Les terres apparentant aux collectivités ethniques (soulaliyates) qui s’étendent sur une superficie de près de 15 millions d’hectares voient le cadre réglementaire les régissant renforcé pour permettre le dénouement d’un problème qui a assez duré. D’autant que ces terres profitent à 10 millions de personnes, réparties sur 4.563 collectivités représentées par 8.500 représentants.
En effet, la Chambre des représentants a adopté, mardi à l’unanimité lors d’une séance plénière, trois projets de lois relatifs à ces terres.
Le premier projet de loi N°62.17 est relatif à la tutelle administrative sur les terres des collectivités ethniques (soulaliyates) et la gestion de leurs biens et reformule le dahir du 27 avril 1919 concernant l’organisation de la tutelle administrative des collectivités ethniques et la gestion de leurs biens, ainsi que son actualisation.
Ce texte porte notamment sur l’actualisation et l’unification des concepts et de la terminologie relatifs aux collectivités ethniques et leurs biens, la limitation du recours aux us et aux traditions dans la gestion et l’exploitation des biens de ces collectivités en conformité avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur et la consécration de l’égalité entre les femmes et les hommes, membres de ces collectivités, dans les droits et devoirs, conformément aux dispositions de la Constitution.
Il définit également les modalités d’élection des représentants des collectivités ethniques, leurs engagements et ceux des membres de la collectivité, ainsi que les sanctions en cas de non-respect de ces engagements. Le texte vise également à réorganiser la tutelle sur les collectivités ethniques, à travers la mise en place de conseils de tutelle au niveau provincial, aux côtés du Conseil de tutelle central, à définir les attributions de ces conseils et à ouvrir la possibilité de céder la propriété des terres des collectivités ethniques destinées à l’agriculture au profit de leurs membres afin de les encourager à y résider et investir.
Il vise aussi à ouvrir la possibilité de céder ces terres aux acteurs privés ou publics pour la réalisation de projets d’investissement permettant à ces terres de contribuer au développement économique et social du pays.
Le deuxième projet de loi (63.17) voté à l’unanimité est relatif à la délimitation administrative des terres des collectivités ethniques tend à reformuler et actualiser le Dahir du 18 février 1924 sur la délimitation administrative des biens de ces communautés.
Il s’agit de simplifier la procédure en centrant la déclaration sur le décret relatif à la fixation de la date de l’ouverture des opérations de délimitation, réduire le délai de présentation des oppositions contre la procédure de délimitation administrative qui devrait être ramenée de 6 à 3 mois, à l’instar de celle stipulée dans l’article 5 du Dahir datant du 03 janvier 1916 relatif à la délimitation des domaines de l’État.
En outre, le projet définit notamment les règles régissant les procédures à prendre par le conservateur de la propriété foncière concernant les réclamations au sujet de la délimitation administrative, ainsi que leur renvoi devant la justice et la segmentation de la procédure si les réclamations ne concernent qu’une partie du foncier objet de la délimitation.
Le troisième projet de loi n° 64.17 modifiant le Dahir n° 1-69-30 du 25 juillet 1969 relatif aux terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation, exclut les terres couvertes par les documents d’urbanisme de l’application des dispositions dudit dahir, ces terres ayant perdu leur caractère agricole, de sorte qu’elles puissent être affectées à des utilisations s’adaptant à leur nature. Il porte aussi sur la procédure de notification des ayants droit après la délimitation des terres par les élus de la collectivité ethnique.
Lors de cette séance plénière au Parlement, le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur Noureddine Boutayeb, a assuré que ces textes permettront de faire aboutir cette réforme tant attendue et qui est le fruit de plusieurs acquis et développements durant les dernières années.
Il rappelle par ailleurs que cette réforme trouve ses fondements dans plusieurs référentiels, dont la Constitution de 2011 qui a constitué une nouvelle étape dans la mise en place des fondements de l’État de droit et la consécration de l’égalité des citoyens hommes et femmes dans les droits et les obligations, ainsi que dans les recommandations du dialogue national sur les terres des collectivités ethniques, organisé en 2014 sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI, et le message royal adressé aux participants aux Assises nationales sur la politique foncière de l’État, tenues en décembre 2015 à Skhirate.
Le Roi reviendra à la charge sur ce sujet dans son discours prononcé devant les membres des deux Chambres du Parlement le 12 octobre 2018 et dans lequel le Souverain appelle à mobiliser un million d’hectares supplémentaires de terres appartenant aux collectivités ethniques pour la réalisation de projets d’investissement agricole constitue un levier fort pour améliorer globalement le niveau de vie socio-économique, et plus particulièrement celui des ayants droits.
Pour le ministre, cette réforme répond à l’impératif d’instituer les dispositifs juridiques et administratifs adéquats pour étendre le champ d’application du processus d’appropriation à certaines terres bour (non irriguées), et ce, dans l’intérêt bien compris des ayants droit, à l’instar de ce qui a été fait en matière d’appropriation des terres collectives situées dans les périmètres irrigués.
Il est attendu que cette réforme permette d’améliorer les conditions des ayants droit tout en les encourageant à investir dans leurs terres, ainsi que de drainer des investissements dans le monde rural et plus particulièrement dans le secteur agricole, ce qui contribuera à développer la production et à créer des opportunités d’emploi, tout en associant la population rurale au processus de développement.
Selon le ministre, cette réforme aura un impact positif sur le chantier d’apurement de la situation juridique des terres collectives, à travers l’accélération de la conservation foncière, et contribuera aussi à la réussite du chantier relatif à l’appropriation des terres collectives situées dans les périmètres irrigués, conformément aux Hautes instructions royales.