La journée mondiale de l’épargne telle qu’elle a été célébrée le 7 novembre par les trois partenaires, que sont la CDG, Bank Al-Maghrib et le groupe Barid Al-Maghrib, a été un moment fort pour démontrer comment la digitalisation peut-elle être un formidable facteur d’inclusion financière. Elle risque également d’être un facteur d’exclusion financière si elle n’est pas accompagnée d’une éducation financière. D’où le choix de la thématique pour cette journée mondiale : « L’éducation financière à l’ère de la digitalisation : un levier pour la promotion de l’épargne «.
De par l’importance de l’épargne dans le circuit économique et social, Abdellatif Zaghnoun, Directeur Général de la CDG a tenu à ce que la célébration de la journée mondiale devienne un rendez-vous annuel pour aborder les différents axes de l’épargne, faire un bilan d’étape et surtout identifier les mesures idoines pour la promouvoir et la canaliser vers l’investissement. La journée d’aujourd’hui requiert plus d’importance parce qu’elle répond parfaitement au Discours du Souverain du 11 octobre dernier qui exhorte les établissements de crédit à financer les jeunes entrepreneurs et les TPME. D’où l’importance de drainer davantage d’épargne pour financer l’investissement des couches les plus fragiles de la société. Comme il est souvent annoncé : la pauvreté s’arrête là où commence l’épargne.
En citant l’épargne, nous parlons de sa mobilisation sur le long terme et son impact fort sur l’investissement et, par ricochet sur la croissance. A juste titre, A. Zaghnoun a rappelé que l’épargne de long terme est au centre des préoccupations des différentes parties prenantes : pouvoirs publics, BAM, assurances, caisses de retraite… et bien évidemment la CDG dans le cadre de ses missions à travers d’une part la collecte, la gestion et la sécurisation des ressources d’épargne ou de fonds réglementés qui de par leur nature requièrent une protection particulière. Et d’autre part, la gestion des fonds de prévoyance et de retraite via la CNRA et le RCAR.
La dynamique d’investissement enclenchée depuis plusieurs années ne peut être entretenue de manière durable que par la mobilisation de ressources d’épargne de long terme. Dans ce cadre, la CDG a depuis toujours inscrit la gestion, le développement de l’épargne, sa transformation en emplois d’utilité collective au centre des missions qui lui sont dévolues. La CDG centralise et gère plus de 260 Mds de DH entre dépôts et fonds de retraite et de prévoyance.
En ce qui concerne l’éducation financière, il s’agit d’un fer de lance de l’inclusion financière devenue au fil du temps un facteur essentiel d’efficacité économique et sociale pour éradiquer les disparités sociales et spatiales.
« Elle constitue un enjeu majeur pour le développement de l’épargne nécessaire pour le développement socio-économique du pays… L’objectif d’inclure tous les citoyens ne peut être atteint sans améliorer au préalable les compétences et les connaissances économiques et financières de ces derniers », explique le DG de la CDG.
Mieux encore, l’éducation financière devient indispensable dans un modèle de plus en digitalisé et qui donne plus d’autonomie au consommateur. Personne n’est censé ignorer que l’accès à de nouveaux produits financiers, à des quantités importantes d’informations sur ces produits, à des outils sophistiqués… relève du possible.
Les questions qui se posent d’emblée sont : Comment assurer une éducation financière efficace aux utilisateurs des services digitalisés ? Quelle stratégie adopter à l’ère de la digitalisation pour promouvoir l’épargne ?
Même son de cloche, chez le gouverneur de BAM qui annonce que la relation entre l’épargne, l’investissement et la croissance n’est plus à démonter. Toutefois, dans un contexte de plus en plus pressant, si rien n’est fait, l’épargne finirait par s’amenuiser. Comme rappelé par Abdellatif Jouahri, Wali de BAM : « … nous vivons actuellement, par contre, une situation où les risques d’une nouvelle crise s’amplifient de manière inquiétante alors même que les séquelles de celle de 2008 ne se sont pas encore dissipées ».
Abdellatif Jouahri a tenu par ailleurs à rappeler la baisse spectaculaire des taux d’intérêt affichée depuis 2008 pour se situer dans certains pays à des niveaux proches de zéro voire même négatifs. Les plus pessimistes prédisent qu’ils ne retrouveront pas leurs niveaux d’avant crise même à long terme. C’est pour dire que des taux aussi bas ne sont pas sans impact négatifs sur l’épargne en général et celle des ménages en particulier. « De même, les fonds de pension enregistrent une baisse et une faiblesse persistantes de leurs rendements qui pèsent sur la viabilité de certains d’entre eux. Par ailleurs, les taux très bas amenuisent en général les marges et affaiblissent la rentabilité du système bancaire et par conséquent sa solidité et sa résilience », alerte A. Jouahri.
La radioscopie de la situation économique actuelle telle qu’elle prévaut aujourd’hui montre que le système financier vit des moments difficiles.
Au Maroc, les données disponibles sur l’épargne montrent que nous avons un grand défi à relever en la matière. Si l’on soustrait les transferts des marocains résidents à l’étranger, l’épargne des ménages, qui se situe autour de 14% de leur revenu disponible brut, serait beaucoup plus faible en comparaison internationale. Autrement dit, il faut mettre les bouchées doubles pour améliorer le taux d’épargne oscillant, aujourd’hui autour de 28%, pour pouvoir financer l’investissement.
Une chose est sûre : Dans un monde de plus en plus digitalisé, l’éducation financière joue un rôle des plus importants en matière d’épargne. Mais elle n’est pas l’unique voie pour que l’ascenseur social fonctionne. Elle reste pour autant conditionnée par la complexité du monde digitale, l’exclusion géographique, la complexité de la gestion budgétaire…
L’exemple de la France est édifiant : Sur 5 millions de personnes fragilisées auxquelles il est adressé en matière d’éducation financière, 40% ne sont pas à l’aise pour des raisons liées à l’utilisation des technologies de l’information. Un vrai problème de société.