Le plafonnement du montant des charges déductibles dont le règlement peut être effectué en espèce à hauteur de 10.000 DH par jour et par fournisseur sans dépasser 100.000 DH par mois serait supprimé dans le PLF 2019.
Cette mesure avait fait l’objet d’une disposition dans le cadre de la loi de Finances 2016 avec pour principal leitmotiv vaincre l’informel et les transactions illicites.
Aujourd’hui, dans le cadre du PLF 2019, les charges dont le règlement ne serait pas justifié par chèque barré non endossable, effet de commerce, moyen magnétique de paiement, virement bancaire, procédé électronique ou par compensation ne seraient pas déductibles.
Dans un contexte où la traçabilité revêt une grande importance, une telle disposition est certes importante mais elle risque d’être sans valeur ajoutée.
La question qui se pose d’emblée : quelle sera la portée de cette disposition si l’on prend en considération que le taux de bancarisation au Maroc, selon un cabinet d’études, est de 37% loin de 56% dévoilé par Bank Al Maghrib dans le dernier rapport de la supervision financière. Un taux qui varie selon les caractéristiques de chaque individu et selon les régions.
Supprimer le plafond de 10.000 DH, pour dissuader les opérateurs à payer en espèce, ne pourrait être d’une valeur ajoutée que si la mesure y afférente intervient dans un contexte propice où toutes les conditions d’une inclusion financière sont réunies. Or, nous savons très bien que le Maroc en matière d’inclusion financière a encore du chemin à parcourir. A noter que dans le cadre de l’initiative accès universel aux services financiers, le groupe de la Banque mondiale s’est engagé à ce qu’un milliard de personnes aient accès à un compte d’opérations à l’horizon 2020. Le Maroc est l’un des vingt-cinq pays prioritaires dans le cadre de cette initiative.
Et la monétique ?
Depuis plusieurs années, le CMI a réorienté sa stratégie en mettant l’accent sur les commerces de proximité afin de favoriser le paiement par carte bancaire. Mais, il se heurte encore à des contraintes essentiellement dans les secteurs où prédomine l’informel et le « noir ». Dans ces secteurs, les prospects refusent de s’équiper en terminaux de paiement (TPE), justement pour éviter toute traçabilité et la déclaration de la totalité du chiffre d’affaires pour des raisons fiscales. L’argument souvent avancé par les commerçants est le taux de commissions élevé qui les dissuade à s’équiper en TPE.
Sous d’autres cieux, pour limiter le paiement cash et pour une meilleure traçabilité de l’argent, l’usage des TPE est une obligation. Mieux encore, l’obligation pour tout commerce de détail de s’équiper en terminaux de paiement est un préalable à l’autorisation d’exercer.
Certains pays ont même lancé la télédéclaration des transactions électroniques directement depuis le terminal de paiement à l’Administration fiscale, favorisant ainsi la transparence et la traçabilité des encaissements effectués par les petits commerces.
Une chose est sûre : dans un contexte empreint d’incertitudes où l’argent coule au profit même d’actes illicites et dangereux, le Maroc est appelé à faire preuve d’audace et de s’aligner aux standards internationaux. Faute d’initiatives courageuses et incitatives de la part des autorités, instaurer des dispositions fiscales ne servirait absolument à rien.