Ecrit par S. E. |
Des éléments consistants à prendre en considération non pas pour admettre un scénario de stagflation au Maroc mais plus fondamentalement pour rappeler une fois de plus l’urgence des programmes de restructuration permettant de faire face aux vulnérabilités de l’économie nationale et la replacer sur des sentiers de croissance plus soutenus et moins dépendants.
Le Royaume du Maroc ne traverse pas une période de stagflation, « au contraire, nous sommes dans une phase de pression inflationniste qui se confirme », avait souligné A. Jouahri lors d’un point de presse tenu à l’issue de la première réunion du Conseil de BAM de l’année 2022.
Cela dit, une situation de stagflation décrivant une situation économique dans laquelle se conjuguent le ralentissement de la croissance et la hausse des prix mérite-elle aujourd’hui d’être posée dans notre pays ?
Plus d’un mois après, cette déclaration du gouverneur de BAM est-elle encore avérée dans un contexte où les pronostics de la croissance du PIB sont révisés successivement à la baisse et ceux de l’inflation à la hausse par les différentes institutions ? Des interrogations légitimes si l’on se base sur les analyses de ceux qui considèrent que l’inflation est bien partie pour durer.
Les dernières estimations s’attendent à une baisse de moitié, voire des deux tiers du taux de croissance prévu en début d’exercice avec une inflation pouvant frôler les 5% voire plus. Ajoutons à cela que le plan anti-sécheresse annoncé ultérieurement par les pouvoirs publics pour contrer les effets du déficit pluviométrique apparaît dans cette conjoncture fort contraignante insuffisant pour redynamiser une croissance au ralenti.
Les premiers pronostics élaborés par les conjoncturistes sur la base des données actuelles retiennent déjà une baisse de la valeur ajoutée agricole pouvant dépasser 20 % par rapport au record de production de l’exercice précédent. D’après leurs estimations, le secteur agricole pourrait être responsable à lui seul et compte tenu de son poids dans la structure productive globale, d’un recul de 3 points de croissance du PIB consolidé.
Ce déficit ne pourrait être compensé ceteris paribus par les autres secteurs qui subissent les rafales des vents contraires qui soufflent (essoufflement de la demande, flambée des prix des matières premières, perturbation des chaînes mondiales…).
« La soudaineté de la flambée des prix et son caractère assez général affectant à la fois les matières premières, les produits alimentaires et l’énergie témoigne d’une plus grande exposition aux risques de nature à affaiblir considérablement les politiques poursuivies de soutien à l’activité », alertent les analystes du CMC qui émettent l’hypothèse d’un éventuel retour du cycle de stagflation.
Le climat d’incertitude qui plane sur l’économie mondiale avec la montée des risques dans un contexte fortement inflationniste devrait se répercuter de façon presque mécanique à travers les flux des échanges sur la situation au Maroc.
Le gouverneur de la Banque Centrale est appelé à plus de vigilance étant donné que les signaux précurseurs émanant des marchés donnent déjà une première indication sur les tendances à venir.
La hausse la plus spectaculaire relevée jusqu’à présent est celle concernant les prix des produits pétroliers qui ont atteint des niveaux jamais égalés depuis la levée de la compensation et qui finiront par se répercuter pratiquement sur tous les secteurs.
Partant des nouvelles perspectives de la conjoncture au plan international et tenant compte des contraintes pesant sur les ressorts internes de l’activité, notamment au niveau du secteur agricole, le cycle de croissance pour l’économie nationale devrait connaître une forte contraction comparativement à l’exercice précédent. Aussi, le spectre de l’inflation ne pourrait-il se dissiper d’ici peu tant que le conflit ukrainien ne tire pas à sa fin.
Des éléments consistants à prendre en considération non pas pour admettre le scénario de stagflation mais plus fondamentalement pour rappeler une fois de plus l’urgence des programmes de restructuration permettant de faire face aux vulnérabilités de l’économie nationale et la replacer sur des sentiers de croissance plus soutenus et moins dépendants des aléas climatiques.
Compte tenu de ce lot d’incertitudes qui entoure les développements géopolitiques liés à la situation en Ukraine et leurs implications éventuelles aux niveaux international et national, A. Jouahri a souligné que la Banque centrale continuera d’assurer un suivi étroit de l’évolution de la conjoncture économique et financière et procédera à une actualisation régulière de ses prévisions et de ses analyses.
Mais est-ce suffisant ? Le maintien du taux directeur à 1,5%, motivé par le retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023, est-il souhaitable ? Les pouvoirs publics disposent-ils d’une marge de manœuvre pour inverser progressivement la tendance ? C’est très hasardeux de trouver des éléments de réponse mais il faut reconnaître que l’heure du changement de paradigme a effectivement sonné.
Lire également : [Entretien] Le scénario d’une récession économique au Maroc n’est pas exclu (Ludovic Subran-Allianz SE)