Ecrit par Imane Bouhrara |
Depuis le discours royal du 29 juillet 2020, une véritable feuille de route a été déployée en faveur d’une véritable réforme du secteur public à l’aune de tous les défis qui se posent à l’Etat et du rôle qu’il sera appel à jouer à la lumière du Nouveau modèle de développement. Aujourd’hui, dans cette lancée, se pose la question de la LOF, entrée en vigueur en 2015, et de l’impératif de sa réforme.
L’année 2023 s’annonce charnière pour le chantier de réforme du secteur public, de l’administration publique voire de l’Etat lui-même, à la lumière des recommandations du Nouveau modèle de développement, des expériences passées particulièrement la succession de crises qui ont plus que jamais suscité l’intervention de l’Etat et l’ont saigné au passage.
Dans le sillage de cette transformation, le volet réglementaire a bien progressé avec la loi portant création de l’Agence nationale des participations stratégiques de l’Etat et celle portant réforme globale des EEP.
Cette mue suit un schéma tracé, justement à la lumière du discours royal du 29 juillet 2020, dont quelques axes stratégiques ont été rappelés par le ministre du Budget Fouzi Lekjaâ, lors d’un atelier de haut niveau sur « le programme de performance du secteur public : ENNAJAA », organisé ce 26 janvier par le Ministère de l’Économie et des Finances et la Banque Mondiale à Rabat.
Et le principal axe de cette réforme de l’action publique est afférent au capital humain de sorte à faire du citoyen un véritable levier de développement du Maroc, en poursuivant la mise à niveau sociale et sociétale par des chantiers tel que la protection sociale, la réforme du système de la santé celui des aides, ou encore le système de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la formation…
L’autre axe stratégique repose sur les projets structurants notamment face aux urgences climatiques, particulièrement la question de l’eau.
Fouzi Lekjaâ s’est attardé sur le troisième axe qui concerne les réformes structurelles dédiées au secteur public, d’un côté les EEP en termes de gestion du portefeuille de l’Etat ou encore de consolidation des comptes et d’un autre, l’Etat tout court.
Ainsi, la logique budgétaire est au cœur des débats et appelle à une réforme restructurante de la Loi organique n°130-30 relative à la Loi de Finances (LOF) « qu’on est appelé à évaluer » explique F. Lekjaâ, « C’est un chantier ouvert aujourd’hui ».
Maintenant il faudrait l’adopter au contexte actuel, notamment l’introduction de la programmation budgétaire triennale et l’institutionnaliser dans la LOF.
Il faut rappeler que cette « Constitution » financière avait mobilisé l’opinion publique il y a dix ans et c’était un parcours du combattant que de la faire adopter.
La LOF qui est entrée en vigueur en juin 2015 poursuit trois objectifs prioritaires portant sur la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires et l’amélioration de la gouvernance tout en veillant au rétablissement des équilibres macroéconomiques et financiers, l’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale et la réduction des disparités sociales et sectorielles.
Quelques pistes d’amendements de la LOF liés à la performance
L’atelier de ce 26 janvier a été l’occasion pour M. Bennani, du ministère de l’Economie et des Finances, justement de faire le bilan de mise en œuvre de la LOF qui montre une véritable disparité dans l’atteinte des cibles par ministères.
Ainsi le niveau d’attente des cibles annuelles varie entre 13% et 100 % avec une moyenne de 43% et plusieurs départements ont attribué les faibles taux de réalisation des indicateurs aux répercussions de la Covid-19.
Quelques pistes d’amendement de la LOF sont d’ores-et-déjà identifiées notamment l’intégration des établissements publics bénéficiant de ressources affectées ou de subventions de l’Etat dans le champ de la LOF.
L’autre question qui se pose avec acuité dans cet élan de réforme, de meilleure gestion budgétaire, d’une meilleure maîtrise du cadre macroéconomique ou encore de mesure de performances, est celle des délais très longs de publication de la loi de règlement ce qui la vide de son sens et de toute pertinence. L’idéal est que la LOF introduise un délai de dépôt qui soit le plus proche de l’exercice concerné.
Aussi, l’un des amendements à apporter à la LOF est celui de la présentation, aux commissions parlementaires concernées, des rapports de performances se rapportant à l’exercice précédent en accompagnement des projets de budget des départements concernés.
Par ailleurs, la réforme de la LOF doit renforcer la trajectoire budgétaire à travers l’identification des règles budgétaires.
Selon M. Bennani, la réforme doit consacrer la dématérialisation du processus de dépôts des projets de LF et des documents présentés au Parlement ainsi que l’ensemble des échanges institutionnels y afférents.
La réforme de la LOF n’a pas échappé à la Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement dans ce sens où son rapport final comporte au moins trois pistes de réformes, particulièrement en privilégiant la logique de performance en lieu et place de a logique de moyens, pour justement exploiter pleinement la LOF pour instaurer une gestion axée sur les résultats.
Il est également préconisé de renforcer la planification pluriannuelle des finances publiques en cohérence avec les objectifs du NMD, ou encore, de mettre en place un mécanisme périodique de revue générale des dépenses publiques.
450 Millions de dollars pour Ennajaa
Appelé sur tous les fronts, l’Etat revoit ses cartes. Ce qui appelle à un meilleur contrôle des dépenses tout en poursuivant l’objectif de performance.
Et c’est un peu dans ce sens que s’inscrit le programme Ennajaa (Program-for-Results (PforR)), doté de 450 Millions de dollars.
Jesko Hentschel, Directeur du Département du Maghreb et Malte, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Banque Mondiale, a donc décliné les trois axes stratégiques d’intervention de ce programme, notamment poursuivre et approfondir la réforme budgétaire, traduire les recommandations des Assises sur la fiscalité de 2019 en réformes tangibles, et accélérer la numérisation de l’administration publique.
Le PforR comprend trois domaines de résultats (RA) :
- RA1 : améliorer l’efficacité des dépenses publiques ;
- AR2 : amélioration de la gestion des recettes publiques ;
- Et RA3 : améliorer les bases de la transformation numérique grâce à l’interopérabilité et aux données ouvertes…. Et ce, jusqu’au 31 décembre 2025.
Le représentant de la BM à insisté sur l’importance de ce programme, dans un contexte « où l’administration publique est l’illustration de la bonne dynamique du Royaume en même temps qu’elle doit en être le moteur ».
Il a également rappelé que « Ce programme est en train de soutenir des mesures clés pour aider à maximiser l’impact de la stratégie du gouvernement et à moderniser le modèle de prestations de l’administration publique ».
Les sessions thématiques de cet atelier, animées par des hauts représentants du Ministère de l’Économie et des Finances, du Ministère de l’Intérieur et du Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration, ont porté sur les trois piliers du programme ENNAJAA, à savoir : l’amélioration de l’efficience des dépenses publiques; l’amélioration de la performance de l’administration fiscale; et le renforcement des prérequis de la transformation numérique par l’interopérabilité et le partage des données.
Ces sessions se sont caractérisées par des discussions et des échanges en plénière et en sessions thématiques, sur les différentes démarches permettant l’amélioration de la performance et de la transparence de l’Administration marocaine et de la prestation des services publics.
Cet événement s’inscrit dans la série d’évènements de préparation des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire international qui se tiendront en octobre 2023 à Marrakech.