Première ressource des villes et territoires, le capital humain, de surcroit constitué essentiellement de jeunes, est un moteur à fort impact sur la productivité économique. Toutefois, permettre aux jeunes d’intégrer les écosystèmes productifs suppose une nouvelle génération de plateformes et d’ingénierie de formation professionnelle.
Le lancement par sa Majesté le Roi du chantier de la création des cités des métiers et des compétences est de nature à faire du secteur de la formation professionnelle un levier de la croissance économique, mais surtout, à donner aux régions une vocation et des compétences à même de soutenir l’économie régionale.
De quoi est-il porteur ce concept de ‘’cités des métiers et compétences’’ à créer dans les 12 régions à l’horizon 2021 ? Et quelles sont les clés de réussite de ces plateformes de formation professionnelle 2.0 ? Analyse en deux points.
Pour un dépassement des contraintes du système actuel de la formation professionnelle
D’emblée, il convient de souligner qu’à l’aune d’une globalisation rampante, une frange importante de la population se sente laissée pour compte et éprouve de l’animosité à l’égard de la politique et des politiciens, ainsi que de la mondialisation et du système économique. Pour faire face, les gouvernements, de par le monde, innovent et ouvrent des horizons aux jeunes pour acquérir des compétences à même de leur assurer l’accès au marché du travail. Nombreux sont les exemples des pays qui ont mis en place des politiques de formation professionnelle résolument tournées vers l’apprentissage, en mode distantiel ou présentiel, d’un métier ou des compétences en lien direct avec le marché du travail. Dans le contexte national, la territorialisation des cités des métiers et des compétences est porteuse d’une relance 2.0 de de la formation professionnelle après plus de trois décennies de pratiques ayant permis d’ouvrir d’immenses opportunités à l’employabilité des jeunes. De l’avis de beaucoup d’acteurs et professionnels, ces nouvelles plateformes constitueront une occasion pour répondre aux attentes des jeunes et des acteurs économiques, et de facto, relever les contraintes du système actuel marqué par un déphasage entre la formation et l’emploi. De surcroit la stratégie nationale de la formation professionnelle ambitionne d’assurer l’inclusion sociale et territoriale à plus de 10 millions de marocains, et l’insertion professionnelle à 75% des diplômés à l’horizon de 2021. En quoi renvoie-t-il le concept de ‘’cité des métiers et des compétences’’ ?
Créée dans chaque région, une cité des métiers et des compétences sera une sorte de fabrique d’idées et de projets, un lieu d’apprentissage des métiers et d’acquisition des compétences, autrement dit, une vivrière de talents à la disposition des secteurs d’activités. Ainsi, la cité va offrir des formations qui répondent aux spécificités de la région, mais aussi, aux besoins de l’écosystème dans lequel elle est implantée. Mondialisation oblige, la cité dispensera, outre, les formations qui cadrent avec la vocation première de la région (tourisme, agriculture, industrie, pêche, logistique et l’offshoring, métiers de la santé, etc.), les métiers transversaux à tous les secteurs productifs : nouvelles technologies de l’information, le digital, la communication, les langues, etc.
Aux dires des responsables du secteur de la formation professionnelle, la cité s’appuiera sur des équipements ultramodernes et à la fine pointe de la technologie. Et pour des économies d’échelle, l’infrastructure -laboratoire, centres et salles d’apprentissage- de la cité sera mutualisée.
Pour une gouvernance innovante des plateformes
Créée sous forme de société, la cité des métiers et des compétences sera gérée dans un cadre d’actionnariat ou le tour de table comprend l’OFFPT, les professionnels et la région. La prise de participation de ces acteurs dans le capital de la cité est de nature à co-construire une vision partagée sur les besoins et priorités de la région, et par voie de conséquence, marquer une rupture avec une pratique de formation professionnelle en déphasage avec la réalité des territoires et des attentes des acteurs économiques. A cet effet, il conviendrait de souligner que la réussite de ces cités est intimement liée à l’élan que prendront les processus de la consécration de la régionalisation et de la territorialisation de la déconcentration administrative. D’où l’intérêt d’une architecture de gouvernance innovante et drivée par une nouvelle génération de leaders.
Aussi, est-il nécessaire de rappeler que l’engagement de toutes les parties prenantes pour la réussite de ce chantier est crucial. Ces plateformes doivent être des lieux de coopération entre le monde politique, académique, l’entreprise et le territoire. Pour cela, la connaissance du territoire régional en termes de potentialités et contraintes, l’implication de l’entreprise qui croit aux potentiels des jeunes et le portage politique des élus à l’échelle régionale et locale sont là quelques conditions sine qua non si nous voulons que cet ambitieux chantier de mise en place des cités réussisse.
A charges de ces acteurs d’actionner une batterie de dispositions pour rendre ces cités opérationnelles. Qu’il s’agisse du financement, de la mise à la disposition du foncier, de l’accompagnement technique et opérationnel, du sponsoring de laboratoires et centres de compétences, de l’ouverture des opportunités de stage, de l’adoption de nouvelles approches et le développement d’une ingénierie de formation répondant aux exigences de l’économie d’aujourd’hui et de demain. Autant de défis à relever, et ce conformément à l’article 31 de la constitution de 2011 appelant à ce que : ‘’L’Etat, les Etablissements publics, et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens disponibles pour faciliter l’égal accès aux citoyennes et citoyens à la formation professionnelle…’’.
Pour conclure, il est important de souligner que la mise en œuvre de ces cités est un chantier multidimensionnel. Sa consécration doit reposer sur des synergies collaboratives, impliquant l’ensemble des acteurs (collectivités territoriales, services déconcentrés, entreprises, formateurs, etc.) et dont l’objectif premier est de faire des régions et villes des lieux de création de la valeur économique et de l’attractivité territoriale.
Par Mostafa Kheireddine, Urbaniste-Université de Montréal, Chercheur en sciences de la ville et Ex-chargé de mission auprès de la Direction générale de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire/ Agence urbaine de Rabat