Relevant par essence des pratiques citoyennes, les régimes de démocratie participative se présentent comme des solutions que peuvent engager les citoyens à l’égard de leurs représentants pour les inciter à traiter des questions particulières. Il traduit une mutation importante de la citoyenneté pour une plus grande participation à la gestion des affaires publiques.
L’idée de démocratie participative caractérise l’action des institutions élues depuis la Constitution de 2011. Cette dernière reste dominée par l’admission de canaux dédiés à l’exercice réel et actif du pouvoir par les citoyens.
Son article 2 fait du choix démocratique une constance fédératrice de la vie collective de la nation et traduit les deux modalités de son expression fondées sur la représentation et la participation active. L’importance de la seconde n’a d’égale que l’adaptation du cadre que permet la première.
L’intérêt que présentent les outils de la démocratie participative mérite une appréciation particulière à l’occasion des élections du 8 septembre 2021.
Elle est question d’échéances importantes pour la démocratie marocaine sollicitant le citoyen comme acteur appelé à choisir ses représentants mais également l’occasion d’affirmer son statut d’acteur actif, censé assumer ses responsabilités durant le futur mandat électoral.
- La démocratie participative comme expression d’un statut de citoyenneté particulier
Dans les démocraties modernes, la question de la participation est rangée dans les fondements de la citoyenneté active pour une plus grande efficacité de l’action publique. Elle traduit des moyens d’action dont disposent les citoyens à l’égard des représentants, à tous les niveaux de la représentation politique, national, régional ou local, pour les inciter à prendre en compte leurs choix.
Du côté du statut de citoyenneté et à l’opposés du régime des droits qu’implique une telle qualité dont le registre ne cesse de s’élargir, l’admission de devoirs conditionne les pratiques démocratiques.
Relevant des devoirs citoyens une participation active dans la constitution des institutions élues, censées devenir des interlocuteurs des citoyens agissant activement à travers des mécanismes qu’offre le droit, notamment par le moyen des pétitions.
La conduite et la mise en œuvre de la démocratie participative met à la charge des institutions élues l’exigence de respecter la volonté populaire. Il s’agit de la substance même de la démocratie que consacre notre système constitutionnel faisant ainsi référence aux fondements du régime constitutionnel du Royaume que sont, selon l’article 1er de la Constitution, la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que la démocratie citoyenne et participative.
Analysée sous cet angle, la démocratie participative devient l’un des fondements de la bonne gouvernance fondée sur la responsabilité et la reddition des comptes.
L’un des traits dominant du régime de démocratie participative emprunté au Maroc est de faire, par ailleurs, référence à la place de la société civile pour une plus grande implication dans la gestion de la chose publique.
Les associations et organisations non gouvernementales peuvent user des outils de la démocratie participative pour contribuer à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions prises par les institutions élues et les pouvoirs publics. De même que l’exercice du droit de pétition par les associations est de nature à élargir le champ des intervenants dans la conduite des affaires publiques.
- Admission de la participation citoyenne dans le régime de représentation
Le fait que le droit marocain emprunte le régime de démocratie participative n’exclut pas la place centrale de la représentation. Cette dernière demeure le fondement de la démocratie marocaine accordant ainsi aux représentants du peuple l’exercice réel du pouvoir au moyen de la délégation/élection. Le constat est valable pour l’institution législative comme pour le cas des Conseils élus des différentes collectivités territoriales.
Analysée sous l’angle de la traduction effective de la volonté populaire, l’idée de représentation motive l’organisation des élections pour la constitution des assemblées dirigeantes.
Le statut de citoyenneté permet d’exprimer ainsi la volonté populaire sous le registre de l’Etat de droit. Ce régime de représentation, favorisé d’une envie de plus grande participation citoyenne, n’exclut pas les possibilités pour des interventions directes et actives des citoyens durant le mandat électif afin d’exiger des élus de trancher par rapport aux problématiques qu’ils vivent au quotidien.
Notre régime constitutionnel tout en combinant les régimes de représentation et participation, cherche ainsi à mettre au centre de l’action publique la place centrale de la volonté populaire. Les régimes participatifs tendent alors à faire face à la confiscation du pouvoir par le représentant en permettant au représenté de contribuer activement à la prise des décisions.
L’intérêt d’une plus grande participation aux élections est certain. Les élections constituent pour le citoyen l’occasion de choisir librement et d’une manière responsable ses interlocuteurs de demain. C’est auprès d’eux qu’il peut revendiquer et exprimer ses attentes. C’est également auprès d’eux qu’il peut plaider et négocier.
- Des modalités participatives variées sollicitant directement les représentants des citoyens
Les rapports entre électeurs et élus changent certainement aujourd’hui. Les pouvoirs dont disposent les premiers sont plus importants sollicitant ainsi la capacité du citoyen « acteur politique » à agir pour revendiquer ses choix.
L’institution législative est concernée directement. Le futur Parlement aura ainsi à répondre aux motions en matière législative dont l’origine est le citoyen. Ce dernier dispose sous un tel régime de la possibilité de proposer des textes en matière législative conformément au régime qu’impose la loi. S’inspirant du même régime, des pétitions peuvent être déposées par les citoyens auprès des pouvoirs publics, Parlement et Gouvernement en l’occurrence.
La participation des citoyens à la gestion de leurs propres affaires peut se faire également au niveau des collectivités territoriales. Ces dernières constituent les structures les mieux adaptées pour une plus grande participation citoyenne eu égard à leur proximité territoriale et leur ancrage sociétal et culturel.
L’objectif que tracent à ces entités la Constitution (article 136), notamment la participation et la contribution au développement humain intégré et durable, implique une mobilisation citoyenne au moment du choix des représentants comme elle exige une action activement permanente à l’égard des élus régionaux et locaux pour une plus grande prise en compte de la volonté populaire.
Le droit de pétition, ainsi ouvert depuis quelques années, offre aux citoyens, et non plus aux seuls électeurs comme pour l’opération de représentation, la possibilité de revendiquer l’inscription à l’ordre du jour d’une collectivité territoriale donnée une question particulière qui relève de sa compétence.
Les devoirs de citoyenneté impliquent certainement sous un tel régime une plus grande responsabilité du citoyen, un engagement actif pour faire valoir ses revendications ainsi qu’une mobilisation autour de l’exigence de rendre des comptes de la part des institutions élues.
Par Tarik Zaïr,
Professeur à la Faculté de Droit de Kénitra