Ecrit par Soubha Es-Siari |
Le 20 octobre marque la date de dépôt du projet de loi de finance (PLF 2023) au Parlement. En effet, bien que la note de cadrage ait fixé les principales orientations du projet, le Souverain en a donné le « la » à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle session parlementaire, vendredi dernier. Le Roi a érigé l’investissement et le stress hydrique comme deux importants sujets pour l’économie marocaine.
Il faut dire que l’équipe au pouvoir a du pain sur la planche pour cette 3e année consécutive de crise d’autant que les séquelles du Covid19 persistent encore et sont très profondes. Selon la dernière étude du HCP, 800 millions de Marocains ont basculé dans la pauvreté suite à la crise sanitaire conjuguée à la forte hausse des prix des produits à la consommation.
Face à cette situation alarmante, comment le gouvernement peut-il honorer ses engagements contenus dans la note de cadrage (Etat social, égalités spatiales, Investissement) et répondre aux impératifs hydriques et inflationnistes et ce tout en parachevant le train des réformes absolument nécessaires ? Une équation à multiples variables difficile à résoudre.
Il ne faut pas perdre de vue que les agrégats macroéconomiques sont inquiétants et n’ont rien à voir avec ceux de 2021, une année de rattrapage. En 2022, la croissance économique est revue à la baisse à 0,8%, le taux d’inflation va osciller autour de 6% sinon plus et un déficit budgétaire au-delà de 5% du PIB.
Et pour couronner le tout, un niveau d’endettement public dépassant les 90% sans compter les engagements hors bilan de l’Etat. L’ensemble de ces indicateurs corroborent le creusement des inégalités trop criardes et la fragilité d’une frange importante de la population telle que constatée dans l’étude de l’équipe de Lahlimi, publiée il y a une semaine.
La question qui se pose d’emblée est comment assurer la reprise dans un pareil contexte ? Parce qu’in fine la reprise est le leitmotiv de la politique gouvernementale après une récession en 2020.
La hausse des taux d’intérêt administrée par la Banque centrale lors de son dernier Conseil ne serait pas exempte d’impact en 2023. Les conséquences bien entendu de ladite hausse ne peuvent se ressentir dans l’immédiat mais dès l’été 2023, elles pointeraient du nez. A l’échelle internationale, la situation n’est guère rassurante et une nouvelle flambée des cours des matières premières n’est pas à écarter si l’on se fie aux derniers rebondissements du conflit russo-ukrainien.
Hormis la reprise, l’Etat social tel qu’annoncé par le gouvernement dans sa lettre d’orientation est-il réalisable ? Le gouvernement dispose-t-il d’une marge de manœuvre budgétaire pour parvenir à la réalisation d’un tel objectif ? Ou du moins à en poser les premiers jalons dans le PLF 2023 ?
Pour y parvenir, il est judicieux voire déterminant de faire converger les politiques sectorielles des différents départements ministériels sinon c’est comme donner un coup d’épée dans l’eau. On ne cessera jamais de corroborer cette doléance par l’exemple de l’abandon scolaire (ne faisant que grimper) que nous ne pouvons imputer uniquement au ministère de l’éducation mais également à celui de l’équipement. Comment accéder à une école s’il n’y a pas de route ? Les exemples sont légion.
Au-delà de la coordination ou la convergence des actions, l’Etat, est appelé dès à présent à mettre les bouchées doubles pour mettre en place le RSU (régime social unifié ) afin de mieux cibler la population pauvre et vulnérable. Il reste le garant d’une paix sociale et d’un Etat social.
La caisse de compensation en dépend outrancièrement pour éviter que les dépenses grèvent le budget lourdement comme c’est le cas aujourd’hui soit une hausse de 209,4% selon les dernières statistiques de la TGR. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le budget.
Autre point important et pas des moindres est la réforme d’une offre sanitaire qui est encore à ses premiers balbutiements et nécessite des budgets colossaux.
Des chantiers budgétivores auxquels le PLF 2023 est appelé à donner des réponses sur le court terme en attendant d’aboutir les réformes qui restent souvent conditionnées par les textes d’application. Une autre paire de manches.
Et comme bien souvent, le retard de l’élaboration des textes d’application constitue la rive sur laquelle vont chavirer les réformes.
Le Maroc souffre de grands maux liés à sa fiscalité, à son système de retraite, à ses investissements… A ce titre, les réformes structurelles sont urgentes et le report sine die n’est plus tolérable.
Pour ce faire, les économistes prônent une loi de finances glissante voire même quinquennale. Ils plaident pour une Loi de règlement qui joue son rôle comme il se doit.
Ils prônent tout simplement un Parlement fort qui peut influencer les orientations et objectifs du PLF comme ce qui se passe sous d’autres cieux.
Sans trop demander, sauver l’économie passe également par un courage politique pour détruire une fois pour toutes les situations de rente.