Ecrit par Imane Bouhrara |
La pandémie Covid-19 a constitué un véritable tournant pour l’industrie marocaine du textile, qui a relevé le challenge de répondre en urgence aux besoins du Maroc face à la pandémie. Les RDV de l’Industrie dédiés à cette industrie ont été également l’occasion de faire le bilan du PAI et du rôle de la commande publique comme levier de perfectionnement du secteur.
« Le textile est un secteur historique du Maroc, on peut même le qualifier de colonne vertébrale de l’industrie du Maroc. Le secteur compte 1.600 entreprises, emploie 190.000 personnes, réalise un chiffre d’affaires de plus de 50 Mds de DH, exporte plus de 36 Mds de DH avec une valeur ajoutée de près de 16 Mds de DH », a expliqué Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique, lors de la 3ème édition des RDV de l’industrie consacrée ce 30 juin au textile.
« La crise Covid-19 a touché de plein fouet l’ensemble du secteur à travers le monde pour des raisons très simples. Nous avons constaté qu’en raison de la pandémie, les gens étaient en télétravail donc leurs achats de produits textiles ont drastiquement diminué. La fermeture de commerces à travers le monde a également eu un grand impact sur les producteurs, dont nous faisons partie. Nous avons travaillé d’arrache-pied avec les opérateurs mais les résultats ont été en dents de scie. Cela dit, il y a un chiffre qui vient de tomber et qui souligne que depuis début 2021, le Maroc, en termes de performances, est tête de liste des pays exportateurs vers l’Europe avec une progression de plus de 23%. Nous en sommes ravis mais nous allons réaliser mieux », poursuit MHE.
Lors de la crise Covid-19, le secteur a également fait montre d’une réactivité pour opérer une reconversion rapide qui a permis l’émergence d’une nouvelle filière, le textile technique à usage médical, comme l’ont attesté les directeurs de SOFT TECH, de LAMATEM et d’ARWAMEDIC dans leur témoignage au cours de cet événement.
« Juste pour rappel, le textile-habillement est le premier employeur de main d’œuvre au Maroc. L’expérience du Covid-19 a démontré le poids socio-économique du secteur. Dès le début de la pandémie et en recevant un appel du ministre de l’Industrie pour la fabrication de masques, nous avons élaboré une stratégie au sein de l’Amith reposant sur deux piliers importants. D’abord de fabriquer le tissu conformément à des normes et standards élevés grâce à la coopération avec Imanor. Le deuxième pilier était beaucoup plus simple parce que nous avons beaucoup de confection au Maroc et malgré une capacité de production réduite à 30% en raison des gestes barrières, ce qui nous a permis de répondre en un temps record à l’appel de SM le Roi. Nous avons ainsi pu répondre aux besoins de la population marocaine en masques, permettant de limiter la propagation du virus », rappelle Mohammed Boubouh, président de l’Amith.
Très rapidement, l’industrie a atteint un rythme de production de 20 millions de masques par jour.
D’ailleurs, le ministre rappelle que grâce aux instructions royales de lutte contre les sacs en plastique il y a quelques années et la disponibilité du tissu non tissé, cette production rapide des masques pour répondre à l’urgence sanitaire a été rendue possible. Mais aussi les mettre à disposition des citoyens partout au Maroc et à des prix abordables, à 80 centimes.
Quid du plan d’accélération industrielle ?
« Le plan d’accélération industrielle analysé l’état des lieux pour voir les forces et les faiblesses. Et l’une de nos faiblesses la plus importante était l’amont textile. Il faut savoir que la Chine a absorbé l’amont textile pendant plusieurs années à travers le monde. Partant de là, nous avons travaillé avec le secteur textile marocain pour voir comment mettre en place une stratégie permettant au secteur de retrouver un nouveau souffle. L’autre élément qu’il y a lieu de citer est que le secteur marocain s’est complétement métamorphosé. Dans le temps, on vendait de la minute.
Aujourd’hui, l’intégration permet de plus en plus, à des opérateurs de fabriquer de leur marque, partant de la fabrication du tissu à la fabrication du produit final. Cette dynamique est tout à fait nouvelle avec une prise de conscience de nos capacités. C’est un changement de paradigme puisque nous ne sommes plus que des sous-traitants mais des fabricants de marque. Et nous allons plus loin, puisque nous avons la prétention de voir nos marques remplacer les marques internationales sur le marché national », explique Moulay Hafid Elalamy.
Coté opérateur, le président de l’Amith décrit le PAI comme un partenariat exemplaire public-privé. Un travail conjoint pour avoir un compte rendu réel du terrain et en même temps de pouvoir se projeter dans le futur et réaliser ensemble cette stratégie qui passe par la réalisation d’investissements en faveur de la création de valeur et d’emplois pour le pays.
