En 2018 les déficits avec les pays signataires sont importants pour ne citer que celui avec la Chine de 36 Mds de DH, avec la Turquie de 18 Mds de DH ou celui avec l’UE de 100 Mds de DH.
Trois décennies après, la signature de 56 Accords de libre-échange continue de diviser. Entre sceptiques qui attribuent auxdits accords la dégringolade de l’industrie marocaine et les plus optimistes qui estiment que, bien au contraire, ils ont profité aux exportations marocaines et au drainage des IDE, les ALE suscitent toujours le débat. Le ftour-débat organisé, ce mardi 28 mai, par la Faculté des sciences juridiques économiques et sociales Ain Chock, Université Hassan II de Casablanca (FSJES), a été l’occasion de mettre à plat ce dossier qui a fait et fait toujours couler beaucoup d’encre.
Pouvoirs publics, industriels, universitaires…, chacun avait son mot à dire sur les retombées des ALE sur l’économie marocaine. Des ALE qui valeur aujourd’hui n’ont pas bénéficié d’une évaluation.
Certes le Maroc s’est inscrit dans une politique d’ouverture, de mondialisation et de libéralisation de ses échanges commerciaux. Toutefois, cette ouverture n’a pas été sans conséquence sur le tissu économique qui ne jouit pas d’une solidité pour faire face à une concurrence formelle mais également informelle.
Les requêtes adressées au ministre de l’Industrie pour l’instauration des mesures de sauvegarde dans plusieurs secteurs témoignent de cette invasion des importations sur le marché local et d’une inquiétude permanente des industriels marocains.
Les effets des ALE, jugés non équilibrés, se font également ressentir au niveau de la balance commerciale du Maroc. Notons qu’en 2018 les déficits avec les pays signataires sont importants pour ne citer que celui avec la Chine de 36 Mds de DH, avec la Turquie de 18 Mds de DH ou celui avec l’UE de 100 Mds de DH.
L’impact des ALE dans l’industrie
Le secteur industriel marocain ne contribue pas comme il se doit à la croissance économique du pays. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les indicateurs ne sont pas bons comme rappelé par Abdellatif Komat, Doyen de la Faculté des sciences économiques, juridiques et sociales de Casablanca. La contribution du secteur industriel au taux de croissance est passée de 1,3% en moyenne vers les années 60 et 70 à environ 0,6% en moyenne depuis les années 2000. Même tendance baissière de sa part dans le PIB qui est passée de 19% dans les années 80 à 14% actuellement.
Alors la question qui s’impose d’emblée : Les ALE sont-ils une opportunité ou plutôt une menace ?
D’après Abdellatif Komat hormis quelques secteurs qui ont tiré profit des ALE notamment l’automobile, l’aéronautique et l’électronique, les autres branches n’ont pas connu le même sort. Il a précisé que les industriels doivent faire face à des pratiques de concurrence déloyale de la part d’opérateurs issus de pays qui, par ailleurs, protègent leurs industries par des barrières tarifaires et non tarifaires. « Pour son modèle de développement, le Maroc ne peut faire l’impasse sur l’industrie pour sortir du piège des économies à revenu intermédiaire », a-t-il conclu.
Zahra Maafiri, Directrice Générale du Commerce au Ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Économie numérique, a de son côté souligné que lesdits accords offrent la possibilité de se défendre en appelant les industriels à recourir à un droit international celui du dépôt des requêtes en cas de pratiques déloyales. Encore faut-il avoir une équipe d’experts compétents pour accompagner les industriels dans cette démarche (très lourde) et pouvoir défendre les dossiers marocains à l’OMC. Maafiri n’a pas manqué de préciser que la nouvelle Stratégie du Commerce 2025, que le ministère est en phase de finaliser, a prévu de renforcer la confiance et le partenariat public-privé pour faire face à ce diagnostic.
Les différents intervenants se sont accordés sur le fait que ce ne sont donc pas les ALE qui sont remis en cause mais plutôt l’application des règles établies par l’OMC, dont le but est de protéger les pays qui doivent faire face à des pratiques de concurrence déloyale dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel et compétitif.
C’est sur cette conclusion que la création du Collectif pour la défense de l’industrie marocaine, véritable partenariat entre le public et le privé, a été annoncé. Sa mise en marche et son programme de travail auront lieu dans les prochains jours, ont promis les participants à cette rencontre.