Le 7e RDV de l’assurance se veut un moment crucial pour s’arrêter et réfléchir sérieusement sur les changements de paradigmes imposés par la crise coronarienne. Le gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri a essayé d’inventorier les grands défis remis en selle par la pandémie liée à la Covid-19.
La crise multifacette marquée par une rare profondeur que nous avons vécue depuis le mois de mars 2020 nous interpelle sur plusieurs angles. Elle nous a rappelé malheureusement la vulnérabilité dont souffre une large partie de notre tissu productif mais également de la population notamment celle occupée dans des activités informelles.
Elle nous a rappelé également à quel point il est déterminant aujourd’hui de renforcer la résilience de notre économie, annonce le Wali de BAM. Et d’enchaîner : « Un impératif dont nous avons fait à BAM, le message principal du discours introductif du dernier rapport annuel de la Banque. C’est aussi l’une des recommandations les plus récurrentes dans les forums internationaux au cours des derniers mois ». Lors d’une rencontre organisée en juillet dernier par le forum de Paris, la directrice du FMI a qualifié la résilience de nouvelles religions du FMI.
Pour Jouahri, la résilience s’inscrit dans le passage d’un mode d’action que le Wali appelle de sapeur-pompier agissant a posteriori à un autre basé sur l’anticipation et la prévention.
Le concept d’inclusion a été d’abord mis en avant au niveau macroéconomique pour attirer l’attention sur le fait que la croissance économique n’est pas automatiquement synonyme de réduction de pauvreté et des inégalités sociales.
Elle l’est quand elle est inclusive ou tout simplement profitant à l’ensemble de la population. Par la suite, elle a été transposée à la finance en citant à titre d’exemple l’assurance inclusive. Cette dernière a pour essentiel dessein de permettre aux populations à bas revenus de se protéger contre les risques.
Le Wali de BAM rappelle la feuille de route en ce qui concerne la stratégie nationale d’inclusion élaborée par ses soins en collaboration avec le ministère des finances justement pour permettre à une population vulnérable de prendre le train de la modernité en se protégeant et en protégeant ses biens.
Les implications du changement de paradigmes sur le secteur des assurances
Avant de passer en revue les changements, A. Jouahri rappelle le rôle du secteur dans l’économie qui selon ses propos n’est pas souvent mis en exergue. Chiffres à l’appui.
« En effet, l’assurance en tant qu’industrie contribue significativement à la mobilisation de l’épargne notamment celle de long terme cruciale pour l’investissement et le développement d’un pays comme le nôtre. Les statistiques élaborées par BAM montrent que les placements financiers des entreprises d’assurance et de réassurance avoisinent les 180 Mds de DH. De ce montant, 40 Mds sont investis dans des titres de dettes dont près de 23 Mds sous forme de bons de Trésor ». Elle contribue également à la dynamisation du marché boursier et à la gestion d’actifs avec un volume de 23 Mds de DH d’actions et de parts sociales.
Pour le wali de BAM, les marges de développement du secteur restent significatives. En effet, le taux de pénétration mesuré par Primes/PIB oscille autour de 3,9%, un chiffre certes intéressant par rapport aux pays de la région mais qui reste en deçà de celui des économies avancées où il atteint 9% pour les pays de l’OCDE.
De surcroît, les données de l’enquête « Capacités financières » réalisée par BAM et la Banque Mondiale en 2013 montrent que seuls 2% des marocains ont déclaré avoir souscrit à des produits d’assurance non-obligatoires.
Plusieurs facteurs expliqueraient ce constat, les offres peu adaptées, la couverture géographique limitée du réseau de distribution, le faible niveau de connaissances et de compétences financières, mais aussi et surtout les bas niveaux de revenus.
Quid des grands défis ?
L’un des défis importants auxquels fait face l’industrie de l’assurance aujourd’hui est le niveau bas des taux d’intérêt. On l’oublie ou on l’ignore souvent, mais une baisse des taux n’a pas que des conséquences positives. Elle permet certes de relancer la demande et l’investissement, mais a également un impact néfaste sur l’épargne, en particulier la petite. Elle pourrait peser sur l’équilibre des fonds de retraite et sur la rentabilité des entreprises d’assurance, et partant sur la stabilité financière. Malheureusement, l’environnement des « taux bas et pour longtemps » est une nouvelle réalité que les acteurs du secteur sont appelés à prendre en compte dans leurs stratégies et leurs décisions.
« Dans le contexte national, les taux bas conjugués à l’étroitesse du marché boursier constituent un véritable défi pour le développement de l’épargne et de certains segments de l’assurance, des enjeux dont nous sommes bien conscients à la Banque centrale, et qui font partie des critères d’élaboration des décisions de politique monétaire », annonce le Wali.
Le deuxième défi est celui du changement climatique dont les conséquences sont manifestes, inondations, sécheresses, incendies… Une prise de conscience de plus en plus généralisée de cet enjeu amène les décideurs publics et privés à en tenir compte dans leurs décisions.
L’autre mutation qui ne cesse de surprendre par sa rapidité ainsi que par l’étendue et la profondeur de ses implications, est la transformation digitale. C’est une révolution à l’œuvre depuis quelques années déjà mais s’est accélérée avec la crise qui a été une occasion pour apprécier l’immensité des opportunités qu’elle offre.
« Ce sont l’ensemble de ces mutations et certainement bien d’autres qui façonnent d’ores et déjà le monde post-covid dans lequel nous sommes en train d’entrer progressivement », tient-il à rappeler.
Et d’enchaîner: « L’industrie nationale de l’assurance œuvre certes pour se maintenir en phase avec ces mutations et ces changements de paradigmes, mais la rapidité avec laquelle ils évoluent requiert une montée en échelle de l’investissement aussi bien en technologies qu’en capital humain. Dans ce dernier domaine en particulier, il devient de plus en plus difficile d’attirer et surtout de garder certains profils, la concurrence aussi bien sur le marché national qu’international étant très rude ».
Encore faut-il savoir que l’ensemble de ces évolutions n’interpellent pas les opérateurs uniquement, mais également les régulateurs comme l’ACAPS, Bank Al-Maghrib ou l’AMMC.
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