Une année pâle pour la Bourse de Casablanca, c’est ce qui ressort de la lecture des publications des résultats 2018 des entreprises de la cote. L’analyse de Anass Radi, président l’Association marocaine des consolideurs financiers (AMCF).
Après deux années consécutives de rendements positifs, la Bourse de Casablanca renoue avec la baisse. La masse bénéficiaire pour l’exercice 2018 ressort en baisse de plus de 7%. Le MASI, indice de référence du marché, a enregistré une baisse de 8,3% tandis que la capitalisation boursière a chuté de 8% pour s’établir à 582 milliards de DH à la fin de l’année. Boycott, contrôles fiscaux et grisaille du contexte économique ont été à l’origine de cette contre-performance.
Une vue d’ensemble des résultats publiés
L’année compliquée par laquelle sont passées les sociétés cotées se reflète dans les résultats financiers publiés au titre de l’exercice 2018. Malgré la légère progression des revenus des entreprises du MASI (+1.5%), les marges opérationnelles ainsi que les bénéfices nets se sont dégradés respectivement de (-1%) et (-8.1%). Cette contreperformance des sociétés de la cote s’explique essentiellement par des éléments non récurrents notamment la plus-value importante liée à la cession réalisée en 2017 par le groupe Managem de 61% de la mine Lamikal au groupe chinois Wanbao Mining ainsi que la multiplication des contrôles fiscaux chez les sociétés cotées en 2018. Ces derniers ont pesé pour 570 millions de DH sur les bénéfices de 2018 soit près de 2% des bénéfices agrégés de la place financière.
Un démarrage optimiste et une fin d’année dans le rouge
L’année 2018 a plutôt démarré sous de bons auspices, le MASI a commencé avec un optimisme accru quant à la continuité de la tendance haussière enregistrée en 2017. L’élan des premiers mois a été cassé par le boycott qui a eu raison tant du moral des investisseurs que de celui des émetteurs. Ainsi à partir de Mai 2018 le marché boursier est entré en territoire baissier. Depuis, les anticipations n’avaient cessé d’être révisées en baisse pour des motifs conjoncturels ou propres à certaines entreprises.
Une avalanche de profit warnings
La place boursière casablancaise a battu un triste record de publication de profit warning. En effet, 18 entreprises, pesant plus de 10% de la masse bénéficiaire, ont émis des communiqués alertant sur les résultats annuels 2018 soit en moyenne une entreprise sur 4.
Les causes de ces alertes sont multiples : conjoncture économique difficile pour certains secteurs d’activité notamment le BTP et la construction, la hausse de la sinistralité automobile chez les assureurs et les charges exceptionnelles liées aux contrôles fiscaux.
Des tops et des flops
Il s’agit de la première baisse de la capacité bénéficiaire enregistrée sur la place casablancaise depuis 2014. Ce sont des secteurs entiers qui ont tiré la tendance des résultats vers le bas.
Le BTP, l’industrie ou encore le secteur des assurances ont vu leurs contributions au bénéfice agrégé fortement couler en 2018. Les sociétés du secteur agroalimentaire, dont certaines étaient pénalisées par le boycott comme Oulmes et Centrale Danone, ont accusé une baisse remarquable de leurs bénéfices nets.
Cette tendance baissière cache quelques éclaircies. Des bonnes performances réalisées par des entreprises de taille petite ou moyenne, à l’instar de HPS (+54%), Dari Couspate (+40%) ou M2M Group (+24%). Le secteur financier a bien résisté à la morosité du climat qui a marqué cette année. Les bénéfices agrégés des six banques cotées ont augmenté d’environ 4%.
Des dividendes pour apaiser
Quoi qu’il en soit, la baisse des résultats en 2018 n’a pas empêché les entreprises cotées d’offrir une rémunération généreuse aux actionnaires. Cela constitue un beau soutien pour le marché en ces circonstances ardus et un signal fort aux investisseurs sur le caractère passager de la baisse des résultats.
Les entreprises cotées vont verser cette année plus de 21 milliards de dirhams de dividendes à leurs actionnaires. C’est 4,4% de moins que le volume servi au titre de l’exercice 2017. Deux sociétés cotées ont fortement contribué à cette tendance : il s’agit du groupe Addoha et de la BMCI. Le premier a décidé de faire une pause et ne pas distribuer de dividende cette année pour la première fois depuis son introduction en Bourse en 2005, tandis que la filiale du groupe BNP Paribas s’est contentée d’un dividende ordinaire de 30 dhs contre un dividende 97 dhs l’an passé dont 67 dhs de dividende exceptionnel.
Néanmoins, cette baisse de 4.4% du volume global des dividendes est moins importante comparée au recul de 7% de la masse bénéficiaire des sociétés cotées. Ceci s’explique principalement par le fait qu’une douzaine d’entreprises vont distribuer plus que 100% du résultat net réalisé en 2018. Le taux de distribution (pay out) reste ainsi en amélioration par rapport à 2017 et avoisinent les 80% enregistrant ainsi l’un des taux de rémunération les plus élevé dans le monde (il est à noter que la moyenne du taux de distribution (pay out) en Europe est d’environ 55% et de 48% aux États-Unis).
Une année 2019 encore floue
Si l’année 2018 est une année à oublier pour le marché boursier, les acteurs du secteur sont plutôt optimistes pour l’année 2019 malgré le fait que la capitalisation boursière continue de suivre, en ce premier trimestre, le trend baissier de l’année précédente. Les investisseurs pourraient bien miser sur plusieurs chantiers prévus notamment la vague de privatisations amorcée par le gouvernement.