Six écosystèmes ont été mis en place dans le cadre de cette restructuration du secteur textile au service de la performance du secteur, souligne pour sa part Ali Seddiki, Directeur général de l’industrie au sein du ministère. « Il y a des engagements mutuels pour encadrer l’investissement en faveur des engagements du secteur », poursuit-il. Un travail qui a donné lieu à une veille sur le marché international, à un travail sur la marque Maroc et le produit final, et à un démarchage de nouveaux donneurs d’ordre internationaux pour diversifier les débouchés d’exportations textiles.
Quid de PAI ?
Les RDV de l’Industrie ont également été l’occasion d’établir le bilan du PAI pour le textile.
« Le bilan du PAI a été très positif, comme en atteste l’évolution positive des agrégats du secteur. En termes d’emploi 116.501 nouveaux emplois ont été créés durant la période 2014-2020 y compris l’année 2020 marquée par la pandémie (10.684 emplois créés), dépassant l’objectif initial de 100.000 emplois à créer. En termes d’export, le secteur a réalisé un chiffre d’affaires additionnel de 5,5 Mds de DH entre 2014 et 2019, dépassant ainsi l’objectif assigné au PAI pour l’écosystème textile. Le PAI a pu créer une bonne dynamique d’investissement, avec 203 projets accompagnés par le ministère totalisant 5,4 Mds de DH d’investissement. L’impact de ces projets est de créer 31.130 emplois directs, réaliser un CA de 12,46 Mds de DH dont 8,05 Mds de DH de CA à l’export. Ces investissements ont concerné tout l’écosystème. Bien évidemment celui du fast fashion et de l’habillement qui est le plus important écosystème textile s’est accaparé plus de la moitié de ces investissements. Mais on note l’émergence de la filière du textile à usage technique, sous l’effet de la pandémie, et qui arrive en deuxième position avec 17% de ces investissements », explique Taha Ghazi, Directeur des industries textiles et du cuir au ministère de l’Industrie.
La commande publique, un enjeu majeur
Toutes ces évolutions ont permis au Maroc d’importer de moins en moins de produits textiles, parce que les opérateurs ont été capables de relever le défi de la qualité, la compétitivité sur les prix et la réactivité face à l’émergence de nouvelles demandes.
« La commande publique c’est l’argent des Marocains, elle doit aller d’abord aux Marocains. On ne prendra pas de l’argent public pour acheter trop chers ou de mauvaise qualité, il faut être clair là-dessus. A partir du moment où le Maroc est capable de produire une meilleure qualité et à prix moins cher, nous interdisons des achats avec la commande publique de produits venant d’ailleurs », insiste le ministre Moulay Hafid Elalamy.
A travers la commande publique, mais aussi privée, le secteur consolide, en effet, son développement. A ce sujet, la Directrice sourcing monde Groupe DeFacto, Elif Cam, s’est exprimée sur l’expérience du groupe tuc: « Nous avons produit près d’un million de pièces depuis le début de cette année. Tous ces articles sont fabriqués au Maroc et nous les présentons dans nos boutiques marocaines comme des articles ‘made in Morocco’, et c’est pour nous, à présent, une source de fierté ». Et de souligner que « les fabricants marocains disposent de la meilleure qualité en expertise et en savoir-faire ».
Le textile se met au Green
Les RDV de l’Industrie ont également été l’occasion de voir quels sont les défis futurs du secteur. Le textile opère sa transformation progressivement, au fil des années. « Le textile est devenu un secteur à la pointe de la technologie, qui intègre des savoir-faire qui sont rares et importants. Nous avons une main-d’œuvre qualifiée qui a une histoire avec le secteur du textile (…) C’est un vrai capital immatériel du Maroc », a estimé le Ministre. Et de souligner que « seuls ceux qui sont dans le technique, dans l’innovation, dans la préparation de la génération future, dans les industries 4.0, sont en mesure de survivre. C’est une guerre ouverte et permanente ».
Compétitivité oblige, les textiliens marocains doivent renforcer l’amont et innover. « Les donneurs d’ordre savent très bien, aujourd’hui, que le problème, ce n’est pas produire, mais vendre », a indiqué le Président de l’AMITH. Alors, pour passer de la sous-traitance au produit fini, la créativité s’impose en critère essentiel.
L’industrie verte est également un enjeu pour le secteur surtout pour l’accès aux marchés très regardant sur la composante environnementale. « Avant, c’était un plus, maintenant, c’est une nécessité », a-t-il-précisé, affirmant que les industriels marocains ont saisi l’importance de l’enjeu, d’autant que la taxe carbone européenne est attendue pour 2023. « Là, nous sommes obligés d’être en adéquation avec les normes environnementales européennes », a-t-il-reconnu.
« Le Maroc est en train de regagner ses galons dans le textile et l’habillement mais plus comme avant (…) Les opérateurs marocains vendent de la qualité, du savoir-faire, des prix, mais aussi de la mode, des marques nouvelles et une intelligence » a souligné le Ministre. Le vrai challenge pour le secteur, aujourd’hui, est de parvenir à positionner le Maroc comme étant un acteur incontournable, un acteur de qualité et fiable sur le marché international.