Ecrit par Soubha Es-Siari |
Toutes choses étant égales par ailleurs, 2023 risquerait d’être une année très mouvementée. L’inflation, selon les derniers pronostics, risquerait de repartir sur une nouvelle lancée venue de Chine. Ne dit-on pas que lorsque, la Chine, atelier du monde, éternue, le monde s’enrhume.
Peut-on s’attendre à un retour à la normale d’avant la pandémie ? L’année 2023 marquera-t-elle la fin d’une série noire de crises couronnées d’un spectre inflationniste ayant exacerbé même les économies les plus fortes. Il semble a priori qu’un retour à la normale en 2023 est juste un leurre et pour cause, une nouvelle donne s’ajoute à l’équation.
Affectée par un mouvement dépressif, l’économie mondiale ne retrouvera pas son potentiel de croissance d’avant la pandémie pour l’exercice en cours. Cela a été pressenti et les prévisions économiques de l’ensemble des institutions (Banque mondiale, FMI…) pour 2023 ont été revues drastiquement à la baisse.
Dans un contexte géopolitique des plus défavorables, la croissance économique mondiale devrait ainsi ralentir davantage en 2023 pour s’établir à 1,7% au lieu de 2,9% en 2022 et 5,9% en 2021 (année de rattrapage).
Aussi, la progression des prix au niveau mondial a-t-elle culminé à 7,6% en 2022 et d’après les prévisions les plus sérieuses elle ne fléchirait pas de sitôt pour retrouver la tendance pré-pandémique, elle serait de l’ordre de 5,2% en 2023, restant au-dessus de sa moyenne de 2,3% durant la période 2015-2019.
Les politiques monétaires engagées en concert seraient en train de porter leur fruit et d’atténuer, un tant soit peu, la recrudescence de l’inflation même si le durcissement monétaire préconisé devrait entraver la croissance des activités et limiterait leur développement. Mais attention au réveil du dragon asiatique qui, suite à la fin des restrictions sanitaires, risquerait de bouleverser les hypothèses.
A rappeler qu’en dehors des autorités monétaires de la Chine, de la Russie et de la Turquie qui ont adopté une politique accommodante, la majorité des banques centrales se sont engagées dans ce resserrement des conditions monétaires et financières et ont relevé leur taux. Quand la Chine adopte une politique accommodante c’est parce qu’elle n’a pas envie de sacrifier sa croissance économique.
Quid du Maroc? La croissance économique aurait ralenti à 1,3% en 2022 après le rebond de 7,9% enregistré en 2021. La décélération de la croissance cache malheureusement de nombreuses contreperformances pour ne citer que la détérioration du pouvoir d’achat qui aurait pâti de la baisse des revenus à cause d’un niveau d’inflation à caractère sans précédent qui aurait marqué l’économie nationale en 2022. Idem, l’investissement brut aurait affiché une décélération à 0,6% contribuant par 0,2 point seulement à la croissance au lieu de 3,8 points en 2021.
A son tour, la demande intérieure aurait affiché une baisse de son rythme de croissance, passant de 9,1% en 2021 à 2,3% en 2022, contribuant à la croissance de 2,6 points au lieu de 9,7 points une année auparavant.
Dans ce contexte marqué par une inflation inédite, Bank Al-Maghrib a procédé à deux hausses successives du taux directeur en septembre et en décembre 2022 pour le situer à 2,5%.
Dans ces conditions, les crédits bancaires auraient connu une progression de près de 6% en 2022.
Elle est toutefois portée essentiellement par la hausse de 15,7% des comptes débiteurs et crédits de Trésorerie représentant près de 25% de l’encours bancaire. Elle reflète le recours croissant des entreprises aux lignes de crédits afin de pouvoir gérer la hausse des prix des intrants, notamment importés. Des chiffres inquiétants si l’on prend en considération que les marges de manœuvre de l’Etat et des agents économiques risquent de se rétrécir davantage avec la consommation boulimique de la Chine se traduisant par une hausse des intrants.
Depuis le ralentissement visible de l’inflation, les marchés spéculaient sur un retour à la normale et une fin progressive des hausses des taux d’intérêt (en 4 étapes). Mais rien n’est sûr car l’atelier du monde se réveille et il compte consommer plus pour améliorer sa croissance qui a fléchi à 3% en 2022.
Toutes choses étant égales par ailleurs, 2023 risquerait d’être une année très mouvementée au Maroc comme dans le reste du monde.
Les pouvoirs publics devront s’y préparer. Ne dit-on pas que lorsque, la Chine, atelier du monde, éternue, le monde s’enrhume.
Alors que le pays se réveille d’une longue hibernation sanitaire et que sa demande des matières premières est sur le point d’augmenter, le spectre de l’inflation pourrait se prolonger au-delà de 2023.