L’un des risques qui planent sur l’approvisionnement pharmaceutique celui relatif à la réglementation. Plus particulièrement le décret des marchés publics non adapté aux spécificités du secteur. Un atelier de concertation entre les différentes parties sera organisé en septembre prochain pour discuter de la réforme à engager.
Alors que les lois sont censées mettre en place un cadre réglementaire pour une meilleure gestion de la chose publique, il s’avère que certaines lois ne sont pas forcément adaptées aux spécificités des secteurs sensibles et constituent plus un frein qu’autre chose.
C’est le cas dans notre système de santé principalement du décret relatif à l’achat et l’approvisionnement pharmaceutique. Le chef de la Division de l’approvisionnement pharmaceutique au ministère de la Santé, Mahjoub Ahdi, a récemment révélé que l’une des contraintes majeures pour l’amélioration de notre système d’approvisionnement est bien la réglementation en vigueur. Il s’agit plus précisément du décret d’achat des produits pharmaceutiques qui pose énormément de problèmes. Aujourd’hui, l’acquisition des produits pharmaceutiques se fait par le lancement des appels d’offre conformément aux dispositions du décret n° 2-12-349 du 08 joumada I 1434 (20 mars 2013) relatif aux marchés publics. Les seuls produits pharmaceutiques qui ne passent pas par ce circuit sont les vaccins de l’UNICEF.
« Il n’est pas normal de considérer le médicament comme étant une prestation ordinaire alors qu’il est un produit de première nécessité et d’urgence. C’est pourquoi il doit être considéré comme une prestation non courante pour améliorer le système d’approvisionnement », a-t-il précisé.
Même sens de cloche du côté du Secrétaire général du ministère de la Santé, Hicham Nejmi qui a affirmé, lors d’une rencontre, que le code des marchés publics est inadapté aux spécificités de l’approvisionnement des produits de santé. « Nous essayons de faire de la gymnastique dans le cadre du marché actuel, mais nous sommes en discussion avec le SGG et notamment avec la commission nationale des achats publics pour traiter l’achat et l’approvisionnement de produits pharmaceutiques de façon différente », a-t-il précisé.
Pour mieux comprendre la problématique nous avons contacté Mahjoub Ahdi qui nous a confié que l’une des contraintes majeures est relative à la durée de l’exécution d’un appel d’offres dont le montant dépasse 1,2 MDH (le cas de la majorité des appels d’offre publics). Rien que pour sa publication il faut compter un délai à 41 jours ce qui est, pour un produit d’urgence, une période très longue.
Ensuite, la commission chargée de l’appel d’offre se réunit et là encore il faut compter en moyenne 1 mois et demi à 2 mois rien que pour les médicaments. Quant aux consommables, cela risque de durer encore plus longtemps, soit entre 3 à 4 mois.
En d’autres termes, l’exercice trimestriel de l’approvisionnement des médicaments est consommé uniquement dans la préparation des appels d’offre. Et ce n’est pas fini. Après l’adjudication, il faut également compter toute la procédure de l’engagement du prestataire ainsi que la délivrance du visa qui peut prendre jusqu’à 3 mois. Au total, le processus d’achat de médicaments dure environ 6 mois. Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’approvisionnement du marché du médicament et pour le patient qui, enfin de compte, finit par subir les conséquences d’une rupture de stock.
Mahjoub Ahdi nous a avoué que pour éviter un tel scénario et afin de garantir la disponibilité des médicaments et sauver les malades, les maîtres d’ouvrage se retrouvent obligés à recourir à des pratiques non autorisées en demandant à l’adjudicataire de les approvisionner par avance pour subvenir aux besoins des hôpitaux. Ce qui est hors la loi mais permet tout de même de régler le problème en approvisionnant du marché en médicaments et sauver des vies.
Le vrai risque de cette longue procédure c’est qu’en cas de rupture de stock ou de pandémie, c’est le patient qui finira par payer le prix au détriment de sa santé voire de sa vie.
« Aujourd’hui nous n’avons pas la possibilité de recourir à l’option des marchés négociés directement avec le fournisseur en cas d’urgence pour pouvoir accélérer la procédure. Seule possibilité que nous avons est celle des bons de commande et là encore il y’a un frein : celui du plafond des bons fixé à 200.000 DH et qui ne couvre même pas les besoins d’un centre de santé. Ce qui nous ne permet pas de régler le problème », nous explique Mahjoub Ahdi.
Pour pallier les freins qui menacent la santé des citoyens, le ministère de la Santé se penche actuellement sur un chantier de réforme du décret d’achat. Il sera question, soit de dérogations ou d’amendements du décret des marchés publics pour les médicaments ; soit carrément d’abroger ce décret, ce qui est plus compliqué. Le ministère organisera un atelier en septembre auquel participeront tous les acteurs concernés à savoir la Commission nationale des marchés, la TGR, le ministère des Finances, la Direction des achats ainsi que les organisations professionnelles pour discuter de cette réforme.
L’objectif étant de réduire la durée de la procédure d’achat, de donner au maître d’ouvrage des médicaments le droit de négocier des marchés de gré à gré en cas d’urgence, de relever le plafond des bons de commande…
Encore faut-il mettre les garde-fous pour plus de transparence et pour une meilleure gouvernance.
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Plusieurs médicaments concernant les maladies cardiovasculaires sont on rupture de stock depuis plusieurs mois….