Interviewé par S.E. |
Au Maroc comme ailleurs, le prix de transfert est souvent un point de discorde entre les opérateurs et le fisc. Dans un souci de conformité aux standards internationaux en matière de fiscalité, la Direction des impôts veille au grain pour éviter les différends d’interprétation avec le contribuable. Le Maroc s’est doté d’un dispositif renforçant le contrôle des prix de transfert. Le Nouveau modèle de développement s’est-il penché sur la question ? Les détails avec Réda Lahmini, Expert comptable, Commissaire aux comptes et Associé Fidaroc Grant Thornton
EcoActu.ma : Quelle appréciation faites-vous de la réglementation régissant les prix de transfert ?
Réda Lahmini : Dans le cadre du développement et l’harmonisation continu du système fiscal marocain avec les normes fiscales internationales et le renforcement des moyens de contrôle de l’administration fiscale, le Maroc a initié le chantier de la réglementation en matière des prix de transfert et n’a cessé d’améliorer et alléger les obligations incombant aux contribuables, notamment en 2021, où le champ d’application a été limité aux sociétés ayant un chiffre d’affaires ou un actif brut supérieur ou égal à 50 millions de dirhams.
Cette réglementation constitue un outil démontrant sa fonction transversale sur une échelle internationale, notamment via :
- une équité garantissant les mêmes règles entre les entreprises multinationales ayant des opérations avec des entités du même groupe et les entreprises indépendantes qui exercent les mêmes activités dans le pays ;
- la mise en place d’un arsenal qui permettrait à l’administration fiscale de vérifier le bien-fondé des méthodes et prix pratiqués par les sociétés ayant des relations avec des entités transfrontalières du même groupe pour qu’elles paient leur juste part d’impôt sur le territoire national.
- Appréhension des opérations des sociétés pour renforcer davantage le contrôle de la DGI et des autres pays internationaux, surtout grâce aux échanges automatiques des données.
- Une équité entre pays, ce qui réduit les risques de distorsion des flux d’échanges et d’investissement internationaux.
Jusqu’à quel degré nuit-elle à l’investissement ?
Cette obligation en matière des prix de transfert constitue une charge de conformité reposant sur les contribuables. Toutefois, cette réglementation procure des avantages non-négligeables notamment pour les entreprises et investisseurs internationaux leur procurant une sécurité quant au traitement fiscal applicable aux opérations réalisées.
Cela limite également les différends d’interprétation et les redressements en matière de prix de transfert durant les contrôles fiscaux, étant donné que des règles mondialement standardisées, reconnues et définies sont appliquées.
A noter que l’absence de réglementation en matière de prix de transfert, entraîne des situations de conflits entravant considérablement l’investissement direct étranger et les échanges internationaux.
Par conséquent, l’adoption d’une législation sur les prix de transfert qui intègre le principe de pleine concurrence peut contribuer à atteindre ce double objectif.
Le NMD s’est-il penché sur la question ?
Le NMD a mis l’accent sur l’ambition d’instaurer une fiscalité efficace et équitable dans le but d’optimiser le potentiel fiscal de l’économie nationale en favorisant la compétitivité des entreprises tout en assurant une gouvernance efficace et transparente consolidant la confiance dans le système fiscal marocain.
Parmi les orientations stratégiques du NMD, nous trouvons notamment la lutte contre les pratiques d’évasion et de fraudes fiscales, qui convergent vers les directives et les principes préconisés par l’OCDE en matière des prix de transfert et de prévention contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices et, plus communément appelée mesures anti-BEPS.
L’approche adoptée par la DGI est elle conforme aux pratiques de l’OCDE ?
La DGI a déployé des efforts et moyens considérables, d’une manière progressive, pour se conformer aux normes et obligations en matière de fiscalité internationale.
En effet, des formations ont été déployées en faveur des équipes de vérification afin de prendre en charge les problématiques complexes en la matière, pour assurer et garantir un traitement équitable respectant la réglementation locale et internationale et préservant les droits du contribuable.
Par ailleurs et dans le but de garantir la sécurité juridique des contribuables et une stabilité de l’environnement fiscal, la DGI a également renforcé son département en charge des accords préalables en matière des prix de transfert. Ces accords (bilatéraux ou multilatéraux) conclus entre le contribuable et l’administration fiscale, permettent aux entreprises de déterminer d’une manière concertée, les méthodes de prix de transfert et de s’assurer que les prix sont conformes au principe de pleine concurrence.
Ces accords donnent une garantie aux contribuables de tout redressement fiscal en matière des prix de transfert tout au long de la période de l’accord.