Ecrit par Imane Bouhrara |
Quelle viabilité des projets d’adaptation climatique déployés dans les territoires face aux phénomènes naturels tels que les sécheresses, les inondations ou la raréfaction des ressources naturelles accentués par le changement climatique ? OTED fait le point.
Les projets de développement durable ont été particulièrement perturbés par le choc Covid-19 qui a mobilisé des ressources financières colossales.
Pour autant les conséquences de la crise sanitaire (surenchérissement des produits alimentaires et des énergies) rappellent l’importance de la poursuite des projets de développement durable, d’efficacité énergétique et d’atténuation climatique pour les pays, particulièrement le Maroc dont les ambitions de transition énergétiques et de développement durables sont particulièrement élevées.
Mais aussi parce que le pays fait face à des phénomènes tels que les sécheresses et les inondations directement amplifiées par le changement climatique.
Justement pour faire le point sur les chantiers menés par le Maroc, particulièrement en territoire, l’initiative citoyenne OTED a consacré la 4ème édition Parlons Territoires à l’adaptation climatique.
L’objectif étant de sonder les modèles de développement en région et jusqu’à quelle mesure cette problématique d’adaptation est prise en ligne de compte.
D’emblée, Docteur Ibrahim Hafidi, directeur général de l’agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA), s’attarde sur une région en proie à de véritables défis climatiques, celle du Souss-Massa déjà en stress hydrique.
Il rappelle dans ce sens que la région est très affectée par le changement climatique qui implique au Maroc des phénomènes de sécheresse suivis d’inondations et tous les deux provoquant d’importants dégâts aussi bien humains, sociaux qu’économiques.
« Nous avons élaboré un diagnostic de vulnérabilité en prenant en considération les indicateurs du GIAC, et nous avons caractérisé notre territoire entre côtes, montagnes, oasis…Il aura fallu mettre en place un plan d’actions, à commencer par l’adaptation climatique particulièrement de gestion des ressources hydriques, l’économie d’eau et la lutte contre les inondations », soutient I. Hafidi.
Il assure dans ce sens que le plan territorial de lutte contre le réchauffement climatique (PTRC) mis en œuvre depuis 2018 avance plutôt bien.
« Pour le volet atténuation, nous avons fait un travail de mesure des gaz à effet de serre et par la suite entrepris les actions pour réduire leurs émissions. Là encore les secteurs les plus concernés sont les énergies notamment l’éclairage domestique, l’éclairage public, les transports mais également l’agriculture, ainsi que l’élevage (émission du méthane) », explique-t-il.
Il faut rappeler qu’un outil de suivi a été mis en place par le ministère de tutelle pour mesurer l’état d’avancement des actions menées.
Un travail qui n’est pas sans difficulté, puisqu’en plus de devoir élaborer des projets qui soient viables et efficaces, il faut encore leur trouver le financement nécessaire.
Les montants sont mirobolants, le cas du grand projet de l’implantation de l’arganier dans 10.000 HA de sols dégradés soutenu par le Fonds vert pour le Climat qui a nécessité une enveloppe de 50 millions de dollars mais qui a permis 600.000 Tonnes d’économie carbone.
« Il y a des projets que nous avons financés par nous-mêmes étant l’urgence de leur mise en œuvre, particulièrement la gestion de l’eau et la lutte contre les inondations et il y a d’autres qu’on soumet à des bailleurs de fonds. Certains ont été financés d’autres attendent toujours », ajoute I. Hafidi.
Ainsi pour les projets d’adaptation, la région a mobilisé 68 % des financement nécessaires et 21 % seulement pour les projets d’atténuation.
« Au Maroc il y a 9 régions qui ont leur PTRC et 5 l’ont entièrement réalisé dont la région de Souss-Massa aussi, nous devons l’actualiser et poursuivre les projets en cours », conclut I. Hafidi.
La question du financement rend à l’évidence l’importance de la coopération internationale pour d’un côté mobiliser les ressources nécessaires mais également profiter de l’échange d’expérience au niveau territorial.
