Le mardi 11 janvier 1944 restera un grand jour pour tous les Marocains, ce jour symbolise la grandeur d’un peuple face au régime colonialiste. Tout le monde sait que le 11 janvier est un jour férié, mais combien de personnes savent ce qui s’est passé en 1944 ?
C’est un anniversaire qui me fait toujours penser à feu Mohamed Ben Abderrahmane Saâdani « MBS », le plus jeune signataire du manifeste de l’indépendance. Je partage le témoignage de sa sœur hajja Zineb Saâdani (que Dieu la protège et la sauvegarde), épouse de feu Moulay Driss Loukili.
Elle se souvient de ce jour comme si c’était hier : ce mardi où des nationalistes sont venus déjeuner au domicile de feu Abderrahmane Saâdani (père de feu MBS). Elle se souvient même du tajine préparé ce jour-là en présence des nationalistes Omar Ben Abdeljalil, M’hamed Zghari, et Abderrahmane Lahrichi. Après le déjeuner, tout le monde s’est rendu au domicile de feu Hadj Ahmed MEKOUAR pour une réunion avec d’autres nationalistes.
Une fois sur place, le manifeste a été rédigé puis signé par 65 hommes et une femme, sachant que d’autres personnes ont participé à cette action sans que leur nom soit mentionné dans la liste, comme Hadj M’hammed BENANI qui avait la lourde tâche de porter chaque fois sur son dos, tout le matériel nécessaire à la rédaction, l’impression et la distribution des publications, et les cousins du MBS : M’hammed LARAKI et son défunt frère Abderrahmane LARAKI.
Après la diffusion du manifeste, la force coloniale a procédé à des arrestations immédiates et violentes. Hajja Zineb se souvient de ce jour où elle est montée sur le toit et a vu un bataillon de soldats sénégalais encercler la maison. Elle a compris que son frère ne va pas rentrer à la maison.
Pendant ce temps, il était à la mosquée avec la foule pour donner des éclaircissements sur le contenu de ce manifeste afin de mieux préparer la foule à mieux résister à la riposte du régime colonialiste. Elle se souvient fièrement, les larmes aux yeux, des slogans répétés par la foule à l’encontre de son frère malgré son jeune âge.
MBS a été emprisonné avec Abderrahmane Lahrichi et d’autres militants, puis transféré à la prison de Meknès où il a été torturé pendant 14 mois. Hajja Zineb se souvient que toute la famille faisait des allers-retours entre Fès et Meknès pour lui rendre visite en prison. E
lle insiste dans son témoignage sur le comportement conciliant des gardiens de prison, qui étaient très aimables avec les prisonniers politiques et leurs familles. La famille, dont le père était décédé et dont le fils unique était prisonnier, s’est ensuite installée à Imouzzer Kandar, dans une maison offerte par un ami de la famille. Elle rappelle la solidarité exceptionnelle qui existait, notamment envers les familles des détenus.
Le manifeste du mardi 11 janvier 1944, présenté au sultan Mohamed V, formalise la position des nationalistes à l’encontre des agissements du régime colonialiste. L’indignation générée, combinée à l’admiration pour les signataires du Manifeste, allaient être les déclencheurs d’une prodigieuse révolte populaire qui a conduit 12 ans plus tard à la fin du protectorat et à l’indépendance du Maroc.
J’ai eu la chance d’apprendre beaucoup de feu MBS, qui était pour moi un grand philosophe, un militant de la dignité et un exemple de la loyauté. Il disait toujours « Aimer c’est militer pour donner, par contre, manier pour collecter n’est pas de l’amour mais de l’opportunisme ».
Feu Mohamed Ben Abderrahmane Saâdani
Après sa mort, je n’oublierai pas cet article de son ami, le regretté Mehdi Elmandjra, intitulé « La sincérité est en deuil : Saâdani n’est plus » dans lequel il disait : « La sincérité est en pleurs aujourd’hui, la probité en deuil, la modestie en peine, le militantisme en désolation, le monde du savoir en berne et une flamme de pureté s’est éteinte. Un homme propre et entier, dont le parcours ainsi que les finalités de sa vie pourraient se résumer en un mot : la dignité, nous a quittés. Ssi Mohamed Ben Abderrahmane Saâdani, le militant, le plus jeune des 66 signataires du manifeste de l’Indépendance de 1944 n’est plus ».
Aujourd’hui, trois quarts de siècle plus tard, je continue à témoigner mon admiration et mes respects à ce peuple exemplaire par son amour de la patrie et sa volonté de servir le pays.
Ce peuple qui, malgré le manque de technologie et de logistique, a su mettre en place une politique de coordination entre le nord et le sud, l’est et l’ouest. Ce peuple qui avait toujours des volontaires pour faire de longs et pénibles voyages afin de maintenir le contact entre les régions et la confiance entre les leaders.
Un peuple qui n’avait qu’une seule devise « Dieu, Patrie, Roi ». Dieu qui les épargne de la peur par la foi; la Patrie qui les pousse à servir sans poser de questions ni exiger de compensation ; et le Roi qui les motive à amplifier cette volonté de croire à leur mouvement et d’établir la confiance entre les régions.
Actuellement, les fils et petits-fils de ce peuple merveilleux ont-ils le même sens du patriotisme et du civisme que leurs prédécesseurs ? Pensent-ils aussi à servir ou sont-ils plutôt préoccupés à se servir?
Je profite de ce jour pour prier le Seigneur d’avoir dans sa sainte miséricorde tous nos parents et grands-parents qui ont tant sacrifié pour faire du Maroc un pays libre. Je prie également le Seigneur de nous bénir et de nous guider pour mieux profiter de cette liberté en évitant les ténèbres causées par l’égoïsme, l’opportunisme et l’indifférence envers les personnes diminues.
Vive le Maroc !
Par Dr. Ahmed Loukili
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Merci à ecoactu et bonne continuation