Bon signe pour le secteur du ciment dont les indicateurs poursuivent pour le 4ème mois un trend ascendant. Ainsi d’après les derniers chiffres publiés par la Direction des Etudes et des Prévisions financières (DEPF), la consommation de ciment a augmenté de 5,9% à fin avril 2019 après deux années consécutives de recul -5,5% à fin avril 2018 et -5,3% à fin avril 2017.
Toutefois cette évolution globale ne témoigne pas forcément de la reprise du secteur du BTP comme souligné par David Toledano, Président de la Fédération des industries des matériaux de construction (FMC).
« Nous ne pouvons pas se fier uniquement à la consommation du ciment comme indicateur clé du BTP. Les chiffres de ciment sont des chiffres fiables sur lesquels on peut s’appuyer pour évaluer la tendance. Toutefois, je pense qu’il ne faut plus se limiter uniquement à cet indicateur au moment de réaliser les statistiques mais prendre également en considération les chiffres des carreaux, de l’acier, des produits en béton et d’autres », a-t-il précisé.
En effet, bien que les chiffres soient au vert, force est de constater que nous sommes à des consommations du ciment beaucoup plus faibles par rapport à 2008, année de boom immobilier. La consommation du ciment par habitant en 2018 était à un niveau nettement inférieur à celui des pays comparables soit seulement 377,3 kg contre 456,8 kg en 2009.
L’absence de signe réel de reprise se confirme par une évolution infime du rythme de progression des crédits pour le financement des opérations immobilières qui s’est amélioré de seulement 0,2% passant +3,6% à fin mars 2019, au lieu de +3,4% à fin mars 2018 pour atteindre 269 Mds de DH.
C’est dire que la morosité du secteur pourrait se poursuivre en 2019 comme indiqué dans le rapport publié par CDG Capital sur « Cueillir les plus belles valeurs en ces temps d’incertitude ».
Il ressort dudit rapport que la croissance du PIB est prévue en léger ralentissement passant de 3,0% en 2018 à 2,9% en 2019.
Contrairement à la tendance des 4 premiers mois de 2019, CDG Capital reste pour autant sceptique et anticipe même un recul supplémentaire pour l’année 2019 de -0,8% et ce en dépit du programme d’investissement d’un montant prévu de 99 Mds de DH.
Un recul qui sera associé d’une baisse du marché de logement qui représente 70% des débouchés du ciment.
Pis encore, l’incertitude dans laquelle baigne le secteur de l’immobilier notamment en raison de l’approche de l’échéance 2020 (fin des exonérations fiscales du logement social) risque de plonger davantage le secteur dans cette léthargie.
« A l’approche de l’échéance 2020, l’Etat et les promoteurs doivent revoir la politique à mettre en place pour soit continuer à privilégier ce logement soit laisser libre cours au marché pour satisfaire les demandes et besoins », nous avait confié David Toledano.
En l’absence d’une vision claire sur comment va se dessiner l’avenir du secteur, les opérateurs broient du noir. Y aura-t-il reconduction ou pas des privilèges fiscaux ? La réponse est certainement non si l’on lit entre les lignes de l’intervention du ministre des Finances et de l’Economie Mohammed Benchaâboun lors des dernières Assises. « Aucun secteur et aucune activité ne doivent rester en dehors du champ de l’impôt. Le principe est que tous les contribuables doivent déposer leurs déclarations même quand ils sont exonérés ou imposés au taux zéro », a-t-il déclaré.
Nonobstant la suppression des exonérations fiscales était plus imminente comme nous avait précisé Abdelahad Fassi Fihri, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’habitat et de la Politique de la ville. « Ce système a atteint ses limites. Il est temps de passer à autre chose », avait-il précisé.
Rappelons que le ministère était plongé sur un système d’aide directe pour remplacer lesdites exonérations.
Quoique ce système soit mis en place, il faudra beaucoup plus pour redynamiser le secteur. « L’urbanisation croissante estimée à 62 % en 2018 et la croissance démographique régulière à 1,5% continuent de soutenir les perspectives de ce secteur. Toutefois, ces perspectives ne seront soutenues qui si des mesures politiques fortes en faveur du pouvoir d’achat, sont mises en place pour stimuler la demande en logements », lit-on dans le rapport de CDG Capital.
Sans oublier le secteur bancaire qui constitue un maillon important dans la facilitation des conditions d’octroi des crédits immobiliers afin de stimuler le secteur et qui ne joue toujours pas le jeu comme il se doit.
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