Le Maroc pris dans l’étau des déséquilibres des ALE souhaite aller de l’avant et sortir des sentiers battus. Le Patronat s’intéresse à l’Accord d’Agadir, un accord, avec même des pays arabes à développement comparable, qui ne sort pas du lot.
Avec un déficit structurel de la balance commerciale, les pouvoirs publics et les opérateurs économiques s’intéressent de plus près aux accords de libre-échange signés par le Maroc qui sont pratiquement tous en sa défaveur. Ces ALE ô combien ambitieux au départ n’ont pas pu empêcher la détérioration continue et persistante des résultats des comptes extérieurs avec, d’une part, l’affaiblissement de la demande extérieure adressée au Maroc et d’autre part le renchérissement des importations.
Bien qu’au cours de ces derniers jours, l’Accord de libre-échange Maroc-Turquie a cristallisé le débat entre protagonistes et défenseurs de l’accord et fait couler beaucoup d’encre, force est de reconnaître que le Maroc cumule des mauvais points même pour les autres ALE. Il est à signaler que le Maroc a affiché un important manque à gagner au niveau fiscal puisque les accords de libre-échange ne rapportent que 9,5 milliards de dirhams aux caisses de l’Etat.
Tout en étant conscient qu’il est temps de remédier aux défaillances, le Patronat lance une étude visant à améliorer la part du Maroc dans le commerce mondial.
Le curseur est placé plus précisément sur l’accord d’Agadir. En cause, même avec les pays à développement comparable, le Maroc est dans le rouge. Selon les derniers chiffres, l’ardoise s’est élevée à plus de 5 milliards de DH. Les pays de l’Accord d’Agadir (Tunisie, Egypte, Jordanie) ne représentent que 1,6% du commerce extérieur marocain. Des chiffres qui frôlent le dérisoire.
Le Patronat souhaite à travers l’étude susmentionnée identifier les obstacles tarifaires ou non tarifaires que rencontrent les opérateurs économiques, particulièrement dans le cadre dudit Accord. Un courrier a été d’ailleurs envoyé aux membres de la CGEM pour faire part des principaux écueils sur lesquels ils se heurtent. Le but étant de promouvoir les relations économiques avec les principaux partenaires de l’accord et faciliter l’accès des entreprises marocaines aux marchés tunisiens, égyptiens et jordaniens.
Au-delà des études !
Toujours est-il que cette étude ou d’autres qui pourraient certainement suivre ne peuvent à elles seules renverser la tendance et aboutir à des ALE du moins équilibrés. Les opérateurs sont appelés à être plus innovants et parvenir à diversifier leurs produits tout en améliorant le rapport qualité / prix. Essentiellement dans l’accord cadre d’Agadir, il faut mettre en avant les produits dont les pays partenaires ne disposent pas. Mieux encore, il faut être compétitif et surtout être complémentaire avec les autres pays arabes.
Dans son ouvrage, « Le Maroc, quelles voies de l’émergence ? », Tarik El Malki explique que le péché originel des stratégies de croissance mises en place ces dernières décennies au Maroc est la mise en place d’un néo-libéralisme se matérialisant par différents ALE signés avec plusieurs pays (Union Européenne, Turquie, USA…), mal-négociés, imposés de l’extérieur et dont le but ultime est de favoriser la demande extérieure et donc les importations au détriment de la demande nationale très insuffisante. Celui d’Agadir ne fait pas l’exception.
Le principal écueil, explique l’auteur, est que malheureusement, cette ouverture de l’économie nationale ne s’est pas accompagnée d’un processus graduel de protection et de renforcement de la compétitivité du tissu industriel.
D’aucuns considèrent que revenir sur les modalités arrêtées initialement dans la conclusion des ALE n’est que l’aveu de l’échec de l’économie de marché dont le mot d’ordre est le laisser-aller ou le laisser-faire. D’autres ne partagent pas cette vision et considèrent que même des économies développées pratiquent ce que nous appelons le patriotisme économique. Pour aller de l’avant et sortir des sentiers battus, il est opportun, voire même judicieux de prendre en considération les écueils et les insuffisances des politiques ayant engendré des situations de rente monopolistiques ou oligopolistiques entravant le bon fonctionnement de l’économie du marché. Ils avancent comme solution, la renégociation totale, sur la base d’analyse d’impact, de l’ensemble des ALE signés par le Maroc. « A cet égard, l’Etat doit assumer ses responsabilités et défendre les intérêts économiques supérieurs du pays et non des intérêts catégoriels portés par certains lobbies ou groupes de pression. L’objectif est la création d’une offre de production nationale dont une grande partie sera absorbée par le marché local et qui pourra demain être exportée », explique à son tour l’économiste Y. Sadani cité par T. El Malki dans son récent ouvrage.
Mais cela n’empêche pas les opérateurs d’être plus innovants et à même d’offrir des produits diversifiés de qualité. Autrement dit, il faut briser la faible diversification productive de l’économie marocaine des ventes à l’étranger, actuellement concentrée sur un nombre réduit de produits. A ce moment, même les nationaux seront séduits par les produits made in Morocco. Ce qui boosterait la demande interne et réduirait le volume des importations. C’est tout bénéf’ pour l’économie marocaine en général et le tissu économique en particulier.
Lire également : MAROC-TURQUIE : RETOUR SUR UNE ESCALADE COMMERCIALE