Ecrit par Soubha Es-Siari |
AprĂšs plus d’un an de crise chaotique, le secteur des assurances retrouve son niveau normal d’avant la pandĂ©mie. En revanche, cela ne doit pas occulter que le secteur, de par son rĂŽle dans le dĂ©veloppement Ă©conomique, fait face Ă de multiples dĂ©fis qu’il est appelĂ© impĂ©rativement Ă relever.
Le secteur des assurances au Maroc occupe le 2e rang en Afrique et sâimpose comme les plus dynamiques de la rĂ©gion comme en attestent certains indicateurs. Le taux de pĂ©nĂ©tration est passĂ© de 3,7% en 2017 Ă 4,5% en 2020. Ce taux reste assez Ă©levĂ© comparativement au taux de pĂ©nĂ©tration moyen de la rĂ©gion UEMOA qui se situe Ă 1,9%. Autre indicateur est la croissance Ă deux chiffres des primes Ă©mises entre 2017 et 2021 Ă prĂšs de 50 Mds de DH. Le secteur des assurances au Maroc reprĂ©sente 15,5% de la capitalisation boursiĂšre.
Avec une part de marchĂ© agrĂ©gĂ©e de 69% pour les 5 premiers assureurs, le niveau de concentration du secteur se composant de 15 compagnies d’assurance est assez moyen. Le chiffre dâaffaires global du secteur provient Ă hauteur de 53% de la branche non vie et le reste Ă©mane de la vie.
AprĂšs avoir prĂ©sentĂ© la monographie du secteur lors du Webinaire sous le thĂšme:  » Perspectives du secteur des assurances  » organisĂ© par la Bourse de Casablanca en collaboration avec l’APSB, Khadija El Moussyli de BMCE Capital annonce que la comparaison du taux de pĂ©nĂ©tration au Maroc comparativement Ă lâinternational montre que le Royaume est assez bien positionnĂ© avec un taux de 4,5%.
Concernant lâĂ©volution de lâactivitĂ© commerciale sur les trois derniĂšres annĂ©es, on note une bonne progression du secteur avec une Ă©volution des primes Ă©mises de 10% Ă 50 Mds de DH en 2021 (2020 Ă©tant marquĂ©e par une faible croissance Ă cause du Covid19 ). Lâassurance vie sâest amĂ©liorĂ©e de prĂšs de 13% Ă 23 Mds de DH, boostĂ©e essentiellement par lâĂ©pargne notamment la dynamique observĂ©e au niveau des contrats en unitĂ©s de compte.
La branche non vie affiche quant à elle une hausse de 8% portée essentiellement par la performance de la branche automobile.
Sâagissant du volet opĂ©rationnel, les prestations et frais des compagnies dâassurance augmentent de 11% Ă 43 Mds de DH. En termes de rentabilitĂ©, le RN progresse de 31,4% Ă 4,2 Mds de DH.
Ces indicateurs attestent d’une bonne performance du secteur mais encore faut-il que les opĂ©rateurs soient vigilants et ne perdent pas de vue certains Ă©cueils Ă Ă©viter.
Les principaux défis du secteur concernent 3 principaux points :
La mise en place du projet de solvabilitĂ© basĂ© sur les risques (SBR), la gĂ©nĂ©ralisation de lâAMO et le dĂ©marrage du Takaful.
Concernant le premier point Ă savoir la SBR, la mise en Ćuvre effective est prĂ©vue pour l’annĂ©e 2025. Câest une approche qui prend en considĂ©ration lâensemble des risques auxquels sont confrontĂ©s les opĂ©rateurs (risque de souscription, marchĂ©, de contrepartie, spread, concentrationâŠ) dans le calcul de la marge de solvabilitĂ©. Ce qui pourrait rĂ©duire les excĂ©dents de marges des assureurs marocains.
Ce projet se compose de 3 piliers. Le premier comprend des exigences quantitatives, le second concerne la gouvernance (contrĂŽle interne, auditâŠ) et le 3e porte sur les exigences en matiĂšre dâinformations pour une meilleure communication financiĂšre. « Bien que ce projet soit contraignant, les opĂ©rateurs disposent dâune marge de manĆuvre assez importante pour se conformer aux nouvelles rĂšgles et aux nouvelles exigences de cette transition « , rappelle K. El Moussyli.
