Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Bien que des investisseurs dans le secteur de la Santé aient exprimé leur volonté de nouer un Partenariat-Public-Privé (PPP), le ministère de la Santé ne semble pas disposé pour activer ce mécanisme vital pour améliorer l’offre de soins et garantir une justice sanitaire. Des demandes de PPP sont en étude au niveau du ministère depuis plusieurs années sans suite.
Parmi les secteurs où les Partenariats publics privés (PPP) sont tant attendus celui de la Santé. Les besoins sont nombreux et les défis à relever le sont encore plus. L’amélioration de la qualité des services publics dans le secteur de la santé figure parmi les priorités pour hisser réellement le Maroc dans un processus de développement économique et social.
Le constat de la santé au Maroc est alarmant. « La santé est une source de vulnérabilité pour les Marocains, puisque 38% de la population est dépourvue de couverture médicale et que les ménages assurent en moyenne 50% des dépenses de santé », réaffirme le rapport du Nouveau modèle de développement.
C’est aussi l’un des secteurs où les disparités sociales sont les plus criantes. Au vu de la faible qualité de l’offre publique de santé, les citoyens s’orientent quasi automatiquement vers le secteur privé pour se faire soigner. Sauf que ce recours n’est pas à la portée de tous.
Un constat qui risque de s’aggraver avec le chantier de la généralisation de la couverture sanitaire. Le secteur public sera davantage mis sous pression non pas sans conséquence sur la qualité des services fournis qui risquent de se détériorer davantage.
En attendant un rehaussement de la qualité des soins prodigués dans le secteur public, il y a toujours la possibilité de recourir aux PPP entre le secteur public et privé de la santé. Les PPP permettront de garantir une équité dans l’accès aux soins.
Conscient de ce besoin, le ministre de la Santé avait insisté en juin 2020, lors d’un webinaire organisé par le secteur des cliniques privées, sur la nécessité de mettre en place une feuille de route sanitaire conjointe entre le secteur public et privé afin de garantir une justice sanitaire effective et procurer à tous les Marocains ce droit constitutionnel dans les meilleures conditions.
Une convention-cadre de partenariat stratégique public-privé a même été signée entre le ministère de la santé et la Fédération nationale de la santé (FNS) en septembre 2020 pour contribuer à l’amélioration et au développement du système national de santé. Mais depuis, plus rien. Cette volonté du ministre est restée lettre morte. Pis encore le ministre ne donne aucune suite aux demandes de PPP déposées notamment par certains opérateurs du secteur privé.
Talib Rochdi, président du groupe Akdital, nous avait souligné dans une interview que le groupe a déjà déposé 2 projets de PPP au ministère de la Santé. L’objectif : faire profiter toute la population (ramédistes ou mutualistes) des mêmes offres de soins grâce un PPP qui permet de recourir au principe du tiers-payant. Aucune suite n’a été donnée à ses demandes.
Et pourtant un contrat PPP permettrait aux habitants des villes ne disposant pas de toutes les spécialités ou d’un déficit de l’offre publique de recourir au privé avec les mêmes conditions d’accès au public. Le ministre attend-il le décret d’application de la nouvelle loi 86-12 relative au partenariat public-privé (toujours dans le circuit d’approbation) pour activer ce mécanisme ? La question reste en suspens.
Ce qui est certain c’est que l’Etat aurait tout à gagner puisqu’il n’aurait pas à investir là où le privé est présent. Bien entendu il faudra y mettre les garde-fous nécessaires pour encadrer au mieux ce dispositif.
Malheureusement, à 3 mois de fin de mandat, cela ne semble pas faire partie des priorités du ministre de la Santé qui refuse d’ouvrir la porte des négociations, apprend-on. Cela dit, avec le projet de la généralisation de la couverture sanitaire, l’Etat n’aura d’autre alternative que de recourir à ce mécanisme pour atteindre les objectifs fixés notamment en matière de procuration de soins de qualité. Rappelons que ce sont environ 12 millions de Marocains qui seront introduits dans le système de santé et qui ne disposent actuellement ni de l’AMO ni du RAMED.
Car il ne s’agit pas de leur assurer une couverture sanitaire sans un système de santé performant et résilient, garantissant l’accès équitable de tous les citoyens à des soins de santé de qualité et offrant une protection durable et efficace contre la maladie et tous les risques sanitaires.
En attendant le décret d’application de la loi 86-12 relative au PPP (toujours dans le circuit d’approbation) pour activer ce mécanisme à tous les secteurs y compris la santé, force est de constater qu’il faudra également donner un coup d’accélérateur à la mise œuvre effective de la régionalisation avancée. Malheureusement, toutes les décisions sont encore prises par le Centre et du coup retarde considérablement l’aboutissement des réformes.