Dans une interview accordée au journal Telquel (N°865 du 05-11 juillet 2019), l’ancien Premier Ministre, M. Abderrahmane El Yousfi répondait à une question sur la personnalité de Mohammed VI en disant que ‘’c’est le roi du 21e siècle. (…) Sa Majesté possède une vision claire, sage et intégrée du projet réformateur et moderniste de la société et des institutions du Maroc d’aujourd’hui. Il entre dans l’histoire à sa manière, comme un learder national, régional, et continental, parfaitement en phase avec les enjeux du 21e siècle’’. Et l’un des enjeux de ce 3e millénaire qui ne manquera pas de façonner notre future est le fait urbain. Force est de constater que la volonté politique exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI place l’homme et les établissements humains au premier rang des priorités.
Durant les deux dernières décennies, les concepts ‘’développement urbain’’ et ‘’ville(s)’’ ont eu droit de citation 125 fois dans les discours et messages royaux adressés à la nation et aux participants à des rencontres nationales et internationales tenues au Maroc. Pour dire que le nouveau règne est synonyme de la montée en puissance de l’agenda développementaliste dans l’exercice du pouvoir. L’élan urbain que connait le Maroc est indissociable de la place de la question du développement urbain dans la vision et l’action du chef de l’Etat.
De l’avis des acteurs politiques, socio-économiques, et professionnels, le Maroc contemporain n’a jamais connu un développement urbain, aussi important, comme celui de ces deux dernières décennies. La ville marocaine se trouve ces vingt dernières années aux prises de dynamiques de mutations multidimensionnelles.
De par les attributions qui sont les siennes et les pouvoirs dont il dispose, le Roi Mohammed VI est au cœur de l’action développementaliste urbaine. Force est de constater qu’il a initié de grands projets urbains dans un pays ou les forces d’inertie ne sont pas négligeables. La production de l’habitat au grand nombre, la réalisation des villes nouvelles, la mise à niveau urbaine, la mise en œuvre d’une nouvelle génération de grands projets urbains, la réhabilitation des médinas historiques, la réalisation d’infrastructures structurantes (Autoroutes, Port Tanger-Med, Grands stades sportifs, LGV, Tramway) sont les consécrations structurantes, et non les moindre, de ces vingt ans de développement urbain et de mutations des territoires.
Par ces infrastructures urbaines, jamais les villes et territoires n’ont été si proches. Qui aurait pensé un jour faire Rabat-Tanger en moins d’une heure et demie, ou Casablanca-Agadir en moins de quatre heures, si ce n’est le quadrillage du pays par des infrastructures autoroutières, ferroviaires, et aéroportuaires. Quels sont les grands traits du développement urbain de ces vingt dernières années?
1999-2009, une décennie de lutte contre les exclusions sociales et spatiales
Porté vers l’avenir, le projet réformateur du roi visait en premier à lutter contre les exclusions sociales et spatiales générées par des décennies de politiques publiques centralisées et peu efficientes. Si l’INDH représente le levier de l’impulsion à la lutte contre les exclusions sociales en milieu urbain et périurbain, il convient, toutefois, de souligner que d’autres stratégies et programmes ont été lancés, sous l’impulsion royale pour la mise à niveau et le développement socio-économique des villes et territoires. Qu’il s’agit de visions sectorielles ou de programmes dédiés, le dénominateur commun est l’amélioration du cadre de vie de la population et la création de la valeur économique.
2010-2019, mise en œuvre d’une nouvelle génération de grands projets urbains
La volonté royale de mettre les grandes agglomérations du Maroc sur l’orbite des villes attractives à l’échelle nationale et continentale est à l’origine de la mise en œuvre d’une nouvelle génération de projets urbains résolument tournés vers l’amélioration du cadre de vie et le renforcement de l’attractivité socio-économique.
Initiés par Sa Majesté le Roi, des projets urbains d’envergure ont vu le jour, et d’autres sont en cours de finalisation. Qu’il s’agit des projets de développement urbain des grands agglomérations urbaines (Rabat, Casablanca, Marrakech, Tanger, Tétouan, Laayoune, Kénitra, etc.) ou de mise à niveau des petites et moyennes villes, l’objectif est de renforcer l’attractivité socio-économique et d’améliorer les milieux de vie des habitants. Des effets sont visibles, et d’autres sont attendus, de la transformation que vont générer les projets, aussi bien, en termes de réhabilitation des médinas et sites historiques, de rehaussement de l’urbanité des centres villes, d’injection d’équipements de proximité, ou d’amélioration de la mobilité urbaine. S’agissant de l’attractivité socio-économique, ces projets urbains sont générateurs d’investissements nationaux et étrangers non négligeables, aussi bien, pour les collectivités territoriales que pour les habitants.
Nouvelle vision, nouveaux acteurs urbains
Portés par le Roi, les projets urbains d’envergure doivent leur consécration à la vision du souverain marquée par l’instauration de nouveaux modes opératoires et la création de structures ad hoc pour surmonter les contraintes plurielles qui, naguère, entravent leur mise en œuvre. En effet, au côté des institutions publiques et des collectivités territoriales en charge de la production et de la gestion urbaine, de nouveaux acteurs semi-publics ou privés, ont fait leur apparition et s’affirment sur l’espace urbain. Parmi ces nouveaux acteurs, la CDG, l’OCP, le HAO, la SAPT, et l’Agence Bouregreg, portent des projets urbains à forte retombée socio-économique (zone d’urbanisation d’Anfa, Eco-cité de Zenata, ville verte de Bengeurir, pôle urbain de Mazagan, les quatre villes nouvelles, l’aménagement de la vallée de Bouregreg, la reconversion du Port Tanger-ville, l’aménagement de la Marina-Casablanca, etc.), soit des dizaines de milliers d’hectares urbanisés ou en cours d’urbanisation.
Des réformes institutionnelles structurantes, pour accompagner le développement urbain
Pour réussir cette mutation urbaine plurielle, il convient de rappeler qu’il a fallu implémenter des réformes institutionnelles structurantes sur plus d’un registre. En effet, la charte communale de 2002 avec le retour à l’unité de la ville ; la contractualisation territoriale de 2007 ; la constitution de 2011 avec la consécration du droit à la ville ; la charte de développement durable de 2012 ; la régionalisation avancée de 2015 et ses nouvelles échelles de décision ; et la déconcentration de 2018 avec l’espoir du transfert d’un pouvoir décisionnel et financier à l’échelle régionale, constituent les réformes institutionnelles annonciatrices d’une nouvelle vision de l’avenir urbain au Maroc.
Avec plus de 60% d’urbains, il est d’ores et déjà admis que l’avenir du Maroc est éminemment urbain. Si les réformes et projets, menés depuis ces deux dernières décennies sous l’impulsion du roi sont de nature à favoriser un développement urbain créateur de la richesse économique et de la cohésion sociale, il convient, toutefois de rappeler qu’un aggiornamento de l’élite politique locale est nécessaire. Manager une ville suppose un leadership et des savoirs urbains. Et sur ce registre il faut un choc qualitatif pour qu’une nouvelle génération d’acteurs politiques investit le monde urbain.
Mostafa KHEIREDDINE
Urbaniste-Université de Montréal
Chercheur en sciences de la ville