Ecrit par L.B.
La crise sanitaire qui frappe le monde depuis un an a remis sur la table la question de la délocalisation notamment dans cette course à la relance économique dans laquelle tous les pays du monde se sont lancés. Elle a également mis à l’évidence le rôle des pays du Sud dans les chaînes de valeur mondiale. L’économiste Larbi Jaidi fait le point de la situation.
Conscients des opportunités à saisir dans les pays du Sud, les pays du Nord ont fait le choix de la délocalisation. Main d’œuvre, positionnement, avantages locaux…, autant d’atouts qu’offrent les pays du Sud pour attirer les investisseurs potentiels à la recherche de compétitivité.
La crise sanitaire qui frappe le monde depuis un an a remis sur la table la question de la délocalisation notamment dans cette course à la relance économique dans laquelle tous les pays du monde se sont lancés.
En effet, les conséquences économiques et financières sont tellement lourdes qu’il va falloir non seulement se retrousser les manches jusqu’à revoir certains modèles économiques.
Quelles chaînes de valeurs mondiales post pandémie ? Quels rôles les pays du Sud peuvent-ils jouer dans l’échiquier du commerce international ?
Des questions auxquelles Larbi Jaidi, Senior Fellow au Policy Center for the New South, Économiste et membre de la Commission spécial pour le nouveau modèle de développement, a apporté des réponses dans un podcast sur : « Le sud dans les chaînes de valeurs mondiales« .
« Dans un contexte de chaînes de valeurs mondiales, les pays ne constituent plus un cadre d’analyse pertinent. Il faut désormais prendre en considération les biens intermédiaires qui sont utilisés la mondialisation ayant modifié le mode de production des biens et services », a précisé l’économiste.
La fragmentation physique des chaînes de valeur due à la mondialisation remet en cause un certain nombre de principes acquis dans le commerce international notamment la question de la compétitivité, rappelle L.Jaidi.
La position des pays ou des secteurs dans ces chaînes de valeurs mondiales est définie sur la base d’analyse des indicateurs disponibles dans plusieurs bases de données mondiales créées pour mieux maîtriser ladite position.
« Ces bases de données permettent de sortir de l’approche classique de la balance commerciale (importation-exportation) pour mesurer le déficit, pour aller plus en profondeur afin d’identifier le rôle que jouent les consommations intermédiaires dans la valeur ajoutée d’un pays », poursuit-il.
La question qui se pose : la pandémie offre-t-elle des opportunités d’implication des pays du Sud dans les dynamiques de délocalisation initiées par les pays du Nord ?
Pour L. Raidi, la question fondamentale serait plutôt : comment les chaînes de valeurs mondiales ou l’insertion des pays du Sud dans ces chaînes et dans la fragmentation des processus de production à l’échelle mondiale offrent-elles un potentiel pour la diversification structurelle des pays ?
Une diversification ô combien importante notamment pour les pays du Sud afin qu’ils puissent remonter les chaînes de valeur en occupant des positionnements avec une valeur ajoutée de qualité supérieure et une valeur additionnelle des produits finaux, précise l’économiste.
« La question de la transformation structurelle est un des principes d’incitation de la modification des systèmes de production. Cette transformation vient justement de l’occupation de segments à haute valeur ajoutée dans la chaîne de valeur mondiale », rappelle-t-il.
Et d’ajouter « d’autant plus, cette diversification permet de dynamiser le marché d’emploi notamment l’emploi qualifié puisque cette création de haute valeur ajoutée nécessite des facteurs de production plus élaborés, de maîtrise technologique ainsi que de compétence d’emploi ».
Cette crise sanitaire peut en effet constituer une véritable opportunité pour les pays du Sud pour rattraper le retard technologique et se forger une place dans l’échiquier du commerce mondial.
« Au fur et à mesure qu’un pays améliore sa position dans la chaîne de valeur mondiale, il engendre une croissance additionnelle et transformatrice. Une croissance qui peut se diffuser à l’intérieur de l’économie », tient à souligner L.Jaidi.
Dans le contexte actuel, marqué par cette pandémie qui a chamboulé le monde, les pays du Sud cherchent à améliorer la montée en gamme de leur processus de production.
Pour y parvenir et afin de saisir les opportunités qui se présentent, les pays doivent remplir certaines conditions notamment adopter une vision de long terme de la politique industrielle, adapter la formation aux nouveaux besoins, avoir des entreprises compétitives, encourager l’entrepreneuriat et l’innovation…
Aussi, l’économiste attire-t-il l’attention sur la dimension régionale notamment la capacité des pays du Sud à développer des réseaux de relations avec les pays de proximité qui leur permettront d’avancer plus vite et de renforcer les chaînes de valeurs régionales.
« Aujourd’hui les pays du Sud ne peuvent être des acteurs de la compétition mondiale que s’ils coordonnent leur politique économique mais pas uniquement celles commerciales », précise-t-il.
Comme dit l’adage « l’union fait la force ». En effet, pour bénéficier des avantages d’une zone de liberté du commerce, il faut avoir la capacité de produire et une offre d’exportation importante.
Sauf que ces politiques industrielles coordonnées nécessitent une action en amant des Etats notamment la création de conditions environnementales de l’investissement et de la sécurité de l’investissement, la formation des ressources humaines ainsi qu’une convergence des objectifs autour d’un certain nombre de secteurs complémentaires et partagés entre un ensemble de pays.
L’économiste a rappelé dans ce podcast le choix du Maroc notamment celui de l’ouverture à l’international, la consolidation de son système productif, et la recherche de partenariat avec les pays africains dans ce qu’on appelle la coopération Sud-Sud.
« Maintenant, il s’agit pour le Maroc de créer les conditions pour, au delà des politiques industrielles et de l’attractivité de l’investissement étranger, que les entreprises marocaines puissent rentrer dans des rapprochements d’actions communes et de création d’unités communes avec des pays africains disposant d’industrie embryonnaire qui souhaitent la développer », estime L. Jaidi.
Cette phase post-Covid, qui n’est pas encore dessinée, doit constituer une nouvelle phase de la mondialisation qui requiert de la proximité pour réduire la chaîne d’approvisionnement conclut l’économiste.