Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a publié aujourd’hui, un nouveau rapport sur la sécurité humaine. Il examine comment la sécurité humaine est affectée par une nouvelle génération de menaces interdépendantes qui prennent forme dans le contexte de l’Anthropocène, et les mesures à prendre pour y remédier. En voici les principaux points clés.
La première partie du rapport montre comment l’idée de la sécurité humaine permet d’identifier les angles morts de l’évaluation du développement par la simple mesure des progrès en matière de bien-être, et propose des moyens d’enrichir ce cadre conceptuel pour tenir compte des défis inédits posés par l’Anthropocène.
La deuxième partie examine quatre menaces pour la sécurité humaine qui se juxtaposent au contexte de l’Anthropocène : les inconvénients des technologies numériques, les conflits violents, les inégalités horizontales et les défis évolutifs auxquels sont confrontés les systèmes de santé.
Si le défi sous-jacent que pose chacune de ces menaces prises individuellement n’est pas nouveau, ces menaces elles le sont de par la manière dont elles se manifestent dans le contexte de l’Anthropocène et de par leurs interdépendances qui se renforcent au fil du temps. Cet aspect échappe souvent aux approches actuelles du développement, qui ont tendance à compartimenter les problèmes lors de la conception ou de l’évaluation des politiques publiques.
Selon le rapport, la pandémie rehausse la visibilité de ce interdépendances et révèle une accumulation de nouvelles menaces pour la sécurité humaine. Les inégalités des effets dévastateurs de la pandémie ont été largement mises en évidence. Les femmes sont les premières victimes de l’adaptation au travail en distanciel et sont confrontées à une augmentation dramatique des violences à leur égard.
Les travailleurs informels sont exclus des systèmes de protection sociale. Les pauvres en milieu urbain sont particulièrement touchés par les retombées sanitaires et économiques de la pandémie. Pour autant, la COVID-19 n’est qu’une manifestation parmi d’autres du nouveau contexte de l’Anthropocène.
Le rapport comprend des estimations et des analyses novatrices de l’ampleur des menaces à l’ère de l’Anthropocène :
• La faim est en hausse – elle a touché quelque 800 millions de personnes en 2020 et environ 2,4 milliards de personnes se trouvent aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire, une conséquence des effets socioéconomiques et environnementaux cumulés déjà visibles avant 2019, mais qui ont été exacerbés par la pandémie en 2020 et 2021.
• Le changement climatique continuera d’affecter les ingrédients indispensables à la vie humaine. Même dans le scénario d’atténuation modérée, la hausse des températures pourrait causer le décès de quelque 40 millions de personnes dans le monde, principalement dans les pays en développement, d’ici la fin du siècle.
Le nombre de personnes déplacées de force a doublé au cours de la dernière décennie, atteignant le niveau record de 82,4 millions de personnes en 2020. Par ailleurs, les estimations montrent que les déplacements forcés pourraient encore s’accélérer tant qu’il ne sera pas mis un frein au changement climatique.
•Les technologies numériques peuvent permettre de relever de nombreux défis de l’Anthropocène, mais le rythme rapide de l’expansion numérique s’accompagne de nouvelles menaces qui peuvent aggraver les problèmes existants liés, par exemple, aux inégalités et aux conflits violents. La pandémie en cours a non seulement accéléré le passage au numérique de l’économie productive, mais elle a également entraîné une explosion de la cybercriminalité, dont les coûts annuels devraient atteindre 6 000 milliards de dollars d’ici à la fin 2021.
• Le nombre de personnes touchées par les conflits atteint des sommets. Aujourd’hui, environ 1,2 milliard de personnes résident dans des zones touchées par des conflits, dont 560 millions ne vivent pas dans des situations de fragilité, ce qui illustre la prolifération de différentes formes de conflits violents.
• Les inégalités constituent une atteinte à la dignité humaine. L’intégrité physique des personnes LGBTI+ est particulièrement exposée dans les sociétés où la diversité n’est pas tolérée. Dans 87 % de 193 pays, elles n’ont pas droit à la reconnaissance de leur identité ni à la pleine citoyenneté.
• La violence à l’égard des femmes et des filles est l’une des formes les plus cruelles de marginalisation des femmes. Les formes subtiles de violence et ce que l’on appelle les micro-agressions constituent des formes de violence aussi graves que le viol et le féminicide6. En 2020, 4 700 femmes ont été tuées de manière intentionnelle par leur partenaire intime ou par un membre de leur famille. En moyenne, une femme ou une fille se fait tuer toutes les 11 minutes par un partenaire intime ou par membre de la famille.
• En ce qui concerne les systèmes de santé universels, un écart important ne cesse de se creuser entre les pays à développement humain très élevé et les pays à développement humain faible. Les pays dont les systèmes de santé sont plus faibles et moins universels sont également confrontés aux plus grands défis en matière de santé publique : la charge croissante des maladies non transmissibles et les effets des pandémies.
Le rapport plaide pour un élargissement du cadre conceptuel de la sécurité humaine face à une nouvelle génération de menaces interdépendantes qui se fait jour dans le nouveau contexte de l’Anthropocène. Il propose d’ajouter la solidarité aux stratégies de sécurité humaine fondées sur la protection et l’autonomisation proposées par le rapport Ogata-Sen (2003). L’intégration de la solidarité signifie que la sécurité humaine à l’ère de l’Anthropocène doit aller au-delà de la protection des personnes et de leurs communautés, afin que les institutions et les politiques publiques intègrent systématiquement l’interdépendance entre tous les individus et entre les individus et la planète.