La menace brandie par le secteur de la médecine libérale à la face du ministre de tutelle et des organismes gestionnaires, de ne plus prendre en charge les assurés AMO et le rétropédalage suite aux promesses du ministère d’accélérer la révision des prix de référence, interpelle à plus d’un titre.
D’abord, la relation entre les différentes parties prenantes est déjà cadrée par la convention nationale signée en janvier 2008 par les organismes gestionnaires et les médecins et établissements de soins du secteur libéral. Dans ce sens, il a été procédé à une augmentation de tarif de 7 actes de soins et en contrepartie de la signature d’une déclaration d’engagement pour le respect de l’application du tarif national de référence de cette convention.
Il s’agissait des tarifs forfaitaires des actes et prestations en matière de cancérologie, la revalorisation du tarif de la chirurgie de la cataracte, la revalorisation du tarif de la césarienne, la fixation du tarif de l’amygdalectomie, la revalorisation du tarif de la consultation de cardiologie et la fixation du tarif de l’électrocardiogramme.
Or, toutes les parties n’ont pas respecté le tarif national de référence puisque les tarifs de soins variaient d’une clinique à une autre et d’un praticien à un autre. Qui est responsable de cette anarchie ? Les organismes gestionnaires qui recevaient les dossiers des adhérents et qui se rendaient compte sur le moment du non respect de la déclaration d’engagement ? Le ministère de tutelle qui ne sévissait pas et ne contrôlait pas ? Ou encore le secteur libéral qui n’arrivait pas à mettre de l’ordre dans son corps au grand détriment des assurés obligés à payer l’écart entre les tarifs que leur opposaient les cliniques privés et les médecins du secteur libéral et ceux contenue dans la Convention nationale de janvier 2008 ?
Pis, comme le relève un haut cadre de la CNOPS, la revalorisation de la Césarienne de 6.000 à 8.000 DH en 2008 a eu comme effet l’explosion du recours à la césarienne de 35% en 2008 à 61% en 2017, quand l’Organisation mondiale de la santé préconise un seuil de 20%.
Donc, les assurés payent de leur santé et non pas seulement de leur poche, face à un phénomène que nul ne veut prendre en charge ni élucider !
Le secteur libéral ne s’arrête pas en si bon chemin, puisqu’il n’a suspendu sa décision de ne plus prendre en charge les assurés AMO que lorsque le ministère de tutelle a promis d’accélérer la révision à la hausse, des prix de référence.
Un prix que certains professionnels ne tarderaient pas à ne pas respecter face au manque de contrôle et de sanctions aussi bien du corps ordinal que du ministère de tutelle, étant donné que le nouveau référentiel sera également sanctionné d’une déclaration d’engagement que tous seront sensés respecter.
Le deuxième élément qui interpelle est qu’à l’instar de l’enseignement public, la santé publique a été des années durant saignée à blanc et c’est aujourd’hui les citoyens qui le sont dans le secteur privé de la santé, en raison d’une politique publique foireuse.
Le développement du secteur libéral ne devait en aucun cas se faire au détriment du secteur public qui constitue l’un des postes budgétaires les plus lourds au Maroc. Donc non seulement, il nous coûte cher mais en plus nous sommes obligés d’aller se soigner dans le privé faute de la qualité des infrastructures de soins et la pression sur les ressources humaines dans unités de soins publiques. Quid de la valorisation de l’élément humain dans ce secteur ? Et celle des moyens de soins ?
Mais détrompons-nous, avec toutes ses tares le secteur public profite pleinement au secteur libéral… D’où la décision de novembre 2012 d’interdire aux médecins du public d’exercer dans les cliniques privées, mettant fin à un laisser-aller flagrant. Trois ans plus tard, sous la pression, le même ministère autorisera les médecins du public d’exercer deux après-midi dans le privé ! Qui veille au moins au respect de cette disposition ?
Pendant ce temps, la santé publique, elle, continue de patauger. Il n’y a qu’à consulter le rapport de la Cour des Compte 2016-2017, publié en août dernier, pour se rendre de l’ampleur de désorganisation qui y règne… Offre de soins incomplète, des délais anormalement longs, dilapidation des deniers publics… Le rapport relève qu’au niveau du centre hospitalier préfectoral el Jadida, le montant correspondant aux médicaments périmés sur la période 2011-2015 a atteint 1.755.069,12 DH. Au niveau du centre hospitalier préfectoral de Meknès, les pertes en médicaments liés directement à l’état des locaux de la pharmacie, pour la période 2012-2015, ont été estimées à 1.341.700,00 DHS par les services de la pharmacie.
Au niveau du centre hospitalier préfectoral Temara-Skhirat, la Cour a noté une différence entre les prestations réalisées et celles facturées. A titre d’exemple, le nombre de consultations réalisées par le service des urgences, au cours de la période s’étalant du premier janvier 2009 au 15 décembre 2015, s’est élevé à 943.354, alors que les consultations facturées pour la même période se sont limitées à 21 consultations…
De même, au niveau du centre hospitalier régional de Marrakech, il a été relevé une différence entre les besoins réels et les besoins exprimés. Ainsi, pour l’année 2016, l’hôpital a exprimé un besoin de 16.638.800 DHS, et le ministère s’est engagé à fournir l’équivalent de 8.377.474,00 DHS, alors que la consommation annuelle de l’hôpital n’a pas dépassé 5.810.663,90 DHS.
Et la liste est loin d’être exhaustive. Qui en est responsable ? Mais qu’à cela ne tienne, continuons à tourner en rond !
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