30 années sont passées et l’on se pose aujourd’hui les mêmes questions !
« Qui paye ses dettes s’enrichit ! ». Cet adage, appliqué aux impôts, pourrait donner ceci : « Qui paye ses impôts peut marcher la tête haute ! ».
Ne ressent-on pas, en effet, une certaine fierté, ou, du moins, n’a-t-on pas la conscience tranquille, sachant qu’on contribue à tout ce que l’État fait pour la sécurité et le bien-être des citoyens dont on est ?
Seulement voilà : rares sont ceux qui courent après ce genre d’honneur !
Pourquoi ce paradoxe ?
La réponse la plus partagée intuitivement tient dans ce constat qui fait que celui qui s’acquitte peu ou prou, volontairement ou forcé, de l’impôt aurait plutôt le sentiment d’être plus une victime, livrée sans défense aux mains d’une machine ou d’une organisation sans états d’âme, qu’un partenaire à part entière avec tout ce que cela sous-entend de droits et d’obligations.
En creusant davantage, l’on découvre que ce sentiment repose sur des fondements objectifs qui tiennent à différents facteurs, mais que l’on pourrait limiter à deux ou trois : équité, justice, considération.
Dans tout partage, qu’il s’agisse de droits ou d’obligations, les hommes ne s’estiment jamais lésés tant qu’il est fait selon des règles convenues librement et acceptées par tous.
En est-il ainsi de l’impôt ? La réponse n’est pas facile. Elle tient, à son tour, à des considérations économiques et sociales, voire politiques.
Économiquement, la question se pose de savoir si l’impôt doit être le fait plus des entreprises que des particuliers ou l’inverse, ou encore à égalité ?
De même, doit-il être perçu directement sur le revenu ou plutôt indirectement au niveau de la dépense ?
Les théories et les pratiques de par le monde n’ont pas apporté encore de réponse définitive à cette question. La Suède qui a longtemps privilégié les impôts directs, n’est-elle pas en train de faire marche arrière pour renforcer le rendement des impôts indirects. Il en est ainsi également des États-Unis et d’autres pays occidentaux.
Et quand bien-même apporterait-t-on une réponse satisfaisante à cette première question, il reste, à l’intérieur de chaque impôt, on peut doser la pression selon la capacité de contribution de chaque acteur économique : jusqu’à quel revenu est-on dispensé de l’impôt ? Et au-delà, à quel pourcentage ? De même, quels sont les produits qui doivent supporter une taxe pour être consommés ? Et quels devraient être le ou les taux ?
Les produits et services étant différents, doivent-ils supporter des taxes différentes ? Ou bien, celles-ci doivent être acquittées en fonction de la bourse de l’acheteur ?
L’on comprend dès lors, en posant ces simples questions, que la réponse, elle, n’est pas simple et, partant, que le système en vigueur actuellement ne satisfait pas tout le monde, à commencer certainement par l’Administration elle-même.
D’où l’existence, de temps à autre, de réformes tendant, ici, à réduire les inégalités, là, à encourager tel secteur, etc.
Mais ces réformes aboutissent-elles toujours ? Rien n’est moins sûr, si l’on en juge par les levées de boucliers qu’elles suscitent dès que proposées.
Et pour cause : les enjeux ne sont pas seulement d’ordre économique, mais touchent aussi à l’éthique.
Sans être expert en matière fiscale, on comprend fort bien qu’il ne soit pas facile de contenter tout le monde. Mais de là à mécontenter tout le monde, l’écart est trop grand. Et c’est ce qu’il convient de réduire. Le bon sens est souvent bon conseiller et il n’est pas toujours nécessaire de s’inspirer de théories ou de pratiques ayant cours sous d’autres cieux, pour effectuer les réformes qui s’imposent en matière de fiscalité.
Une fiscalité simple, compréhensible par tous et équitable serait acceptée, sans qu’il soit besoin de recourir à quelque forme de contrainte que ce soit.
Et ce, tout en ayant présent à l’esprit cette loi qui fait que « trop d’impôt tue l’impôt !».
PRESSION FISCALE AU MAROC ET AILLEURS
La pression fiscale se mesure par le rapport « Recettes Fiscale/Produit Intérieur Brut ». Ce calcul donne pour le Maroc une pression fiscale qui oscille autour de 19% (19,8% en 1980 et 18,78% en 1987).
Le même calcul donne pour les pays de la CEE, une pression fiscale qui va de 30,4% en Espagne à 45% au Pays Bas, en passant par 39% au Royaume-Unis et 44,2% en France (données 1986). Aux États-Unis, la pression fiscale oscille autour de 29% et au Japon, autour de 28%.
Comparé à ces pays développés, le Maroc affiche une pression fiscale très faible. Hélas, ce n’est qu’une apparence car, au Maroc, de l’aveu même des voix les plus autorisées, il existerait une économie sous-terraine qui participe au moins pour moitié à la formation du PIB. Les acteurs de cette économie souterraine échappent bien évidemment à tout paiement d’impôts de quelque nature qu’il soit.
Donc, ceux qui s’acquittent de leurs impôts paient pour cette catégorie et supportent en fait deux fois plus.
Ce qui porte la pression qu’ils supportent à (2 X 19%)= 38%.
Et si l’on ne perd pas de vue que, parmi les acteurs de l’économie apparente, il existe des tire-au-flanc – les fraudeurs, pour ne pas les nommer -, la pression fiscale réelle s’établirait vraisemblablement à plus de 50%. Ces calculs savants sont, bien-sûr, macro-économiques et ne rendent certainement pas suffisamment compte de la réalité.
La réalité, elle, c’est le contribuable honnête ou l’honnête malgré lui qui la sent. Comme dit l’adage « ne sent la brulure du fouet que celui qui le reçoit ! »
*Source : Magazine Enjeux n° Mars 1989 par Mostafa Melsa
Délégué général de l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF)