Ecrit par Imane Bouhrara |
Une crise au sein de la crise, c’est le moins que l’on puisse dire pour le secteur du tourisme national. Si l’afflux rencontré après la réouverture des frontières en juin dernier, maintient l’espoir d’une possible relance rapide si l’épisode omicron est clos, un segment semble désormais sur le fil du rasoir : le MICE ou le tourisme d’affaires et de congrès.
2022 risque d’être une année blanche pour le secteur du tourisme national particulièrement celui des affaires et des congrès, le MICE, dont les activités s’organisent avec les TO internationaux entre trois mois à 1 an, selon l’envergure de l’événement, le nombre des participants et les pays de provenance.
Les mesures dictées subitement et la prolongation de la fermeture du ciel marocain ont provoqué un mouvement d’annulation sans précédent sur la destination Maroc et les TO vont se rediriger vers des destinations concurrentes du Maroc qui, Omicron ou pas, gardent leurs frontières ouvertes malgré les risques sanitaires que fait encore planer le Covid-19.
« Indépendamment de la crise sanitaire, le pire ennemi du secteur aujourd’hui est cette incertitude ou absence totale de visibilité quant à l’ouverture des frontières, combien resteront-elles ouvertes et quel risque de les refermer si un nouveau variant faisait son apparition. Cet état de fait est un véritable coup de massue pour le secteur du tourisme, mais il l’est encore plus pour le tourisme de congrès qui s’organise sur plusieurs mois selon la taille et l’envergure de l’événement », explique un opérateur touristique casablancais contacté par nos soins et ayant requis l’anonymat.
Il confirme l’avis partagé par plusieurs opérateurs quant à la vague d’annulation des principaux congrès qui étaient programmées en 2022, un effet ressenti particulièrement sur les villes d’Agadir, Marrakech, Casablanca et Tanger.
« Il faut souligner que généralement, l’activité touristique a été largement et longuement impactée par le Covid-19 au niveau mondial. Mais, elle l’a été encore plus pour le Maroc avec la suspension des liaisons aériennes et maritimes, particulièrement lorsqu’il s’agit des touristes étrangers ou des évènements avec des TO étrangers, et elle le sera encore plus avec la prolongation de la fermeture du ciel marocain. Dans ce secteur très concurrentiel, et pendant que le secteur national s’enfonce dans le marasme, d’autres destinations concurrentes restent ouvertes et captent une grande partie du trafic destiné au Maroc, je pense particulièrement à la Tunisie, l’Egypte, la Turquie ou les Emirats Arabes Unis. Mais le pire à mon sens est de voir tous les efforts consentis par la tutelle, l’ONMT et les opérateurs pour construire l’image Maroc en tant que destination du MICE et l’inscrire dans l’agenda des grands TO dans le monde sont en train de s’effriter. Ceci laisse planer le doute sur un retour à la normale en 2022 voire 2023 », regrette cet hôtelier de la capitale.
Même si le MICE qui était l’un des objectifs majeurs de la Vision 2020 ne pèse que 4,5 à 5 % des arrivées touristiques et 15 % des nuitées (selon les données de 2016), il est d’une grande importance particulièrement pour les destinations comme Casablanca ou Tanger vu le niveau de développement économique qui en fait des plaques tournantes de l’arrivées de cette catégorie de clients.
Pour le MICE maroco-marocain, guère mieux selon cet opérateur en raison du changement des jauges et des restrictions au grès de l’évolution de la situation sanitaire, ce qui compromet l’achat national en congrès comme roue de secours en attendant des jours meilleurs. Ces small-meetings ne réduisent en rien l’impact de la crise sur ce segment.
« L’activité du MICE est étroitement liée à la bonne santé des entreprises et force est de constater qu’après 22 mois de crise sanitaire, l’activité a drastiquement baissé en 2020 et nous avons pu souffler un peu après juin 2021 mais l’évolution reste néanmoins mitigée. La fréquence des événements, leur envergure (nombre de participants) et la durée ont été réduits et n’aident pas à revenir au niveau avant crise ni limiter les pertes colossales que nous avons subi », explique notre source.
Il souligne par ailleurs, qu’à la fin de la crise sanitaire, d’autres comportements comme l’organisation des conférences en distanciel ou les salons virtuels constitueront de véritables défis pour les opérateurs du MICE qui devront se réinventer et faire preuve de beaucoup de flexibilité pour capter un flux du trafic mondial, que national.
« Un travail de diagnostic et d’étude est nécessaire pour mesurer l’impact du Covid-19 sur le secteur et sur les chances d’une relance pérenne aussi bien auprès des nationaux que des internationaux, mais plus globalement, la Vision 2020 n’ayant pas atteint ses objectifs, la tutelle gagne à plancher sur une feuille de route stratégique pour mettre le secteur sur les rails du développement et de la croissance », conclut-on.
En effet, la pandémie a bousculé ce qui jadis étaient des certitudes et doit pousser les opérateurs à réfléchir à des modèles économiques viables et résilients à la résurgence de tout choc de la nature du Covid-19. Une chose est sûre l’offre marocaine devra se réinventer.