Moins d’un mois après la rencontre entre Moulay Hafid Elalamy avec son homologue turque, Rushar Pekcan, le 15 janvier à Rabat où les deux responsables avaient convenu de revoir les conditions de l’Accord de libre-échange actuel pour un commerce plus équilibré, la décision de la Turquie vient de tomber. Moulay Hafid Elalamy a assuré ce lundi au sein du Parlement que la Turquie a fait part ces deux derniers jours de son acceptation de revoir les termes de l’ALE conclu en 2004.
Dans son intervention, le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Economie verte et numérique a rappelé que le Maroc n’a de cesse demandé à ce que cet accord soit révisé, motivé en cela par le déficit fulgurant en faveur de la Turquie. Une demande qui a toujours essuyé un refus de la part de la Turquie.
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Mais les relations se sont gâtées ces derniers mois et le ministre avait touché un mot à son homologue turque en novembre dernier en marge de la 35ème session du Comité permanent de la coopération économique et commerciale de l’OCI (COMCEC) à Istanbul où il lui a signifié clairement le mécontentement du Maroc de l’aggravation du déficit commercial en faveur de la Turquie et les répercussions négatives de l’accord de libre-échange sur les entreprises marocaines.
Même à l’issue de la rencontre de Rabat en janvier, des sources au ministère restaient sceptiques en attendant d’y voir un peu plus clair dans la position turque. D’autant que la Turquie avait précédemment traîné le Maroc devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC pour motif d’appliquer des droits antidumping aux produits d’acier laminés à chaud. Au final la Turquie n’a eu d’autre choix que d’accepter cette révision sous la menace d’Elalamy de déchirer cet accord !
Le ministre a insisté lundi sur le fait que le troisième plus important accord de libre-échange signé par le Maroc, après l’Union européenne et les USA, est bien celui conclu en 2004 avec la Turquie. Mais contrairement à l’UE et aux USA qui en plus de leurs subventions annuelles investissent au Maroc, la Turquie elle ne représente que 1 % des IDE (5 % des IDE en Algérie) et engendre pour le Maroc un déficit de 1,2 milliard de dollars.
Pis encore, dans des secteurs comme le textile-habillement qui commençait à peine à renouer avec la croissance dans le cadre du Plan d’accélération industrielle, les effets ont été néfastes durant les quatre dernières années. On note la perte de 44.000 emplois et un pan de l’industrie menacé. Ce qui a motivé la décision du gouvernement d’activer les mesures de sauvegarde pour sauver ce qui peut encore l’être. Sur ce secteur comme d’autres, les deux pays se livrent une bataille avec armes « inégales ». La Turquie, comme la Chine, est un cas d’école de l’effet mécanique de la monnaie sur la compétitivité puisque la dévaluation de sa monnaie locale se traduit par une baisse des prix à l’export. Ce qui ne laisse aucune chance à ses concurrents sur les marchés, sensibles aux prix. Ce qui explique la sordide situation de voir un pays étranger détenir 70% du marché local !
Autre secteur dans le collimateur d’Elalamy est la distribution. Le ministre a soutenu que dès qu’un BIM, magasin turc, s’ouvre dans un quartier, il s’en suit des fermetures de petits commerces de quartier. Dans ce sens, le ministre, lors d’une rencontre avec le directeur de la chaîne BIM, l’a averti que si ces magasins ne commercialisent pas à l’avenir au moins 50 de produits marocains, qu’ils se préparent à plier bagage.