Dans un pays où l’instrument fiscal ne sert plus à réduire l’écart entre les plus nantis et les smicards, on est en droit de se demander qui cherche à effacer les acquis de la démocratie naissante.
Ce système démocratique qu’on voudrait adopter est fondé en grande partie sur le principe du consentement à l’impôt. Il est né au sein de la monarchie Anglaise, en 1215, et a été consolidé, dans ce même pays, en 1688 dans le bill of Rights.
Aujourd’hui, il est clair, l’impôt sert à maintenir les classes sociales dans leur rang actuel. En effet, la justice sociale peut contrarier et remettre en cause les règles établies : l’argent et le pouvoir garantissent le maintien des élites et font perdurer un système fondé sur l’endogamie.
En taxant les revenus locatifs bruts, à l’aveugle, on a voulu collecter des ressources sur la classe moyenne inférieure. Le génie de la fiscalité a fait un calcul simple : cette classe moyenne est la plus large au Maroc, donc elle va rapporter gros. Mais ce slogan utilisé pour le loto ne peut pas s’appliquer à l’impôt.
L’article 39 de la Constitution marocaine précise que tous les citoyens doivent contribuer en fonction de leurs capacités contributives aux charges publiques. Les représentants du peuple, en l’adoptant, ont-ils compris la disposition et ses conséquences ? Leur manque de discernement est-il dû à une méconnaissance des principes fiscaux ou ont-ils été sensibles aux « arguments » présentés par les promoteurs de cette mesure ?
Certes, nous le savons tous, certains propriétaires fonciers ne déclarent pas leurs revenus locatifs.
Mais avons-nous pensé à ce retraité qui touche une pension mensuelle de 1 200 DH, soit 14 400 DH par an, et qui perçoit un revenu locatif brut annuel de 28 000 DH. Et bien ce digne représentant de cette basse classe qui n’a jamais entendu parler du « consentement à l’impôt » devra verser au trésor public 2 800 DH par an (10% de 28 000). Peut-on imaginer qu’il puisse faire vivre sa famille avec un revenu mensuel de 3 300 DH, soit un revenu global annuel de 39 600 DH (42 400 – 2 800 DH).
Même s’il n’atteint pas le seul exonéré de 30 000 DH fixé pour les revenus fonciers, il sera quand même taxé. Et vous savez pourquoi ? Parce que la loi précise que s’il a un autre revenu et qu’il a bénéficié, pour sa pension, du seuil exonéré de 30 000 DH fixé dans le barème de l’IR, il ne pourra pas cumuler deux avantages.
Je ne crois pas que ce pauvre retraité a choisi de toucher 1 200 DH par mois ; sans compter toute la TVA qu’il verse sur sa consommation et celle de sa famille.
Cette remise en cause de la règle de la progressivité qui fonde le principe d’égalité devant l’impôt n’a pas troublé la cour constitutionnelle chargée d’examiner la conformité des lois à la Constitution avant leur promulgation, afin de faire respecter le principe constitutionnel d’équité fiscale.
Pendant ce temps, certains se préoccupent de la faible capacité d’épargne des citoyens, alors que cette Masse qu’on ponctionne n’arrive même pas à satisfaire ses besoins primaires.
Mais rassurez vous, si vous avez un revenu foncier brut annuel supérieur à 300 000 DH, vous ne paierez pas beaucoup plus qu’avant ; mieux si votre revenu augmente, vous aurez même droit à un gain. Evidemment, en supprimant l’abattement de 40% et en le remplaçant par un taux flat de 15%, on a cherché à ne pas trop vous pénaliser.
Zaya Mimoun Docteur en droit public, professeur
Vacataire à l’UIR