Le deuxiĂšme dĂ©fi est relatif Ă lâAMO qui sâinscrit dans le cadre de la gĂ©nĂ©ralisation de la protection sociale au profit de 22 millions de personnes. Un chantier titanesque qui devrait se faire en plusieurs Ă©tapes.
La gĂ©nĂ©ralisation de lâAMO ne serait pas sans impact aussi bien sur l’aliment du secteur que sur le RN. Lâimpact sur le chiffre dâaffaires devrait ĂȘtre nĂ©gatif en raison de la migration dâune catĂ©gorie de clients vers le secteur public. Par contre lâimpact relatif au RN peut ĂȘtre positif dans le sens oĂč la gĂ©nĂ©ralisation de l’AMO devrait pousser les compagnies dâassurance Ă basculer vers des produits complĂ©mentaires qui sont beaucoup plus rentables que ceux basiques. Cela pourrait amĂ©liorer le rĂ©sultat technique et, donc la capacitĂ© bĂ©nĂ©ficiaire du secteur.
Pour ce qui est du Takaful dont le dĂ©marrage effectif a eu lieu cette annĂ©e avec lâoctroi dâagrĂ©ments Ă certaines compagnies dâassurance et au rĂ©assureur national, il n’est pas non plus exempt de contraintes.
Les offres Takaful accordĂ©es pour le moment concernent 3 produits uniquement : lâassurance dĂ©cĂšs, lâassurance multirisque habitation et lâĂ©pargne. Le modĂšle retenu par le Maroc pour ce type dâactivitĂ© est la Wakala oĂč l’assureur va crĂ©er un Fonds Takaful dotĂ© de la personnalitĂ© juridique et de l’autonomie financiĂšre.
En termes de perspectives, il existe des contraintes qui peuvent altĂ©rer le dĂ©veloppement du Takaful au Maroc  « Dans la Wakala, lâopĂ©rateur tire sa rĂ©munĂ©ration uniquement des commissions prĂ©levĂ©es Ă la source sur les contributions au Fonds. Ce qui peut rĂ©duire la rentabilitĂ© des opĂ©rateurs notamment dans le cas dâune cannibalisation entre lâassurance conventionnelle et lâassurance participative. La cannibalisation peut avoir lieu lorsque des produits plus diversifiĂ©s sont proposĂ©s par les assureurs » explique El Moussyli.
Autres dĂ©fis qui guettent le secteur des assurances et pas des moindres sont notamment les arriĂ©rĂ©s de primes des intermĂ©diaires qui sâĂ©lĂšvent Ă 3 Mds de DH et qui sont concentrĂ©es essentiellement sur la branche automobile. A noter que toutes les solutions mises en place pour apurer ce contentieux nâont pas abouti et cela sâest traduit par la constatation de provision importantes chez les compagnies dâassurance.
Autre problĂ©matique est le ralentissement de la branche auto qui devrait sâexpliquer par la dĂ©cĂ©lĂ©ration des ventes auto en raison de la pĂ©nurie des semi-conducteurs, de problĂšmes de chaĂźnes dâapprovisionnement et de problĂšmes de stocks.
Le dernier point est la provision pour risques tarifaires destinĂ©e Ă couvrir les pertes des risques de frĂ©quence tels que la maladie, les accidents de travail et lâautomobile. Elle est censĂ©e ĂȘtre constituĂ©e si la moyenne des ratios combinĂ©s des trois derniers exercices est supĂ©rieur Ă 100%. Son entrĂ©e en vigueur Ă©tait initialement prĂ©vue en 2020 mais elle a Ă©tĂ© reportĂ©e sine die. Le rĂ©gulateur Ă savoir l’ACAPS ne s’est toujours pas prononcĂ© sur le calendrier de son application.
« Lâimpact chiffrĂ© reste par ailleurs mĂ©connu Ă cause du non accĂšs au ratio combinĂ© par branche des compagnies », rappelle la reprĂ©sentante de BMCE Capital.