Après le discours royal du 11 octobre 2019 où le Souverain appelle les banques à une implication positive et plus vigoureuse dans la dynamique de développement, le Parlement ouvre une mission d’enquête sur le secteur bancaire. Encore faut-il qu’elle ne connaisse pas le même sort que celle sur les hydrocarbures.
Les économistes et les analystes s’inquiètent depuis plusieurs années de l’inadéquation entre la croissance du secteur bancaire et la croissance économique. Au moment où les patrons de banques se targuent des prouesses réalisées en annonçant un taux de croissance annuel important, le PIB oscille dans une fourchette ne dépassant pas dans le meilleur des cas 4%. Ce décalage ne les empêche pas pour autant de se proclamer des leaders accompagnant le dynamisme économique. Mais pour l’heure cet accompagnement n’est que du délire !
Au cours des dernières années, on a assisté à une décélération du crédit bancaire et l’on s’interroge d’emblée si ce trend baissier est une réplique à l’essoufflement de la croissance ou si c’est l’essoufflement de la croissance qui a provoqué la baisse du crédit ? Histoire de l’œuf et de la poule.
De deux choses l’une, soit que le secteur contribue peu au financement de l’économie, soit que les crédits octroyés servent plus la consommation que l’investissement à forte valeur ajoutée.
Des banques à commissions
A l’occasion de la publication des résultats annuels et en scrutant les résultats financiers des banques, on remarque que les commissions dégagées en moyenne représentent 15% du Produit net bancaire. Certes ces commissions varient selon les établissements bancaires mais au demeurant elles montent annuellement dans leurs revenus. A telle enseigne que dans le milieu des affaires, nous parlons plus de banques à commissions qui ne prennent pas assez de risques.
Bref, aujourd’hui, tout plaide pour un changement de paradigme.
Nous pouvons citer en premier lieu, le discours du Souverain du 11 octobre 2019 qui était on ne peut plus clair. Dans son discours, le Roi exhorte le secteur bancaire national à un engagement plus ferme, à une implication positive, plus vigoureuse dans la dynamique de développement. Des voeux qui en disent long sur le model business des banques dans une économie en quête d’émergence comme la nôtre. Ils illustrent bien notre Maroc : nous avons un secteur bancaire de très haute qualité qui faut-il reconnaître a montré sa résilience à un certain nombre de crises, mais qui en interne ne joue pas le jeu et ne prend pas le risque qui est l’essence même de son métier. Pis encore, au lieu de partager sa richesse avec la communauté interne, le secteur bancaire national préfère une croissance externe en multipliant les implantations notamment en Afrique.
Cette situation n’est pas vue du même œil par les banquiers qui ne manquent pas d’arguties. « Le système bancaire tiré aujourd’hui par des règles prudentielles, réglementaires et d’éthique (contre le blanchiment, le terrorisme, la fraude fiscale…) se retrouve face à un secteur entrepreneurial à plusieurs vitesses (informel, plusieurs bilans, fraude fiscale…). D’où le décalage existant entre l’entreprise et la banque », explique un banquier. Donc pour remédier aux difficultés de financement, s’impose la nécessité de mise à niveau des entreprises pour se conformer aux règles qui sont imposées aujourd’hui plus que jamais aux banques.
Mais cela n’empêche pas de dire qu’il doit y avoir de la part l’Etat et particulièrement de la Caisse Centrale de Garantie un effort continu d’accompagnement des entreprises pour les mettre à niveau aux exigences du système bancaire.
Le Parlement veille au grain
Aujourd’hui, une mission d’information sur le secteur bancaire sera menée par la Commission des finances de la chambre des représentants. Les travaux vont démarrer incessamment. Des visites de terrain auprès du ministère des finances, de Bank Al-Maghrib, de la TGR, de la CDG, du GPBM, de la CCG, du FEC et les banques seront ainsi programmées. Il est temps de crever l’abcès parce qu’il est insensé que les banques affichent de bonnes réalisations non seulement dans un contexte économique très hostile mais surtout sans réel impact pour renverser la vapeur de la croissance.
Une chose est sûre : il est déterminant voire judicieux de mener une telle mission, mais il ne faut surtout pas qu’elle connaisse le même sort des autres pour ne citer que la plus récente en l’occurrence celle des hydrocarbures. Les résultats doivent être rendus publics et déboucher sur des prises de décisions audacieuses et un courage politique à l’image du discours royal et des exigences du nouveau modèle de développement.
A notre humble avis, ce genre de missions de contrôle ne doit pas avoir un caractère occasionnel mais s’inscrire dans la durée et dans la continuité. Il serait même judicieux de revoir les missions de contrôle du Parlement qui se limitent actuellement aux seuls établissements publics. Autrement dit, il serait souhaitable que les grands patrons des établissements bancaires soient questionnés dans l’enceinte parlementaire pour s’expliquer sur leurs pratiques et sur leurs modèles. Cela ne fera du mal à personne.