Le Conseil national des Droits de l’Homme vient de rendre public son mémorandum relatif à l’amendement de la loi 10-16 du Code pénal, qui sera déposé auprès des présidents des deux Chambres ainsi qu’auprès des différents groupes parlementaires, comme il l’a annoncé précédemment, après son adoption par le bureau du Conseil en date du 29 octobre 2019.
Dans son mémorandum le CNDH plaide pour un code pénal qui protège les libertés, et où sont respectés les principes de légitimité, de nécessité et de proportionnalité des lois. Le Conseil a été attentif au débat dans lequel les marocaines et les marocains se sont exprimés en faveur des libertés individuelles et de la protection de la vie privée, et ayant été témoin du drame humain des condamnés à mort et de leur désespoir. Mais également pour avoir pris acte des faits accrus de violence physique et verbale dans les espaces public et privé.
Les recommandations du CNDH couvrent plusieurs domaines du Code pénal, notamment la non-prescription des actes de torture, la répression des traitements cruels, inhumains et dégradants, la lutte contre la disparition forcée, la criminalisation de l’incitation à la violence, à la haine et à la discrimination, entre autres.
La dépénalisation ou non de l’avortement a été parmi les sujets qui ont cristallisés la société ces dernières semaines et le mémorandum s’est attardé dans ce sens sur les articles 449, 450, 451 et 452 du Code pénal recommandant d’autoriser la femme enceinte de mettre un terme à sa grossesse si cela menace non pas uniquement sa santé physique mais également psychologique et sociale.
Le Conseil justifie cette recommandation par l’importance pour le Code pénal de lutter de manière rationnelle contre l’avortement clandestin en protégeant les femmes notamment les mineures contre cette pratique mais également lutter contre les réseaux clandestins.
Aussi, le CNDH recommande de reconnaître que la poursuite d’une grossesse non désirée pour des raisons de santé au sens large (physique, sociale et psychologique) est une atteinte à l’intégrité de la femme enceinte et une violation des droits de l’homme.
Ceci dit, le Conseil avertit contre la banalisation d’un tel acte qui nécessite réflexion avant d’y avoir recours puisqu’il concerne la vie d’un embryon qui existe en fait ou en puissance. Et appelle de ce fait à accompagner l’autorisation de l’avortement par des gardes fous pour éviter les abus, notamment l’avis d’un médecin.
Dans ce sens, le CNDH, qui appelle à l’adoption de la définition de l’OMS de santé (un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en l’absence de maladies ou d’infirmité), recommande le respect et la mise en œuvre des recommandations adressées au Maroc par les commissions des Droits de l’homme et de l’enfant de l’ONU, en tant que pays signataires des conventions internationales des Droits de l’homme.
La recommandation du CNDH dispose que « la femme enceinte peut décider de mettre fin à sa grossesse si la menace pour sa santé psychologique et sociale se maintient, à condition que la durée de la grossesse n’excède pas trois mois, sauf dans des cas exceptionnels déterminés par le médecin ».
La décision ne peut par ailleurs être prise qu’après observation des sept conditions suivantes :
1) La durée de la grossesse ne doit pas dépasser trois mois
2) La grossesse ne doit être interrompue que si la concernée a été reçue par un médecin spécialiste.
3) Le médecin, lors de son entretien avec la femme enceinte qui souhaite mettre fin à sa grossesse, doit l’avertir des risques et complications possibles pouvant survenir des suite d’un avortement.
4) Donner à la femme enceinte qui souhaite mettre fin à sa grossesse une semaine pour bien réfléchir avant de prendre sa décision finale ;
5) La loi permet à un médecin ne souhaitant pas procéder à un avortement de s’abstenir de le faire, sauf si la santé de la femme enceinte est gravement menacée.
6) Dans ce cas, la femme enceinte qui souhaite mettre un terme à sa grossesse doit être adressée à un autre établissement médical qui accepte l’interruption de la grossesse.
7) Seul le médecin est habilité à précéder à l’interruption de grossesse.
Par ailleurs, le CNDH rappelle les inconvénients d’octroyer au seul mari le droit d’accepter ou de refuser un avortement dans le cas où la femme enceinte serait atteinte d’une quelconque déficience mentale. Dans une situation pareille, le CNDH recommande que l’acte d’interruption doit être fait qu’après que le Juge de la famille s’assure en urgence de la conformité de la situation et prenne la décision de nature à protéger la femme malade.
Sur un autre registre, le mémorandum du CNDH fait remarquer que dans le cas d’une grosse résultant d’un viol ou d’un inceste, donner un rôle au Ministère Public (l’article 453-2) dans une telle procédure (avortement) est de nature à faire dissuader les personnes concernées et encourager le recours à l’avortement clandestin face à une procédure lourde et compliquée.
Le CNDH prévoit la tenue de tables rondes avec les acteurs concernés, et espère que le parlement assurera, pleinement, son rôle de moteur indispensable dans la consolidation de notre démocratie, et que les élus, que ce soit sur le plan individuel ou collectif, sauront accompagner les développements que connaît notre société et faire asseoir un Etat de droit où la volonté générale est exaucée.
1 comment
Une recommandation en langage de bois. Il ne fallait pas s’attendre à autre chose de la part d’un Conseil taillé sur mesure. Cela ne mettra pas fin aux innombrables avortements illégaux que connait le pays et dont on trouve trace dans les poubelles des villes. Cette recommandation à la ni-oui-ni-non permettra aux courants religieux radicaux de continuer leurs mains basses sur l’opinion publique.