L’Alliance des Economistes Istiqlaliens (AEI) s’est penché récemment, à l’occasion d’un f’tour débat, sur comment relancer la croissance économique par l’habitat. En vue d’apporter leur pierre à l’édifice, enrichir le débat davantage sur cette thématique et surtout élaborer des recommandations, l’AEI s’est appuyée sur des rapports, travaux et débats d’institutions nationales comme le ministère de l’habitat, le Haut-Commissariat au Plan…
Le diagnostic élaboré par l’AEI aboutit à la conclusion suivante : le secteur de l’habitat présente aujourd’hui des signes d’essoufflement de plus en plus manifestes. Les Istiqlaliens ont ainsi rappelé que la conjoncture économique défavorable a mené depuis 2012 à une baisse du régime caractérisée par une perte de 70.000 emplois nets dans le secteur en 3 ans (2011-2014). Une baisse qui n’est pas sans incidence sur le taux d’emploi si l’on prend en considération que l’habitat est l’un des secteurs les plus pourvoyeurs d’emplois. On assiste par ailleurs à un recul du trend annuel des unités mises en chantier et, partant à celle des crédits accordés aux promoteurs immobiliers. Autres faiblesses mises en exergue par les économistes sont la baisse du financement bancaire des acquéreurs principalement ceux du logement social dans le cadre de Fogarim, le déséquilibre entre l’offre et la demande qui s’est traduit par la constitution de stocks de logements et une suroffre dans certaines régions (un parc d’un million de logements vacants).
Et pourtant et malgré les déficiences, le secteur regorge d’un fort potentiel avec un déficit en logements estimé à plus de 400.000 unités. Ajoutons à cela que près de 190.000 ménages additionnels expriment chaque année un besoin de logement.
Le soutien timide du gouvernement
L’AEI regrette les mesures gouvernementales timorées prises dans la conduite de certains projets phares pouvant contribuer à sortir le secteur de sa léthargie.
Ils corroborent leurs propos par plusieurs réalités trop criardes. Ils citent à cet effet l’essoufflement du modèle du logement social à 250.000 DH, le quasi abandon du modèle de logement à faible VIT, l’absence d’un produit dédié à la classe moyenne efficient malgré son adoption dans la LF 2013 et la convention signée entre ministère de l’habitat et la FNPI, les retards inquiétants des programmes de lutte contre l’habitat insalubre, l’absence d’agence ou d’organisme de régulation du foncier, l’absence d’un observatoire national de l’immobilier… Et la liste est loin d’être finie.
Tout l’enjeu aujourd’hui est de mettre à la disposition des ménages marocains un logement abordable et de qualité en adéquation avec leurs capacités financières individuelles et répondre aux attentes.
Les mesures préconisées par l’AEI
Pour répondre aux besoins des citoyens et permettre au secteur de l’habitat de redevenir un relais de croissance, l’AIE propose un certain nombre de recommandations :
En matière de logement social, il est proposé une approche régionale pour identifier les régions qui ont un besoin réel en logements sociaux et qui se doivent d’attirer les promoteurs immobiliers pour y investir. Il s’avère aussi important de limiter et cadrer au maximum le recours aux systèmes de dérogations pour les autres régions en fonction des besoins communément identifiés par la Wilaya, la région en concertation avec le ministère de l’habitat. Il est par ailleurs dicté d’exonérer totalement la TVA sur les intérêts bancaires liés aux crédits acquéreurs destinés à l’acquisition de logements sociaux à minima pour les crédits Fogarim et partiellement (50%) pour les crédits acquéreurs hors Fogarim.
En ce qui concerne la classe moyenne, l’AIE considère qu’il faut mobiliser du foncier public pour cette clientèle à proposer dans le cadre de partenariat public-privé à des investisseurs pour ce type de projet à des conditions préférentielles. Il est aussi important de rendre le plan d’Epargne Logement plus attractif.
Et pour relancer le secteur de l’habitat, l’AEI propose en matière de foncier :
- Création des agences foncières régionales qui seront chargées d’acquérir de nouvelles réserves foncières et de reconstituer ainsi le domaine privé de l’Etat en vue de participer à la régulation foncière ;
- Intégrer la planification territoriale stratégique de l’habitat dans les documents d’urbanisme en planifiant la densité maximale de la population des villes (au-delà d’un seuil, il faut créer une ville satellite nouvelle) ;
- Réadapter les statuts des bras armés de l’Etat dans le secteur (CGI et AL OMRANE) afin de leur permettre de jouer un rôle de régulateur en amont dans la maîtrise du foncier et ainsi de lutter contre la prolifération de la spéculation foncière.
Aussi, l’AIE a-t-elle proposé des mesures en faveur des opérateurs du secteur et ce pour la mise en place d’un écosystème favorable qui permettrait d’accroitre le nombre d’emplois créés, la valeur ajoutée du secteur au Maroc et à l’export, le renforcement de la compétitivité du secteur et la relance de la production de logement.
A la lumière des faits, celles des expériences concrètes accumulées dans bon nombre de pays, les réalités démontrent que l’habitat ne peut être considéré ni comme une activité passive ou résiduelle, ni pour autant une activité motrice, mais un comme un relais de développement, un catalyseur social, un milieu par lequel peut transiter et s’intensifier la croissance économique. Le débat reste ouvert.