Les normes IFRS sont entrées en vigueur en cascade au Maroc pour converger vers les standards internationaux de présentations des données comptables… Même pas le temps de souffler que l’IFRIC 23 débarque à son tour avec son lot de tracas.
Publiée en juin 2017 par la fondation IFRS et adoptée par la Commission européenne fin 2018, l’interprétation IFRIC 23 « incertitude relative aux traitements fiscaux » vient compléter l’IAS 12 « Impôts sur le résultat ». Cette dernière qui comporte les dispositions afférentes à la reconnaissance et à l’évaluation des passifs ou actifs impôts, courants ou différés, ne contient pas en effet de disposition particulière sur la façon dont les conséquences fiscales liées au caractère incertain de l’impôt doivent être prises en compte en comptabilité.
L’IFRIC 23 clarifie, en théorie, les principes à appliquer en matière de comptabilisation et d’évaluation des actifs et passifs fiscaux lorsqu’il existe une incertitude quant aux traitements fiscaux retenus en matière d’impôts sur le résultat.
Parce que dans la pratique, l’interprétation, obligatoire pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, pose le problème de l’appréciation qui peut différer entre la société contributrice et l’administration fiscale, comme l’explique Khalid Raji, Secrétaire général de l’Association Marocaine des Consolideurs Financiers (AMCF).
Interpellé sur cette question en marge de la table ronde sous le thème : « L’information financière à la lumière des dernières nouveautés réglementaires et normatives » organisée par l’AMCF et la Bourse de Casablanca, Khalid Raji souligne la complexité de l’exercice.
« Le point de départ de cette interprétation est qu’on sait très bien qu’on va vivre des situations de risques fiscaux, on voudrait les refléter dans les comptes », poursuit-il.
« Si les IFRS 15, 16 et 17, relèvent du rationnel et ont des impacts organisationnels, l’IFRIC 23 ne relève pas du chantier organisationnel mais plutôt de prises de position, c’est de la décision. Il ne s’agit pas de savoir si un risque va survenir ou pas, mais s’il y a un contrôle fiscal quelle est la probabilité que ce soit accepté ou contesté par l’administration. Aujourd’hui c’est une interprétation qui taraude les consolideurs financiers et les commissaires aux comptes », révèle Khalid Raji.
D’autant plus que cette anticipation peut s’avérer, par exemple pour les filiales africaines de certains groupes marocains, aléatoire étant donné que le comportement de l’administration fiscale est très variable d’un pays à l’autre.
Et il ne s’agit pas de prendre en compte le risque latent, puisque même si la société a récemment subi un redressement fiscal et qu’il existe de faibles chances à ce que ce risque soit détecté par l’administration fiscale, il faut qu’il soit pris en compte.
Ces incertitudes, une fois relevées doivent donner lieu, soit à l’ajustement des actifs et passifs d’impôts, ou à la dotation d’une provision, dans les comptes consolidés IFRS des groupes. On s’attend d’ailleurs à ce que l’IFRS Interpretations Committee tranche sur la présentation de ces impacts au bilan, qui seraient soit de corriger les dettes d’impôts, ou encore passer une provision pour risque et charge d’ici la fin d’année ou début 2020.
Il faut dire également que l’appréhension sur cette interprétation est générale puisqu’un sondage auprès de 67 émetteurs des indices CAC 40 et Euro Stoxx 50, a révélé qu’environ 60% des sociétés, dont principalement les émetteurs français, ont apporté une mention d’IFRIC 23 dans leurs comptes consolidés semestriels. Alors que seuls 13% de ces sociétés ont fourni un chiffrage d’impacts sur l’évaluation des actifs et passifs d’impôts selon IFRIC23.
Pour revenir au cas du Maroc, ce sont les sociétés opérant dans le secteur bancaire et immobilier qui ont essentiellement impacté leurs comptes semestriels par les retombées de la première application de cette interprétation.
D’ailleurs, Khalid Raji a annoncé que l’AMCF organisera, au premier trimestre 2020, un événement sur l’IFRIC 23 pour avoir justement le retour d’expérience d’ailleurs et pour le contextualiser par rapport au marché marocain.