Ecrit par Imane Bouhrara |
La problématique de l’emploi a rythmé la vie de l’actuel exécutif depuis sa formation en raison des objectifs ambitieux, à ce jour avec le lancement des certains programmes de promotion de l’emploi ou de l’entrepreneuriat en l’occurrence Awrach et Força. Des programmes qui posent la question de l’efficience, de l’impact économique et social mais également sur le plan juridique quant à leur degré de conformité à la réglementation du travail en vigueur.
Un million d’emplois à créer d’ici la fin du mandat, c’est l’objectif dans lequel s’est inscrit le gouvernement déjà pendant la campagne électorale post échéances du 8 septembre 2021 mais également lors de la déclaration gouvernementale du Chef de gouvernement devant les députés.
Un objectif très scruté, l’emploi étant l’un des indicateurs les plus révélateurs de l’efficience économique d’un gouvernement et de la pertinence de ses choix. D’emblée, avec l’annonce d’Awrach, l’espoir est tombé d’un cran puisque le programme qui prévoit la création de 250.000 emplois en 2022 et 2023 avec une enveloppe budgétaire de 2,25 Mds de DH propose essentiellement des emplois temporaires assimilables à ceux de la promotion nationale.
En effet, le 12 janvier 2022 date de lancement de ce programme généralisé par étapes à l’ensemble des régions du Maroc, on apprend que 80% de l’objectif concernent des CDI de moins de 6 mois qui travailleront dans les chantiers temporaires alors que seuls 20% pourront prétendre aux chantiers permanents.
Faut-il rappeler que le programme repose sur la mutualisation des efforts de plusieurs acteurs dont les EEP, les associations et les entreprises à déterminer leurs besoins sous forme de chantiers permanents ou temporaires comme principaux leviers de promotion de l’emploi. Peut-on dès lors dire qu’il s’agisse véritablement d’une politique publique de promotion de l’emploi ?
La mouture du programme et les incitations consenties posent ainsi la question de l’impact que ce programme puisse avoir sur les plan économique et social. Pour l’Universitaire Mohamed Rahj, bien que le souhait soit de voir ces initiatives réussir mais sur le plan économique il ne reste point de doute sur la pertinence de ce programme, qui pour le professeur universitaire ne s’attaque pas au nœud gordien : l’économie ne créée pas suffisamment d’emplois de qualité.
Intervenant lors de la table-ronde organisée par l’Observatoire du Travail gouvernemental en partenariat avec Oxfam au Maroc, l’expert rappelle qu’à supposer qu’un point de croissance créée entre 16.000 et 20.000 emplois, avec 3 points de croissance voire moins avec les prévisions de BAM, l’économie ne pourra créer plus de 60.000 emplois en 2022 en tout et pour tout. Les 125.000 emplois sensés être créés en 2022 par Awrach ce n’est guère que du chômage déguisé, déplore Mohamed Rahj.
Il rappelle qu’il est du devoir de l’Etat d’élaborer des politiques publiques efficientes, ce qui est loin d’être le cas pour l’emploi où le défi majeur est de résorber le chômage élevé des diplômés. Il craint également que la gouvernance choisie ne constitue pas une forme de bureaucratie qui conduise à l’échec de ce programme.
Dans sa forme actuelle et sa cible à savoir, les personnes ayant perdu leur emploi à cause de la crise, Awrach est une promotion nationale Bis.
Et de conclure que cette problématique de l’emploi ne peut se faire en l’absence d’une réforme structurelle de l’économie, à défaut, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Même son de cloche de Ilham Boujlid, chef d’entreprise et experte en recrutement : Awrach est une forme déguisée d’aide aux personnes ayant perdu leur travail en raison du Covid. Donc au lieu que l’Etat continue à verser des indemnités forfaitaires, il créé des opportunités de travail qui demeurent temporaires et précaires. Au mieux c’est une forme de formation temporaire en alternance sauf que c’est rémunéré et sanctionné d’une attestation de travail.
Pour Ilham, ce programme ne répond pas réellement ni aux besoins en recrutement des entreprises ni aux nouvelles tendances du marché de l’emploi et aux besoins des nouvelles générations.
Pis, ce programme pose également une question d’ordre juridique : que valent les contrats Awrach au regard de la législation du Travail ? Cette question semble particulièrement inquiéter Soufiane Harib, SG de la jeunesse ouvrière de l’UGTM, invité de la Table-ronde Otrago-Oxfam.
Et quid de la capacité des associations de respecter leurs obligations à la fin des 18 mois pendant lesquels l’Etat versera 1.500 DH pour chaque bénéficiaire ?
« Je crois que l’Etat doit faire preuve de plus de diligence et détailler les garanties sociales et syndicales des bénéficiaires dans le cadre de ces contrats pour éviter plus tard que les inspections du travail ne soient inondées de doléances de ces bénéficiaires », explique-t-il.
Même l’assistance se pose de nombreuses questions concernant l’intérêt d’être déclaré à la CNSS pendant seulement 3 mois dans le cadre d’un chantier temporaire au risque de ne plus être éligible au Ramed une fois sans emplois.
Autant de questions sur lesquelles l’exécutif doit plancher tant que le programme est à ses débuts pour réunir les conditions de réussite, du moins de réalisation des objectifs chiffrés et en éliminant les germes d’échec hérités des précédentes politiques d’emploi.
Dans sa mobilisation tous azimuts, l’Etat doit également prendre en considération les changements du marché du travail induits par la crise sanitaire et qui sont autant d’opportunités dans des niches en relations avec les métiers de service, e-commerce et nouvelles technologies. Et ce afin de les inclure dans ce programme et lui ôter cette étiquette de promotion nationale qui lui colle à la peau.
Certes la conjoncture est difficile et que ce programme vise à aider des populations vulnérables à traverser cette mauvaise passe. Mais toujours est-il que ce programme ne peut se substituer à une véritable politique stratégique de l’emploi qui réduit les intervenants, mutualise les programmes fait des économies d’échelle et surtout qui soit plus pertinente et efficace.
D’autant que l’emploi constitue l’ossature du programme de ce gouvernement.
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