Le cas de l’AFD qui mène deux projets majeurs dont le premier concernant l’adaptation de l’irrigation au changement climatique dans la vallée d’Oued Guire dans la région du Tafilalet, un projet d’un investissement de 100 millions d’euros cofinancés par le Fonds vert climat.
Un projet qui prend en considération la consultation et l’accompagnement des populations oasiennes face au risque de changement climatique et qui doivent s’adapter aux changements futurs à travers des activités agricoles plus résilientes et plus économes en eau, soutient Quentin Ballin, Responsable d’équipe projet, division agriculture, développement rural et biodiversité, à l’Agence française de développement (AFD).
La dimension consultation s’est déclinée également auprès des populations de chaque Ksar pour établir un diagnostic pour l’élaboration d’un plan d’actions pour répondre aux besoins des populations justement comment la gestion des déchets ou encore les lavages collectifs et avoir des mesures flexibles d’adaptation climatique. Le projet offre également un financement à l’entrepreneuriat ainsi que des appels à projets à destination de la société civile.
Le deuxième projet à l’échelle nationale cette fois-ci démarre cette année et vient appuyer le programme Génération Green 2020-2030. Il vise de mettre en place les objectifs de la stratégie au niveau humain dans trois régions identifiés prioritaires.
Il s’agit de territoires qui ont besoin d’investissements qui peut être très large autour du secteur agricole de l’amont à l’aval, explique Q. Ballin.
Outre le financement, pour mener à bien les différentes actions d’atténuation climatiques dans les territoires, se pose la question de la compétence, du savoir-faire et de la disponibilité de l’offre de service en région mais également dans le milieu rural à la faveur d’une agriculture et des activités plus durables.
Dans ce sens, Ahmed Baroudi, le directeur général de la société d’investissements énergétiques (SIE), souligne la problématique du déficit en offre de service constatée, citant l’exemple des agriculteurs qui veulent investir dans le pompage solaire mais qui sont très vite dissuadés en raison de la complexité de maintenance des installations en cas de panne et où il faut attendre qu’un technicien se déplace de Casablanca en région pour la solutionner.
Un manque à gagner en terme de temps mais également en terme de coût au moment où ils sont tenus d’irriguer quotidiennement. Résultat, les agriculteurs reviennent à l’usage du gaz butane subventionné au tiers par l’Etat.
Pour remédier à ce genre de désagréments, la SIE a développé un concept pilote qu’elle tend à implémenter dans une ou deux régions avant de le généraliser.
Pour prendre la pleine mesure de l’importance de la mise en œuvre des projets d’adaptation climatique sur les populations locales et ses ramifications sociales et économiques, le cas de l’oasis de Skoura, cité par Mouna Mseffer journaliste et co-auteur de « Maroc : justice climatique, urgences sociales »
Ce livre a été réalisé par 14 journalistes qui ont sillonné le pays pour mener des enquêtes pour faire entendre la voix des gens qui subissent de plein fouet le changement climatique.
L’urgence est là, rappelle Mouna Mseffer qui évoque des menaces sur les équilibres des écosystèmes tel que celui oasien, répertoriées dans ce livre face à l’argument traditionnel de l’économique prône sur le reste.
L’intervenante a concentré son propos sur l’oasis de Skoura pour illustrer les enjeux majeurs de la question climatique aussi bien sur l’économique que le social.
Il a été ainsi relevé l’inefficacité des politiques publiques du fait de l’absence de concertation avec les populations concernées. Un constat quasi-généralisé. Le cas de Skoura qui fait face au changement climatique, au développement démographique, surexploitation des ressources naturelles, dévalorisation du travail agricole auprès des jeunes, problématique de la gestion des déchets… « toute une spirale qui menace cette oasis de disparition », révèle Mouna Mseffer.
Autant d’urgences auxquelles les politiques publiques devraient trouver des solutions efficaces et non palliatives pour aller vers une justice sociale et climatique face aux menaces climatiques, en concertation avec les acteurs et populations locaux.
Ce qui pose la question d’effectuer un large diagnostic des résultats des actions d’adaptation climatique et des mesures d’accélération de leur mise en œuvre en gardant à l’esprit la répartition des fruits récoltés aussi bien sur le plan national qu’avec les populations locales qui en sont la 1ère cible.