Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Malheureusement, la pollution par les plastiques continue de menacer notre planète, nos océans ainsi que la faune et la flore. Plus nous consommons de manière peu durable de plastique, plus la menace grandit et plus les risques environnementaux s’aggravent. La pandémie qui frappe le monde depuis plus d’une année n’a fait qu’amplifier le phénomène. La question est de savoir où en est le Maroc de sa politique de lutte contre la pollution plastique?
Face à l’ampleur de ce phénomène causé par l’Homme, le mouvement consumériste international a consacré la Journée Mondiale du Consommateur, célébrée le 15 mars, à la «Lutte contre la pollution par les plastiques». Une célébration après une année particulière marquée par la pandémie qui a accentué la consommation du plastique (gants jetables, bouteilles de gel hydraulique, combinaisons…).
Au Maroc, la commémoration de cette journée a été marquée par la tenue d’une conférence-débat organisée par la Fédération Nationale des Associations du Consommateur du Maroc (FNAC) (représentante de Consumers International) et EcoActu.ma le 26 mars le thème « Luttons contre la pollution plastique ».
Une conférence qui a permis de faire le point sur la stratégie de lutte contre la pollution plastique, les freins qui persistent, le volet réglementaire, les réticences à un comportement éco-responsable…
Une mise au point nécessaire notamment après l’effervescence causée par la loi la loi 77-15 sur l’interdiction de la fabrication, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation et de l’utilisation des sacs en plastique, plus connue par l’opération Zéro Mika entrée en vigueur le 1er juillet 2016.
Rappelons que le ministère de l’Industrie en avait fait une priorité nationale bousculant ainsi les habitudes de même que le mode de consommation des Marocains très attachés aux sacs plastiques.
En marge de cette conférence, Hafid Chakra, Directeur de la coordination et du suivi des services déconcentres du ministère de l’Industrie du commerce de l’Economie verte et numérique a dressé le bilan de ce dispositif depuis son lancement au 5 mars 2021.
Ainsi 5.930 opérations de contrôle du secteur industriel ont été effectuées, 97 PV contentieux de contrôle des usines industriels transmis au Procureur du Roi, 1.556 tonnes de sacs interdits et matières premières saisies, 1.205.657 points de vente contrôlés, 10.228 PV de contraventions relatives au contrôle de marché dressés et transmis au Procureurs du Roi ainsi que 278,6 tonnes de sacs interdits saisis aux frontières par les Douanes.
Concernant le volet réglementaire, les manquements de la loi 77-15 ont été rattrapés par la promulgation de la loi 57-18 en date du 13 décembre 2019 suivie un an après de la publication du décret d’application.
Hafid Chakra a affirmé que le ministère est actuellement à 9 projets d’arrêté d’application soumis au SGG dans l’attente de la préparation du Comité d’examen.
En attendant, une réflexion est en cours pour améliorer la qualité et renforcer les produits alternatifs. Un nouveau projet de norme obligatoire portant la masse surfacique des sacs en non tissé à 55g/cm2 est dans le pipe et permettra de répondre aux doléances des consommateurs à ce sujet.
Aussi, est-il également question d’étudier la possibilité de créer un écosystème de produits alternatifs autres que les sacs non tissés.
Après cet état de lieux, la parole a été donnée aux différents panélistes nationaux et internationaux qui se sont prêtés au jeu des question/réponses, chacun depuis son champ d’intervention, au sujet des 7 « R » ou 7 règles du comportement éco-responsable à savoir repenser, refuser, réduire, réutilisation, recycler, réparer et enfin remplacer.
De Genève, Helena Leurent, directrice générale de Consumers international, a rappelé l’importance de cette lutte contre la pollution des plastiques qui figure parmi les priorités du mouvement consumériste international. Elle rappelle que la moitié de la quantité de plastique produite dans le monde date des 15 dernières années. Pis encore, si rien n’est fait, en 2050, il y aura plus de plastiques dans les océans que de poissons. Une recrudescence de la production qui interpelle à plus d’un titre et qui requiert un changement aussi bien du mode de consommation mais aussi une solution internationale coordonnée pour parvenir à un changement systématique.
Pour Daouda Elhadj Adam, Président de l’Union Africaine des consommateurs, ces 7 R vont permettre de placer d’abord le consommateur au centre de cette problématique en l’impliquant davantage dans cette lutte contre le plastique mais aussi en répondant à ses attentes via des politiques publiques et une adaptation du secteur économique.
Daouda Elhadj a également soulevé un point important auprès des populations africaines notamment l’absence de conscience de l’impact négatif de ces produits sur la santé, l’environnement, l’économie…
« Il faut repenser la façon d’impliquer et de sensibiliser les consommateurs autour de l’importance de l’éradication des déchets plastiques. En plus d’une stratégie et une réglementation adaptées, il faut mettre à la disposition des consommateurs des produits de substitution », a-t-il martelé.
De son côté Ameziane Seloua, Chef de la Division du Partenariat, Secrétariat d’Etat chargé du Développement Durable a rappelé les retombées de cette pandémie sur le plan environnemental puisque la crise sanitaire a confirmé et exacerbé la problématique de la pollution plastique à l’échelle mondiale.
« Malheureusement le Maroc, à l’instar d’autres pays africains, a été beaucoup plus impacté par la Covid sur le plan de la pollution par le plastique pour la simple raison que 80% des déchets retrouvés en nature proviennent de déchets ménagers ou assimilés et que une bonne partie de la collecte se fait par le secteur informel. Conséquence, le confinement a amplifié la présence des déchets plastiques dans la nature », a-t-elle précisé.
C’est dire qu’il reste encore du chemin à parcourir malgré les efforts déployés depuis l’interdiction des sacs plastiques en 2016. Un chemin qui nécessite l’implication de toutes les forces vives du pays, et en premier lieu le consommateur qui a un rôle important à jouer dans cette lutte.
C’est ce qu’a affirmé Mounir El Bari, Directeur général de GPC et également Secrétaire général de la Coalition pour la valorisation des déchets (COVAD). Il n’a pas manqué de soulever un point qui a manqué à l’appel au moment de l’adoption de la loi dictant interdiction des sacs plastiques à savoir une démarche progressive et graduelle.
« La loi 77-15 a été adoptée sans préalablement une phase de sensibilisation et d’implication du consommateur sur les enjeux de cette mesure. Du jour au lendemain nous avons interdit les sacs en plastique et enchaîné avec la répression par les autorités. Il aurait fallu commencer par un avant-projet pour préparer les consommateurs à ce changement et les sensibiliser sur l’enjeu de l’éradication des sacs plastiques aussi pour l’économique, la planète, que la santé… », a-t-il précisé.
Et d’ajouter « 4 ans après l’adoption de cette loi, nous constatons malheureusement le retour du sac plastique mais aussi d’une détérioration des produits de substitution en l’occurrence les sacs non tissés ».
De son côté Abderrahim Ksiri, Président de l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT Maroc), est revenu sur l’importance de l’économie circulaire comme solution alternative au problème des déchets plastiques. « Le concept de l’économie circulaire commence à prendre le dessus dans le monde. Un concept qui place le recyclage au cœur de toutes les politiques », a-t-il souligné.