Le top management de Inforisk a dévoilé ce 30 septembre les résultats de son étude « Impacts Covid19 sur les entreprises, état des lieux, analyse et perspectives 2020 ». Amine Diouri, Directeur Etudes & Communication chez Inforisk, nous éclaire sur la méthodologie adoptée, la santé du tissu économique, et les indicateurs les plus alarmants à suivre de près…
EcoActu.ma : Sur quels critères s’est basé Inforisk pour le choix des entreprises sondées et jugez-vous que l’échantillon est représentatif du tissu économique sachant qu’une frange importante des entreprises n’est pas affiliée à la CGEM notamment les TPME qui représentent 86% du tissu économique ?
Amine Diouri : Ce point de méthodologie de l’étude est central. Nous avons travaillé sur différentes sources de données : sources officielles, entreprises interrogées, informations provenant de banques, CCG, administrations, fédérations professionnelles… Nous avons agrégé énormément de signaux de data liés à la crise Covid19 et les avons analysés. Cela nous a permis d’aller beaucoup plus loin dans notre étude et de calculer des éléments quantitatifs précis, sous forme de tableau de bord avec des indicateurs microéconomiques.
A travers l’étude menée sur un échantillon de près de 2.000 entreprises, Inforisk diagnostique la santé financière du tissu économique. Quelle appréciation en faites-vous comparativement à vos prévisions ?
Notre échantillon de 2.000 entreprises est fortement représentatif du tissu économique marocain en termes de taille (TPE, PME, GE), d’activité, répartition géographique… Plus encore, nous avons rapproché leur réponse et les avons remis dans un contexte, celui de la santé financière des entreprises. Une entreprise en mauvaise santé financière avant le début de la crise, aura beaucoup plus de difficultés à surmonter la crise Covid19.
Nous estimons, en interrogeant notre base au travers de nos scores, que près de 25% des TPE avaient déjà une santé financière fragile ou très fragile en début d’année 2020. In fine, cette information qualitative associée à la data quantitative de notre base de données, permet une analyse plus fine et fiable, et ainsi de calculer des indicateurs prévisionnels (impact CA, délais de paiement, IS…).
Pour remédier aux effets de la crise sanitaire, des mesures de relance ont été décidées par le CVE. Jusqu’à quel degré, ces mesures ont-elles permis de réduire le taux de mortalité des entreprises ? Quel sera le taux de défaillance des entreprises en 2020 et 2021 ?
Les mesures prises par le CVE ont eu un impact « amortisseur », particulièrement durant la période de confinement. Une étude réalisée en France par la Direction Générale du Trésor, a montré que les mesures prises par le gouvernement avaient permis de réduire de 95% l’impact de la crise sur la trésorerie des entreprises, et de 75% le risque d’insolvabilité des entreprises.
Les mesures prises au Maroc durant cette période, ainsi que les montants importants investis par l’Etat (Fonds Covid19), ont maintenu sous perfusion un certain nombre d’entreprises jusqu’à fin juin. Cela explique également le faible niveau des défaillances d’entreprises enregistré à aujourd’hui. Attention néanmoins, le report des échéances bancaires a pris fin en septembre. Beaucoup d’entreprises risquent d’avoir du mal à payer leurs futures échéances.
Nous estimons que d’ici la fin de l’année, les défaillances devraient progresser assez fortement avec une augmentation prévue de 15% en 2020. Sur le 1er trimestre 2021, cette hausse pourrait atteindre 25%.
Suite à votre étude, quels sont les indicateurs qui vous paraissent les plus alarmants et auxquels il est impératif de remédier ?
Un indicateur m’inquiète particulièrement, celui des délais/retards de paiement. Je rappelle quand même que 40% des défaillances sont dus à des retards de paiement, et que nos délais atteignaient déjà 212 jours pour les TPE avant le début de la crise. Avec le Covid19, ceux-ci ont augmenté de 50-60 additionnels. Comment une petite structure fera-t-elle pour survivre avec de tels délais.
Certes, les crédits Damane imposent aux entreprises empruntrices de payer leurs fournisseurs avec les montants empruntés et donc participent indirectement à la réduction des délais de paiement. Néanmoins, le nombre d’entreprises bénéficiaires de Damane (15.000 selon les derniers chiffres) ne permet pas d’avoir un rayonnement maximal sur l’ensemble des entreprises marocaines. Il faut donc des mesures ayant une portée plus large et plus directe sur les entreprises (non déductibilité de la TVA sur les factures dépassant le cadre légal, Name and Shame, amendes pécuniaires…).
A travers les résultats de vos études et des ambitions affichées par les entreprises, vous paraît-il possible de renouer avec la croissance économique en 2021 ?
A mon avis, pour renouer avec la croissance, notamment celle du PIB, en 2021, il faudra la concordance de plusieurs paramètres concomitants: une crise sanitaire enrayée ou contenue (baisse du nombre de contaminés), le retour de la confiance des agents économiques (particulièrement les ménages et les entreprises), grâce à la mise en place de mesures structurantes favorisant le climat des affaires. Dernier point, ne nous en cachons pas, la relance économique nécessitera beaucoup d’argent investi par l’Etat. Nous le voyons dans d’autres pays, les budgets 2021 seront en très fortes hausses.