sureté nationale | 100.000.000,00 |
Fonds spécial pour la mise en place des titres identitaires et des titres de voyages | 600.000.000,00 |
Fonds spécial de la pharmacie centrale | 500.000.000,00 |
Fonds spécial routier | 2.500.0000.000,00 |
Fonds pour le développement rural des zones de montagne | 4.000.000.000,00 |
Fonds national pour le développement du sport | 1.000.000.000,00 |
Fonds national pour l’action culturel | 50.000.000,00 |
Fonds national forestier | 200.000.000,00 |
Fonds spécial pour le soutien des établissements pénitentiaires | 400.000.000,00 |
Acquisition et réparation des matériels des FAR | 110.950.000.000,00 |
Total | 121.3000.000.000,00 |
Source : PLF 2021
Force est de rappeler que ces mêmes engagements ont été pris par anticipation dans la loi de finances 2020 sur les crédits à ouvrir sur l’année 2021. Inutile de préciser que les engagements anticipés prévus dans le PLF 2021 engagent l’équilibre financier de l’année budgétaire 2022. Ce qui est tout à fait réglementaire aux yeux de l’article 7 de la loi 130-13. Il faut seulement reconnaitre que le choix du gouvernement ponctionne les crédits de l’année 2022 et contagionne les finances publiques de la même année.
Au-delà de la légalité de l’option gouvernementale et des conditions peu habituelles qui ont entouré la décision, il faut reconnaitre que l’enveloppe budgétaire objet des engagements anticipés fera perdre sommeil au prochain argentier du royaume et limitera la marge de manœuvre du prochain gouvernement. En outre, comment, au moins sur le plan moral, une équipe sortante imposera, de cette façon très significative, ses choix et décisions à une nouvelle équipe à laquelle sera confiée la destinée du pays après les élections.
Le gouvernement, issu des prochaines élections, ne sera, compte tenu de ces données, qu’un gouvernement de gestion des affaires, du moins pour sa première année d’investiture. Il n’aura pas les moyens de déployer son programme gouvernemental et remplir son contrat avec la société. Le comportement gouvernemental, on ne se lassera jamais de rappeler sa conformité légale et réglementaire, brouille notre compréhension du principe de l’annualité du budget et ses arguments aussi bien techniques que politiques.
Une situation exceptionnelle mérite des solutions exceptionnelles. Seulement, la moralité oblige le gouvernement à ne pas imposer ses choix sur les autres, sauf s’il est convaincu qu’il sera de retour. Et ça seul Dieu le sait…