Le parti au pouvoir serait-il au-dessus de la loi ? Défie-t-il les institutions de l’Etat ? En tout cas, depuis l’ouverture du procès de Hamiedine, le PJD multiplie les impairs.
Le communiqué du secrétariat général du PJD aurait suffi suite à l’inculpation de Abdelali Hamieddine de complicité de meurtre par le juge d’instruction de la cour d’appel de Fès dans l’affaire de l’assassinat de Benaïssa Aït Eljid en 1993.
Mais l’excès de zèle de certains cadres du PJD, surtout ceux actuellement membres de l’Exécutif, tenus à une obligation de réserve vu leur responsabilité actuelle, pose plus d’une question de l’attitude de ce parti vis-à-vis de la Justice marocaine, surtout de la malencontreuse démonstration de force lors de l’ouverture du procès mardi dernier à Fès. A telle enseigne qu’il est très difficile de faire un décryptage cohérent, de la chronologie des événements qui se sont succédé depuis le 7 décembre 2018.
Mais s’il y a un cadre du parti qui a le plus péché c’est bien Mustapha Ramid, ministre des Libertés Publiques, et surtout ministre de la Justice et des Libertés entre 2012 et 2010.
Sa réaction précipitée sur les réseaux sociaux est des plus surprenantes. En tant qu’avocat, sa profession initiale, Ramid n’est pas censé ignorer qu’il ne faut pas commenter une affaire en cours devant la Justice et qu’avec ses déclarations irréfléchies à la suite de la décision de la Justice de rouvrir le dossier.
Il se contredit même, lui qui répétait à tue-tête que la Justice marocaine est indépendante. Ignore-t-il les principes de Bangalore dont la 5ème valeur est la garantie de l’égalité de tous devant les tribunaux est essentiel pour un exercice correct de la charge judiciaire.
Sa réaction précipitée lui a valu des réactions foudroyantes aussi bien de la part des juges que des accusations graves portées par la défense de Aït Eljid sur un prétendu rôle qu’il aurait joué pour influencer le cours de cette affaire. Le ministère des Droits de l’homme, qui n’a pourtant aucun lien avec cette affaire, publiera dans ce sens un communiqué dans lequel il dénonce « une accusation porte atteinte au ministre, à l’institution du procureur général et à la police judiciaire ».
La question qui se pose aussi, pourquoi le ministre implique-t-il son département dans cette bataille médiatique ?
Il s’est également attiré les foudres de l’Amicale Hassania des magistrats, de l’Association marocaine de la femme juge et du Club des magistrats du Maroc qui dénoncent en chœur une atteinte flagrante à l’indépendance de la Justice par ces propos de Ramid.
Ramid n’est pas au bout de peine puisqu’il subit un énième recadrage, mais cette fois-ci du ministre de la Justice, Mohamed Aujjar, qui invité à une rencontre organisée par l’association des avocats du RNI, a déclaré que « l’indépendance de la justice au Maroc constitue une mesure historique et nous rejetons les tentatives qui veulent la faire échouer ». Encore heureux pour Ramid qu’il n’ait pas fait le déplacement à Fès pour l’ouverture de ce procès !
El Othmani, le PJD avant le Maroc ?
Saadeddine El Othmani a pour sa part raté une belle occasion de se taire, vu son poste délicat de chef de gouvernement du Maroc et non du PJD. En effet, en tant que chef de l’exécutif, il a remis en doute la probité et l’indépendance de la Justice par ses déclarations. Si le PJD, parti au pouvoir depuis voilà sept ans se plaint aujourd’hui de l’appareil judiciaire suite à l’ouverture du procès de Abdelali Hamieddine, que reste-t-il pour les simples justiciables ?
Il s’agit aussi d’une pression mise sur le pouvoir judiciaire quand un chef de gouvernement assure sa totale solidarité avec un cadre de son parti, poursuivi et dont l’affaire est devant la Justice, et qu’il assure que des actions ont été menées et d’autres seront dans ce sens. Des actions pour ?
El Othmani qui soulignait devant les membres de son parti que cette réouverture de procès est ambiguïté sur le plan judiciaire et politique. Pourtant, l’ambiguïté est bien dans le propos de celui aux manettes du pays qui laisserait entendre que la Justice serait aux ordres. Aux ordres de qui d’ailleurs, peut-il bien être plus explicite dans ce sens.
En effet, les cadres du parti laissent entendre qu’il y aurait quelqu’un ou une partie derrière la réouverture de ce procès, mais qui et à quelle fin ? Influencer le cours de la Justice ?
C’est dire qu’en matière de communication politique et communication de crise, ce parti a commis de graves impairs.
La Justice se fait devant les tribunaux et non dans les sièges de partis !
La première audience de ce procès a également été une occasion ratée pour ce parti au pouvoir de manifester un quelconque respect aux institutions de ce pays notamment l’appareil judiciaire. Au contraire, des figures du PJD ont pris part à ce procès dont le trublion Abdelilah Benkirane et de partisans du parti n’ont cessé de scander des slogans toute au long de cette première audience. Une manifestation de force ? Intimidation de la partie adverse ? En tout cas, une attitude incompréhensible pour un parti aux commandes.
La démarche du PJD renforce également le sentiment que la Justice se fait dans les arcanes des partis et non dans les cours de justice. En effet, quel objet peuvent bien avoir les visites effectuées par le comité de soutien à Hamieddine chez d’autres partis politiques ?
L’affaire est aujourd’hui devant la Justice et les parties jouissent de tous les moyens de recours pour faire valoir ce que de droit. Alors si le PJD remet en cause la probité de la Justice…